Le 969e rassemblement des Mères du Samedi à Istanbul s’est terminé par une intervention brutale de la police, aboutissant à l’arrestation de 26 personnes.

Depuis des décennies, chaque semaines, ces mères courageuses descendent dans la rue pour réclamer justice et vérité sur le sort de leurs proches disparus dans les prisons de l’État turc.

La place Galatasaray à Istanbul a été, une fois de plus, le théâtre d’une violente répression policière à l’encontre des Mères du Samedi. Empêchées de manifester pour attirer l’attention sur les disparitions forcées et demander des comptes aux auteurs de ces crimes, les femmes et leurs soutiens ont été arrêtés. Au total, 26 personnes ont été interpellées et menottées.

Le mouvement des Mères du Samedi a reçu le soutien de nombreuses personnalités publiques cette semaine, parmi lesquelles l’avocate Eren Keskin, présidente de l’Association des droits de l’homme (IHD), ainsi que les députés du Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples (HEDEP) Cengiz Çiçek, Celal Fırat et Özgül Saki. Étaient également présents Ahmet Şık, député du Parti des travailleurs de Turquie (TIP), et Musa Piroğlu, ancien député du Parti démocratique des peuples (HDP).

Alors que les forces de l’ordre repoussaient les journalistes et tentaient d’empêcher la députée Özgül Saki de rejoindre les proches des disparus, cette dernière a vigoureusement protesté contre le caractère illégitime de l’action policière. Elle n’a été autorisée à passer qu’après avoir averti les forces de l’ordre des potentielles conséquences juridiques de leur comportement. Pendant ce temps, les manifestants lançaient des œillets sur la place Galatasaray, fermée au public, en signe de résistance et de détermination à poursuivre leur quête de justice. Cengiz Çiçek a dénoncé l’attaque illégitime de la police et souligné que les Mères du Samedi incarnent la conscience de la société, méritant ainsi le plus grand respect pour leur résistance inébranlable.

Depuis plus de 28 ans, les Mères du Samedi demandent à avoir des réponses sur le sort de leurs proches disparus en garde à vue. Il s’agit de la plus longue action de désobéissance civile en Turquie, initiée le 27 mai 1995 par la famille d’Hasan Ocak, un enseignant mort sous la torture. On estime à 17 000 le nombre de personnes « disparues » en Turquie dans les années 1980 et 1990, principalement dans les régions kurdes, dont les corps ont souvent été retrouvés dans des fosses communes, des décharges ou des puits. Ni la police, ni la justice n’ont pris les mesures nécessaires pour enquêter sur ces « disparitions forcées ».

Depuis les manifestations de 2013 dans le parc Gezi à Istanbul, tout rassemblement est interdit sur la place Galatasaray, à l’exception des Mères du Samedi. Cependant, en août 2018, leur 700e veillée a été interdite et violemment dispersée sous prétexte de liens supposés avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Depuis, toute manifestation sur cette place est interdite, en contradiction avec la décision de la Cour constitutionnelle turque du 22 février 2023, statuant sur le droit à la liberté de réunion et de manifestation. Le blocage de la place est donc déclaré invalide. Malgré cela, le ministère turc de l’Intérieur et les autorités d’Istanbul continuent d’ignorer cette décision, réprimant violemment chaque semaine les Mères du Samedi et leurs soutiens.