Ruksen Mihemed, porte-parole des YPJ, alerte sur le danger que représente le camp d’Al-Hol, dénonçant aussi le soutien de la Turquie à l’EI
Ruksen Mihemed, porte-parole des YPJ

Ruksen Mihemed, porte-parole des YPJ, alerte sur le danger que représente le camp d’Al-Hol, dénonçant par ailleurs le rôle de la Turquie dans la réorganisation de l’EI.

Depuis le 25 août, les Forces de sécurité intérieure du nord et de l’est de la Syrie (Asayîsh) dirigent une opération sécuritaire dans le camp d’Al-Hol. L’opération est soutenue par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dont les Unités de Protection des Femmes (YPJ) sont une composante. L’opération a permis jusqu’à présent de démanteler plusieurs structures mises en place par l’organisation l’État islamique (EI), telles que des écoles, des centres de formation, des prisons, des centres de torture et des tribunaux. Les forces de sécurité ont découvert par ailleurs des tunnels et saisi de nombreuses armes ainsi que des outils de torture. En outre, de nombreux membres présumés du groupe djihadiste ont été arrêtés. Les FDS déplorent cependant la mort de deux de leurs combattants tués le 7 septembre dans une escarmouche avec des islamistes.

L’agence de presse Mezopotamya (MA) s’est entretenue avec Ruksen Mihemed, porte-parole des YPJ, au sujet de l’opération.

Prévenir le danger pour la région et le monde

Ruksen Mihemed a souligné l’urgence de l’opération qui en est à sa deuxième phase, la première ayant eu lieu au printemps 2021: « Al-Hol est l’un des camps les plus dangereux, non seulement pour le nord et l’est de la Syrie, mais aussi pour le monde entier. Il y a des familles de l’EI de 56 différentes nationalités dans le camp, il y a des meurtres et des suicides. L’EI endoctrine les enfants dans le camp. Ainsi, grandit une nouvelle génération de djihadistes. Si aucune mesure n’est prise contre la réorganisation de l’EI, nous serons confrontés à de gros problèmes demain. Comme je l’ai dit, ce n’est pas seulement un danger pour nous, mais pour toute l’humanité. C’est pour éviter cela que nous avons lancé la deuxième phase de l’opération. »

« Tant que l’EI existera, nous le combattrons »

Mihemed a rappelé l’attaque dévastatrice de l’EI contre la prison de Sina à Hassaké le 20 janvier dernier et souligné que l’objectif des forces de sécurité était de détruire le groupe islamiste : « Il s’agit d’une tâche d’importance historique. Tant que l’EI existera, nous le combattrons ». Par le passé, nous avons mené une énorme bataille contre l’EI et l’avons écrasé en tant que puissance territoriale. Dans ce processus, nous avons également été soutenus par des puissances internationales. Mais à l’heure actuelle, nous sommes seuls à gérer le camp. Les puissances internationales ne font qu’observer ce qui s’y passe. Personne n’a fait le moindre pas pour rapatrier les familles de djihadistes dans leur pays d’origine ou pour organiser leur jugement ici. » 

« La Turquie prépare le terrain pour la réorganisation de l’EI »

Concernant la réorganisation du groupe terroriste, la porte-parole des YPJ a déclaré : « l’EI veut se venger de sa défaite. À cette fin, il tente de créer une situation d’instabilité dans la région. Il est soutenu en cela par les attaques de la Turquie dans la région. La Turquie prépare le terrain pour la réorganisation de l’EI et apporte un grand soutien aux cellules qui se sont formées dans le camp d’Al-Hol. »

Une menace grandissante

Concernant les structures découvertes lors de l’opération, la commandante a déclaré : « Nous avons découvert des tunnels dans lesquels étaient cachés des armes ainsi que des corps de personnes exécutées. Nous avons identifié par ailleurs des lieux servant de tribunaux de la charia, d’écoles, de prisons ou  de centres de torture. Nous avons engagé cette opération de sécurité parce qu’il est de notre devoir de stopper la propagation de la terreur djihadiste. Mais n’oublions pas que ce n’est pas seulement notre devoir, mais aussi le devoir de toutes les puissances qui disent combattre l’EI. Nous accomplissons notre devoir de défendre l’humanité. Mais cela ne suffit pas, nous avons besoin de soutien. Les familles de l’EI doivent retourner dans leur pays d’origine. Tant que ces familles ne sont pas rapatriées, il faut trouver une solution pour les empêcher de s’organiser. Le danger grandit de jour en jour et il faut l’empêcher. »

Assécher les racines de l’EI

Selon Mihemed, le matériel saisi dans le camp confirme la relation étroite entre la Turquie et l’organisation terroriste: « La relation entre la Turquie et l’EI est évidente. Les armes, les vêtements et l’argent saisis dans le camp en sont les illustrations les plus concrètes. La Turquie fait de son mieux pour la reconstruction de l’EI. Si nous voulons détruire le groupe terroriste, nous devons dénoncer le soutien de la Turquie. Il n’est pas possible de détruire l’EI sans assécher ses racines. »

Une vengeance pour les femmes yézidies

La libération des femmes yézidies retenues captives dans le camp est une des victoires de l’opération, particulièrement pour les YPJ: « Le plus grand succès que nous avons obtenu dans l’opération a été la libération des femmes. En tant que YPJ, nous avons fait une promesse aux femmes Yézidies près l’attaque de Shengal en 2014. Nous avons promis de les défendre. Depuis que nous avons fait cette promesse, nous avons libéré des milliers de femmes. Cette promesse est toujours d’actualité. Nous allons venger les femmes yézidies. Nous nous joindrons à elles pour demander des comptes sur les massacres et les traumatismes qui leur ont été infligés. Tant qu’il y aura des femmes captives, nous poursuivrons notre combat. L’EI et la Turquie voulaient effacer l’histoire profondément enracinée du peuple yézidi, mais nous les en avons empêchés jusqu’à présent et nous continuerons à le faire. Les femmes yézidies que nous avons libérées vivront une nouvelle vie, libre. En tant que YPJ, il est de notre devoir de libérer ces femmes. »

Juger la Turquie

Pour conclure, la jeune femme a déclaré: « Beaucoup de nos amies sont tombées dans la lutte contre l’EI pour défendre l’humanité. Des femmes qui avaient héroïquement combattu l’EI ont été assassinées par la Turquie*. Toutes nos amies qui ont perdu leur vie pour cette cause sont tombées sur la voie de leur engagement. Nous promettons de les venger. Nous continuerons à suivre le chemin qu’elles ont emprunté. Nous nous battrons jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour détruire l’EI. L’EI n’a plus de pouvoir territorial, mais Il dispose de cellules qui travaillent à sa réorganisation. Et la Turquie le soutient ouvertement. Si la Turquie n’est pas tenue responsable, l’EI deviendra une organisation encore plus dangereuse qu’auparavant. Toutes les puissances internationales doivent ouvrir la voie pour que la Turquie soit jugée. »

*Référence notamment aux commandantes des YPJ Jiyan Tolhildan et Roj Xabûr, et à la combattante Barîn Botan tuées dans une attaque ciblée de drone turque près de Qamishlo, le 22 juillet dernier.