Dans un arrêt rendu le 1er février 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) considère que la levée de l’immunité parlementaire de 40 députés du Parti démocratique des peuples (HDP) est contraire à la Constitution turque et viole la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’homme dont la Turquie est cosignataire. Ces recours avaient été déposés en septembre, octobre et novembre 2016.

Dans un arrêt rendu le 1er février 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) considère que la levée de l’immunité parlementaire de 40 députés du Parti démocratique des peuples (HDP) est contraire à la Constitution turque et viole la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’homme dont la Turquie est cosignataire. Ces recours avaient été déposés en septembre, octobre et novembre 2016.

80 députés HDP avaient été élus à la « Grande Assemblée nationale de Turquie » (parlement) lors des élections législatives de juin 2015. C’en était trop pour le président Erdoğan qui fit annuler les élections pour obtenir un résultat plus conforme à ses ambitions. Le résultat des élections de novembre 2015, – 66 élus HDP malgré les pressions et les trucages-, était encore inacceptable pour le président dictateur : l’ordre fut intimée au parlement dominé par l’AKP, parti du président, de procéder à l’élimination de ces élus de la République en les privant de leur immunité. De nouveau, en juin 2018, les élections législatives envoyaient 60 députés HDP à Ankara! Depuis, la pression sur ce parti ne s’est pas relâchée. En mars 2021, 14 de ses députés ont été à nouveau déchus de leur mandat et 12 sont, aujourd’hui, toujours détenus dans les prisons turques. 

Cette répression a une longue histoire en Turquie : En 1994, les députés kurdes du Parti de la démocratie (DEP) avaient également été déchus, et par la suite, 27 députés au moins avaient subi le même sort. Ces attaques ne sont pas exclusivement dirigées contre la démocratie parlementaire comme le déclarèrent Feleknas Uca et Hişyar Özsoy co porte-paroles du HDP, le 5 juin 2020 :

 » Le gouvernement turc a également destitué illégalement les co-maires du HDP dans les provinces kurdes et les remplaçant par des « gouverneurs-administrateurs » nommés. Depuis les élections locales du 31 mars 2019, le gouvernement a saisi illégalement un total de 45 municipalités gérées par le HDP sur 65. Au 5 juin 2020, 21 co-maires HDP élus en mars 2019 et au moins 27 élus aux élections locales de 2014 restent derrière les barreaux.

Ces nouvelles arrestations sont le signe avant-coureur d’une plus grande répression de l’État alors que le pays s’enfonce davantage. »

Le 21 juin 2021, la Cour constitutionnelle acceptait d’ouvrir un procès pour examiner la dissolution du HDP.  C’est une pratique hautement antidémocratique de la Turquie de faire interdire les partis pro-kurdes (depuis 1993 : HEP, OZDEP, DEP, HADEP, DTP ont été successivement interdits) Mais, cette fois-ci, cette interdiction du HDP réclamée depuis mars 2021 par le procureur de la Cour de cassation de Turquie est assortie d’une demande d’interdiction d’exercer des fonctions politiques à l’encontre de 600 cadres du HDP afin de les empêcher de former un nouveau parti. Cette attaque est sans précédent.

Dans ce contexte, que vaut cette condamnation du CEDH? La Turquie n’en a cure : elle n’a pas obtempéré quand cette juridiction européenne lui a ordonné de libérer Selahattin Demirtaş, ce qui aurait dû entrainer des sanctions de la part du Conseil de l’Europe. Son exclusion, par exemple. Rappelons que la Cour européenne des droits de l’homme est une juridiction du Conseil de l’Europe chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les 47 États qui l’ont ratifiée, dont la Turquie. 

La Turquie peut-elle continuer à défier impunément les européens ? Le lobby pro-turc en Europe, et en France, est puissant, mais la roue finira bien par tourner. ) « tekerlek sonunda dönecek ».

Que sont devenus les 40 députés privés en 2015 de leur immunité parlementaire?

2 sont décédés : Mehmet Mir Dengir FIRAT et Kadri YILDIRIM 

12 sont en fonction : Feleknas UCA, députée de Batman, Ayşe ACAR BAŞARAN, députée de Batman, Berdan ÖZTÜRK, député d’Ağrı, Dirayet Dilan Taşdemir, députée d’Ağrı, Mithat SANCAR, député de Mardin, Pervin BULDAN, députée d’ İstanbul , Hüda KAYA, députée d’İstanbul, Hişyar ÖZSOY, député de Diyarbakır, İmam TAŞÇIER, député de Diyarbakır, Mahmut TOĞRUL, député d’Antep, Alican ÖNLÜ, député de Dersim, Meral DANIŞ BEŞTAŞ, députée de Siirt.

1 a rejoint le camp de Qandil : Nadir YILDIRIM. 

5 sont toujours détenus : à Edirne, Selahattin DEMİRTAŞ, député d’Istanbul, à Ankara, İdris BALUKEN, député de Diyarbakır,  à Kocaeli, Figen YÜKSEKDAĞ, députée de Van, Gülser YILDIRIM, députée de Mardin, et Çağlar DEMİREL, députée de Diyarbakir. 

13 sont en exil 

11 sont réfugiés en Allemagne : Selma IRMAK, Ertuğrul KÜRKÇÜ, Nursel AYDOĞAN, Sibel YİĞİTALP, Faysal SARIYILDIZ, Lezgin BOTAN, Dilek ÖCALAN, Ziya PİR, Leyla BİRLİK, Tuğba HEZER ÖZTÜRK, et Ahmet YILDIRIM.

1 est réfugié à Londres : Osman BAYDEMIR

1 est réfugié à Paris : Mehmet Emin ADIYAMAN 

5 militent dans le parti à une autre fonction : Behçet YILDIRIM, Nihat AKDOĞAN, Aycan İRMEZ, Sırrı Süreyya ÖNDER et Ferhat ENCÜ (qui, à sa libération, a été élu président de la section HDP d’Istanbul). Et 2 ont quitté la vie politique.

André Métayer