Le MRAP a porté la question de l’isolement d’Imrali aux sessions du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, appelant le Comité des Nations unies contre la torture à visiter d’urgence l’île-prison.
La 57e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, qui a débuté le 9 septembre à l’Office des Nations Unies à Genève et se terminera le 9 octobre, se poursuit avec des discussions sur les violations des droits humains dans différents pays.
Le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié des Peuples (MRAP) a soumis une déclaration écrite aux sessions, attirant l’attention sur les pratiques illégales mises en œuvre par l’État turc contre le peuple kurde et sur les conditions de torture auxquelles est soumis le dirigeant kurde Abdullah Öcalan.
Le MRAP a attiré l’attention sur le fait que l’État turc a violé sa propre constitution et le droit international en matière de droits humains. L’ONG a indiqué dans sa déclaration: « En violant la Constitution même de l’État et le droit international des droits de l’homme, le gouvernement turc continue de mettre en œuvre une politique discriminatoire et oppressive de longue date à l’égard du peuple kurde dans tous les aspects de la vie, ce qui conduit à la violation d’un large éventail de droits fondamentaux : les droits civils et politiques, ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement. Bien qu’il n’y ait pas d’obstacle juridique, l’écoute de la musique kurde et la présentation du folklore sont considérées comme des crimes. Les concerts d’artistes kurdes ou alternatifs au gouvernement sont annulés. La pratique de la musique et des danses kurdes peut conduire à l’arrestation et à l’emprisonnement ».
La déclaration ajoute : « Le 25 juillet 2024, neuf jeunes Kurdes de Mersin chantaient des chansons kurdes et dansaient au bord de la mer. Lorsque certains individus ont filmé les danseurs et diffusé la vidéo sur les médias sociaux, les neuf jeunes Kurdes ont été interpellés et arrêtés par la police turque sous l’accusation de ‘propagande terroriste. À la suite de l’incident de Mersin, l’État turc a commencé à procéder à des arrestations dans de nombreuses provinces en utilisant comme prétexte la musique et la danse kurdes lors de mariages. Par exemple, dans le district de Kurtalan à Siirt, six femmes ont été arrêtées et détenues lors d’un mariage pour avoir chanté de la musique et dansé des danses kurdes, après avoir été ciblées sur les médias sociaux par certains groupes racistes. De même, dans le district de Dogubeyazit à Agri, six personnes ont été arrêtées et détenues pour avoir porté des vêtements traditionnels et dansé lors d’un mariage. Le gouvernement turc adopte une approche raciste à l’égard de tous les symboles culturels tels que les vêtements et le folklore kurdes, en les utilisant comme motifs d’emprisonnement ».
Application discriminatoire des peines
Le MRAP a déclaré que « la discrimination et l’oppression sont appliquées de manière pernicieuse, à l’abri des regards, dans les prisons, où les prisonniers politiques kurdes et les personnes condamnées pour des délits de droit commun sont traités très différemment. Des pressions arbitraires sont exercées sur les hommes politiques kurdes en vertu de la loi antiterroriste et du règlement relatif à la gestion des établissements pénitentiaires, à l’exécution des peines et aux mesures de sécurité. Selon les données officielles, il y a environ 340 000 détenus et condamnés en Turquie, un nombre qui ne cesse d’augmenter. La construction de 58 nouvelles prisons d’ici la fin de l’année 2026 préoccupe vivement les organisations de la société civile et les familles des condamnés, qui craignent que les prisons de haute sécurité de type « S » et « Y », destinées aux détenus politiques, ne favorisent des tortures psychologiques et physiques.”
Soulignant qu’en 2004, la peine de mort a été complètement abolie en Turquie et remplacée par une peine d’emprisonnement à vie aggravée, le MRAP a déclaré que l’emprisonnement à vie aggravé est appliqué différemment aux prisonniers politiques par rapport aux autres condamnés. “Des mesures extrêmes sont prises à l’encontre des personnes détenues pour des raisons politiques. Elles sont maintenus dans des cellules d’isolement et ont droit à une heure d’exercice en plein air par jour si elles n’ont pas été condamnées à des sanctions disciplinaires, qui sont appliquées de manière arbitraire ».
Selon la loi n° 5275, les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité aggravée sont détenues à vie dans des prisons de haute sécurité, perdant ainsi leur liberté pour une durée indéterminée. En revanche, les personnes condamnées pour d’autres crimes peuvent être libérées après 24 ans d’emprisonnement si elles sont condamnées à la réclusion à perpétuité aggravée et après 30 ans si elles sont condamnées à la réclusion à perpétuité, sous réserve de la décision des comités d’observation des prisons.
Le MRAP a déclaré : « Cette loi est connue sous le nom de loi Abdullah Öcalan. Elle a été promulguée pour garantir qu’Abdullah Öcalan, qui se trouve dans la prison de l’île d’Imrali depuis 1999, passe le reste de sa vie en prison. Cette loi est appliquée à toutes les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité aggravée, ce qui supprime leur droit à l’espoir et constitue une forme de torture. »
Les sanctions disciplinaires et l’isolement comme forme de torture
Le MRAP ajoute : « Des mesures disciplinaires sont prises, avec une approche raciste, pour des raisons telles que la pratique d’activités culturelles kurdes (chants, danses, poésie, etc.) ou le refus de fouilles buccales lors d’une visite à l’hôpital, le fait de ne pas se lever pendant les appels, et la participation à des grèves de la faim contre les pratiques arbitraires et la torture. Les personnes soumises à des sanctions disciplinaires sont placées dans des cellules d’isolement, la communication avec leurs familles et leurs avocats est coupée et leurs appels téléphoniques hebdomadaires sont bloqués. Cette politique est strictement appliquée à Abdullah Öcalan, Omer Hayri Konar, Veysi Aktas et Hamili Yildirim dans la prison de haute sécurité de l’île d’Imrali. Depuis le 15 février 1999, Abdullah Öcalan a été placé dans une cellule d’isolement et les visites de ses avocats et de sa famille ont été continuellement interrompues. Depuis le 25 mars 2021, aucune information n’a été reçue au sujet d’Abdullah Öcalan et des trois autres détenus. L’isolement prolongé et la prolongation arbitraire de l’emprisonnement sont considérés comme des actes de torture. »
Prisonniers malades
Selon les données de l’Association turque des droits de l’homme et de l’Association pour la solidarité avec les familles de prisonniers, il y a 1517 prisonniers malades, dont 651 sont gravement malades.
Le MRAP a déclaré que « les prisons manquent de conditions de traitement adéquates. Les prisonniers évitent de se rendre à l’hôpital en raison de pratiques provocantes et dégradantes telles que les fouilles buccales, les examens menottés et d’autres comportements humiliants ».
Le MRAP a une nouvelle fois souligné que « malgré le fait que la Turquie soit partie à plusieurs traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, les autorités n’ont pas mis en œuvre depuis plusieurs années les décisions prises ou les recommandations formulées par la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité du Conseil de l’Europe pour la prévention de la torture (CPT) et les mécanismes et organes des Nations unies chargés des droits de l’homme. »
Le MRAP a formulé les recommandations suivantes à l’adresse de la Turquie : Respecter les traités auxquels elle est partie ; mettre en œuvre les décisions rendues et les recommandations formulées par les organes européens qui surveillent l’application de ces traités ; mettre en œuvre les décisions rendues et les recommandations formulées par les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies (procédures spéciales et organes de traités).
Le MRAP a également appelé « les procédures spéciales concernées à accorder une attention particulière à la situation en Turquie et le Sous-comité pour la prévention de la torture (SPT) à demander une visite urgente à la prison d’Imrali.