Dans un entretien diffusé sur Medya Haber TV, Mustafa Karasu, membre du Conseil exécutif de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK), est revenu sur la portée historique du mois de mars dans la lutte kurde, sur l’émergence du leader kurde Abdullah Öcalan en tant que figure centrale du mouvement de libération, et sur la signification profonde de la résistance menée depuis plus de 50 ans par le PKK.

Dans un long entretien, Mustafa Karasu, membre du Conseil exécutif de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK), s’est exprimé sur l’appel lancé par Abdullah Öcalan le 27 février et sur le silence persistant du gouvernement turc depuis lors.

Selon lui, l’absence de toute réponse concrète de la part des autorités renforce les soupçons sur leurs intentions réelles vis-à-vis de la résolution de la question kurde.

Un appel clair resté sans réponse

Karasu rappelle que le leader du MHP, Devlet Bahçeli, avait publiquement déclaré :

« Que [Öcalan] appelle à la dissolution de l’organisation, à la fin de la guerre, alors le ‘Droit à l’espoir’ sera appliqué. »
Abdullah Öcalan a effectivement lancé cet appel. Il a appelé à la fin de la lutte armée, à la tenue d’un congrès du PKK, qu’il souhaitait pouvoir orienter. Mais aucun des engagements formulés par le pouvoir turc n’a été tenu. Ni les conditions de détention à İmralı n’ont été allégées, ni le moindre pas concret n’a été franchi.

« Alors, à quoi devons-nous croire ? » demande Karasu.
« Ils parlent de ‘légalité’ mais ignorent la Cour européenne des droits de l’homme, la Constitution et même les lois qu’ils ont eux-mêmes adoptées. »

Un processus saboté par calcul politique

Karasu accuse directement le pouvoir AKP-MHP de faire obstruction à toute dynamique de paix, pour préserver les intérêts de ceux qui profitent de la guerre :

« Tant que la guerre continue, certains en tirent profit : ils s’en servent pour justifier la répression, museler l’opposition, et maintenir leur domination. »

Il insiste sur le fait que la fin de la lutte armée est possible, mais qu’elle nécessite des conditions concrètes : l’arrêt des attaques, la participation d’Öcalan au congrès, et la sécurité garantie pour les cadres du mouvement.

Une démarche sérieuse du côté kurde

« Dès l’appel de Rêber Apo, nous avons répondu de manière responsable. Nous avons dit que nous étions prêts à faire ce qui était nécessaire. Mais de l’autre côté, rien. Absolument rien. »

Karasu rappelle que seul un congrès peut statuer sur la dissolution du PKK et que cela ne peut se faire sous les bombes. Il dénonce les promesses non tenues du pouvoir, en particulier celles de Bahçeli.

Le Newroz 2024 : un tournant populaire

Karasu salue aussi la mobilisation exceptionnelle lors du Newroz 2024, qu’il considère comme un tournant dans la conscience collective :

« Ce Newroz a été une apogée. Le peuple s’est levé. Il a montré qu’il est prêt à porter la démocratie et la liberté pour tout le Moyen-Orient. »

Il rappelle que le Newroz n’est pas une simple fête, mais un programme de lutte annuel, et que cette année, il a marqué une adhésion populaire massive à l’appel du 27 février.

La perspective : une société démocratique et autogérée

Karasu réaffirme que le paradigme de la lutte kurde a changé, que la priorité n’est plus la prise de pouvoir d’État mais l’organisation démocratique autonome de la société, selon le modèle de la confédération démocratique :

« Une société démocratique signifie une société organisée. Et c’est cette organisation qui portera la démocratisation. »

Il insiste sur le fait que les revendications kurdes sont claires : instruction en langue maternelle, autonomie locale, reconnaissance de l’identité kurde — des droits fondamentaux, non négociables.

Un appel à l’engagement sincère

Karasu conclut par un avertissement à l’État turc et un message à la communauté internationale :

« Nous voulons avancer, mais nous restons prudents. Le silence du gouvernement accroît la méfiance. Ce processus doit être pris au sérieux. S’il n’y a pas d’engagement clair, nous évaluerons la situation autrement. »

Il rappelle enfin que la lutte kurde, initiée par Abdullah Öcalan, a profondément modifié les équilibres au Moyen-Orient, et qu’elle est aujourd’hui une source d’espoir démocratique pour tous les peuples de la région.