Abdullah Öcalan est toujours en isolement sur l’île-prison d’Imrali. L’avocate Cemile Turhallı explique en quoi cela contredit la constitution turque ainsi que le droit international.
Dans les prisons turques et du Nord-Kurdistan (Turquie), les prisonniers politiques en sont au 169ème jour de leur grève de la faim alternée pour demander la fin de l’isolement imposé à Öcalan ainsi que la fin des violations des droits dans les prisons.
L’avocate Cemile Turhallı a fait part de ses observations à l’agence de presse Firatnews (ANF) de l’incompatibilité de l’isolement imposé à Abdullah Ocalan avec le droit turc et international et des grèves de la faim dans les prisons turques.
Turhalli a déclaré : « Il y a plus de restrictions pour les condamnés que pour les prévenus, mais pour les condamnés la législation pénitentiaire permet une possibilité quotidienne pour les avocats de rendre visite à leurs clients et une possibilité hebdomadaire pour les membres de la famille. Étant donné que la Cour constitutionnelle a constaté une violation des droits de M. Abdullah Öcalan, nous sommes confrontés à une pratique de l’État turc qui contredit non seulement sa propre constitution et d’autres lois internes, mais aussi les traités internationaux qu’il a signés. En outre, elle va également à l’encontre de sa propre Cour constitutionnelle, qui a fait droit à une plainte constitutionnelle dans cette affaire. »
Evoquant l’approbation de l’isolement par le ministère de la Justice turque, Turhallı a ajouté : « Nous voyons ici comment un gouvernement prend des décisions et des positions contre ses propres lois et décisions de justice. La pratique officielle est également en contradiction avec les lois anti-discrimination. En effet, les lois devraient être les mêmes pour tous. Toute loi qui n’est pas appliquée de manière égale à tous est synonyme de discrimination.
D’autre part, M. Abdullah Öcalan s’efforce constamment de trouver une solution à la question kurde, non pas par des moyens militaires, mais par la paix et le dialogue entre toutes les parties. Durant la période connue sous le nom de « processus de paix », les solutions proposées ont également été reprises et discutées par le gouvernement. Cela a cependant rendu très fébriles certains milieux qui préfèrent la guerre. Nous pouvons maintenant voir qu’en fait le gouvernement agit en alliance avec ces milieux. »
« La Turquie ne remplit pas ses obligations en tant que membre du Conseil de l’Europe ».
Selon Turhallı, ce n’est pas seulement le droit turc qui est violé par l’isolement. Le droit international et les obligations énoncées dans les traités internationaux ne sont pas non plus respectés. « Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) est un organe extrajudiciaire créé en 1987. Ses décisions doivent être considérées comme des recommandations. Conformément à la convention, le CPT peut également rencontrer des personnes dont la liberté a été restreinte en raison de mesures étatiques lors de visites dans ses États membres pour enquêter sur des abus.
Après chaque visite, le CPT rédige un rapport basé sur ses conclusions et suggestions, qui est publié sous réserve de l’approbation du pays membre concerné. En tant que membre du Conseil de l’Europe, la Turquie a effectivement reconnu le caractère contraignant des décisions publiées. Cependant, ici aussi, nous constatons que la Turquie ne respecte pas ses obligations en matière de droits fondamentaux en tant que membre du Conseil de l’Europe. », a-t-elle expliqué.
« Si la Turquie appliquait ses propres lois, ces violations juridiques prendraient fin ».
« L’interdiction de la torture et des mauvais traitements est l’un des droits de l’Homme qui n’autorise aucune digression. Dans son rapport, le CPT appelle à mettre fin à cette pratique et à renforcer la sécurité juridique à son encontre. Il est important de savoir que le CPT publie des constatations et des suggestions plutôt que des décisions. C’est pourquoi il n’existe pas de sanctions internationales contre les États qui n’ont pas mis en œuvre ces propositions et ont continué à violer la loi. Mais si la Turquie mettait en œuvre ses propres lois et sa jurisprudence sur un pied d’égalité, ces violations du droit prendraient fin. » a déclaré Turhalli.
« L’isolement doit généralement être considéré comme un abus et constitue donc une violation de l’interdiction de la torture. Si un prisonnier n’est pas autorisé à voir son avocat, cela représente une grave violation de la loi. L’application du droit garantit par la Constitution est imposée à toutes les autorités. Il ne faut pas oublier que si les autorités s’acquittaient de ce devoir, cela créerait également une nouvelle opportunité de revenir aux idées et aux priorités de paix avancées dans le processus de paix par M. Abdullah Öcalan. La grève de la faim des prisonniers politiques est une expression d’opinion adressée aux autorités.
Les prisonniers ont pris une position politique en faisant une grève de la faim. Cette crise peut être surmontée en se concentrant sur l’illégitimité des conditions qui ont conduit à cette action psychologiquement et physiquement dangereuse. Si les demandes des prisonniers ne s’appliquent pas à leur propre situation, mais concernent un droit légitimé dans un contexte politique et constitutionnel, les conditions qui ont conduit à cette situation doivent être immédiatement éliminées. La demande ici est que la Turquie mette en œuvre sa propre loi constitutionnelle et ses lois internes sans discrimination sur la base des opinions politiques ou de l’identité. »