Malgré l'envoi récent de délégations parlementaires sur l'île-prison d'İmralı, l'isolement imposé à Abdullah Öcalan reste intact.

Malgré l’envoi récent de délégations parlementaires sur l’île-prison d’İmralı, l’isolement imposé à Abdullah Öcalan reste intact. Son avocat, İbrahim Bilmez, dénonce l’absence de réponse aux demandes hebdomadaires de visites familiales et d’avocats confirmant ainsi la persistance de cette situation.

En février dernier, des pourparlers entre l’État turc et Öcalan avaient abouti à l’organisation d’une visite d’une délégation du DEM parti sur l’île d’İmralı. Cette initiative avait été suivie d’un appel historique le 27 février, au cours de laquelle le leader kurde Abdullah Öcalan avait appelé le PKK à déposer les armes. Le mouvement kurde avait alors répondu favorablement à cet appel. Cependant, selon son avocat, cette évolution politique n’a pas mis fin à son isolement.

Des demandes de visites sans réponse

İbrahim Bilmez, représentant du cabinet juridique Asrın et avocat d’Abdullah Öcalan, rappelle que les autorisations de visite, aussi bien pour les avocats que pour les proches du prisonnier, sont systématiquement ignorées. « Nous déposons des demandes chaque semaine, mais nous n’obtenons aucune réponse », déplore-t-il. « Le cadre juridique devrait être respecté : le droit à une visite d’avocat, le droit à des visites familiales, ainsi que les communications par téléphone. Or, ces droits fondamentaux restent inaccessibles à İmralı. »

Une décision de la CEDH ignorée depuis dix ans

L’avocat souligne également la nécessité de reconnaître le « droit à l’espoir » pour les prisonniers condamnés à perpétuité aggravée, un principe établi par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) il y a dix ans. « En 2014, la CEDH a statué que la condamnation à perpétuité sans perspective de libération constitue une violation de l’interdiction de la torture », rappelle Bilmez. « Pourtant, la Turquie n’a toujours pas mis en place les réformes nécessaires. »

Selon lui, cette peine a été conçue spécifiquement pour Abdullah Öcalan, en remplacement de la peine de mort, pourtant non appliquée dans le pays depuis des décennies. « C’est une exécution à petit feu, où un prisonnier est condamné à mourir dans une cellule sans jamais envisager une remise en liberté. »

L’Europe met Ankara sous pression

Face à cette impasse juridique, plusieurs organisations de la société civile ont saisi le Comité des ministres du Conseil de l’Europe. En septembre 2024, ce dernier a donné un délai d’un an à la Turquie pour se conformer aux obligations imposées par la CEDH. « Il ne s’agit pas seulement d’un délai fixé au bout d’un an, mais bien d’une demande de réforme à mettre en place d’ici la fin de cette période », insiste Bilmez.

Vers une réforme juridique ?

Pour l’avocat, les changements à apporter concernent principalement le Code pénal turc et la loi sur l’exécution des peines. Mais au-delà de l’aspect juridique, une volonté politique est nécessaire. « Ce ne sont pas des réformes compliquées à mettre en place. Elles doivent être débattues au Parlement et adoptées », affirme-t-il. « L’opposition devrait être favorable à ces changements car il s’agit d’une question de respect du droit international. Mais c’est avant tout au gouvernement de montrer une volonté politique claire en ce sens. »

Alors que la Turquie est signataire de conventions internationales garantissant les droits fondamentaux des détenus, la situation d’Abdullah Öcalan continue d’illustrer les contradictions entre engagements internationaux et réalités carcérales du pays.