« Malgré la levée, en juillet 2018, d’un état d’urgence qui aura duré deux ans, ses conséquences négatives sur la démocratie et les droits fondamentaux restent importantes », indique le rapport d’étape annuel de la commission européenne sur la Turquie.
Dans son rapport d’étape annuel sur la Turquie, publié mardi 6 octobre, la commission européenne souligne que « la situation dans le sud-est du pays est très préoccupante, malgré l’amélioration de l’environnement de sécurité », ajoutant que « le remplacement de 47 maires HDP (Parti démocratique des Peuples) démocratiquement élus par des mandataires nommés par le pouvoir central remet en question les résultats du processus démocratique des élections locales du 31 mars 2019 ». Elle pointe par ailleurs la poursuite des « arrestations et révocations d’élus municipaux et de représentants de partis » qui « ont gravement nui à la démocratie locale ».
Reprochant en outre aux autorités turques de ne pas encore avoir mis en œuvre les recommandations du Conseil de l’Europe et de ses organes, le rapport souligne que « des inquiétudes demeurent, au sujet notamment du manque systémique d’indépendance du pouvoir judiciaire ».
En ce qui concerne les droits humains, le rapport indique : « La détérioration des droits de l’homme et des droits fondamentaux s’est poursuivie. Nombre de mesures introduites durant l’état d’urgence sont toujours en vigueur et continuent d’avoir un impact profond et dévastateur. » La commission note encore ceci : « Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, un dispositif législatif controversé a prévu la libération conditionnelle d’un nombre de prisonniers pouvant aller jusqu’à 90 000 au total. Au mois de juillet, 65 000 prisonniers avaient été libérés. En étaient toutefois exclus ceux accusés d’infractions liées au terrorisme et placés en détention provisoire, dont des avocats, des journalistes, des responsables politiques et des défenseurs des droits de l’homme. »
La commission déplore par ailleurs les « graves reculs » dans le domaine de la liberté d’expression : « La mise en œuvre disproportionnée des mesures restrictives adoptées a continué d’avoir une incidence négative sur la liberté d’expression et la diffusion des voix de l’opposition. Les procédures pénales engagées à l’encontre de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, d’avocats, d’écrivains et de médias sociaux se sont poursuivies, de même que les condamnations y afférentes ».
Concernant la question des migrants, le rapport critique la non application par la Turquie de l’accord de réadmission entre l’UE et la Turquie à l’égard de tous les États membres, ni des dispositions relatives aux ressortissants de pays tiers. « En dépit d’une accélération annoncée des travaux sur la libéralisation du régime des visas, note la commission, aucun des critères de référence non encore remplis ne l’a été et les modifications de la législation antiterroriste et de la loi en matière de protection des données se font toujours attendre. La Turquie doit encore poursuivre l’alignement de sa législation sur l’acquis de l’UE en matière de politique des visas. ».
Concernant la politique étrangère de la Turquie, le rapport indique que celle-ci « s’est de plus en plus souvent heurtée aux priorités de l’UE relevant de sa politique étrangère et de sécurité commune ». À cet égard, il ajoute ceci : « Les tensions se sont encore accrues en Méditerranée orientale pendant la période de référence en raison des actions illégales et des déclarations provocatrices de la Turquie remettant en cause le droit de la République de Chypre d’exploiter les ressources en hydrocarbures de la zone économique exclusive de la République de Chypre. »
Le rapport note encore que « l’UE a condamné l’action militaire unilatérale de la Turquie dans le nord-est de la Syrie et a exhorté la Turquie à mettre fin à son action militaire, à retirer ses forces et à respecter le droit international humanitaire », ajoutant que « la grande majorité des États membres ont décidé de mettre fin aux licences d’exportation d’armes vers la Turquie ».