Implantée au Sud-Kurdistan sous divers noms, la société militaire privée SADAT mène des activités de formation pour le compte de l’État turc. Elle recrute par ailleurs des employés pour les services secrets turcs.
La Turquie a commencé en 2012 à former des forces paramilitaires de procuration, ceci dans le but de renforcer sa position stratégique dans le Moyen-Orient et réaliser ses ambitions ottomanes. SADAT est l’une des principales sociétés militaires turques chargées de former les forces de procuration. Fondée en 2012 par le général turc Adnan Tanrıverdi, un proche conseiller du Président turc Recep Tayyip Erdogan, SADAT entretient des relations étroites avec les services secrets turcs (MIT). Gülnur Ayba, également conseillère du président turc, est responsable des relations entre le MIT et SADAT. Elle est aussi connue pour sa proximité avec le président de la région autonome du Kurdistan d’Irak (KRG), Nêçîrvan Barzanî.
Quand et comment SADAT est-elle devenue active au Sud-Kurdistan ?
La société SADAT a installé sa première base en 2017, dans la province kurde de Dohuk. Elle exerce nombre de ses activités au Sud-Kurdistan sous les noms des sociétés TIKA, HAKSIAD et ORSAM. Ces entreprises recrutent également des employés pour les services secrets turcs.
Les unités spéciales «Hêza Gulan» et «Roj-Peshmerga»* affiliées au Conseil national kurde (ENKS, Syrie) – toutes deux subordonnées au Parti démocratique du Kurdistan (PDK) dirigé par la famille Barzani – ont été formées en 2018 par des spécialistes militaires de SADAT, dans la région de Dohuk. Les activités de SADAT seraient également soutenues par les États-Unis.
Après l’avoir formée, SADAT a intégré l’unité «Hêza Gulan» dans l’Armée syrienne libre (ASL, un groupe composé de factions djihadistes créé par Ankara) afin de l’utiliser contre le régime d’Assad. L’unité était organisée sous le nom de «Selahedîn û Farûq-Einheit». Ces activités menées par SADAT se poursuivent à ce jour. SADAT a formé des forces de procuration en Turquie avant de les déployer au Kurdistan et en Syrie. Des milliers de membres de ces unités ont été entraînés et envoyés combattre en Libye et en Azerbaïdjan pour faire valoir les intérêts turcs. Les forces paramilitaires de procuration qui ont combattu sous la bannière de l’ASL à Afrin, Girê Spî (Tall Abyad) et Serêkaniyê (Ras al-Aïn) ont également été formées et organisées par SADAT. De même, les «Roj-Peshmerga» ont reçu une formation militaire de la société SADAT pour combattre le PKK dans les régions montagneuses de Xakûrkê, Zap et Garê.
Les relations entre l’unité «Hêza Gulan» et SADAT
Officiellement, l’unité «Hêza Gulan» est subordonnée au ministère des Peshmergas du Sud-Kurdistan. Mais, de fait, il s’agit d’une unité militaire spéciale du PDK et de la famille Barzani, qui reçoit une formation particulière de la société SADAT. Ce groupe a été mis en place pour combattre d’autres Kurdes. L’unité reçoit le soutien de « Parastin », service de renseignement du PDK. Les forces armées déployées par le PDK dans la région kurde de Garê le 25 octobre dernier, font partie de «Hêza Gulan» et de «Roj-Peshmerga». Leur stationnement à Garê a depuis provoqué de grandes tensions dans la région.
Relations entre SADAT et les Turkmènes à Kirkouk
La ville de Kirkouk est l’une des régions les plus instables du Sud-Kurdistan. SADAT a utilisé l’instabilité politique et la situation insécuritaire sur le terrain pour s’organiser à Kirkouk. La société utilise ses relations avec les Turkmènes pour y installer et former des forces paramilitaires par procuration. Ces forces paramilitaires turkmènes ont été utilisées dans le passé, dans la région kurde de Xûrmatûyê contre la population kurde, ce qui a entraîné des tensions entre les Kurdes et Turkmènes de la région. Afin d’attiser davantage les tensions, les forces paramilitaires de SADAT ont également hissé un drapeau du PKK dans un cimetière turkmène de Kirkouk.
*Les membres de «Roj-Peshmerga» sont recrutés parmi les Kurdes du Rojava réfugiés au Sud-Kurdistan. Ils ont déjà été utilisés pour des attaques contre la région yézidie de Shengal en 2017.