La co-maire de Diyarbakir, Serra Bucak, annonce vouloir mettre fin aux destructions causées par la tutelle forcée
Serra Bucak, co-maire nouvellement élue de Diyarbakir

La co-maire de Diyarbakir, Serra Bucak, annonce vouloir mettre fin aux destructions causées par la tutelle forcée et entamer un processus de reconstruction dans la ville.

Les élections municipales du 31 mars constituent un tournant dans l’histoire de la Turquie et du Nord-Kurdistan. Avec une forte progression en termes de voix, le Parti de la Démocratie et de l’Égalité des Peuples (DEM) a pu remporter près de 80 mairies, dont les 66 saisies par l’État après les élections municipales de 2019. À Diyarbakir (Amed), la capitale du Kurdistan, les co-maires Doğan Hatun et Serra Bucak du parti DEM ont remporté 64,9% des voix et se sont rendus lundi à la mairie, accompagnés d’une foule nombreuse. Serra Bucak s’est entretenue avec l’agence de presse Firat News (ANF) sur les élections et les perspectives dans la ville.

« Le peuple kurde a manifesté sa volonté »

Serra Bucak a évoqué la campagne électorale : « Dès le début de la campagne, nous avons vu que le peuple kurde exprimerait sa volonté et la défendrait avec force. Nous ne nous sommes pas trompés : le peuple kurde a surmonté tous les obstacles le jour du vote et après le vote. Nous l’avons également vu à Van où la résistance a conduit à la restitution du mandat d’Abdullah Zeydan. Cela nous a donné courage et motivation. Sans le peuple kurde et sa volonté, ce succès électoral n’aurait pas été possible. Nous avons augmenté notre score dans de nombreuses parties de Diyarbakir et avons remporté les élections avec un résultat historique. Je félicite le peuple kurde, il a résisté et montré sa volonté ».

« Diyarbakir va devenir une ville de femmes »

Serra Bucak a décrit la situation de la ville après 8 ans de mise sous tutelle par l’État. « Les administrateurs dÉtat ont causé de sérieux dégâts. À cela s’ajoutent les destructions et les dégâts causés par la politique du gouvernement turc. Il y a un déclin économique massif dans le pays. Les raisons en sont évidentes: les ressources budgétaires sont consacrées depuis plus de quarante ans à la politique de guerre. C’est l’une des principales raisons de l’aggravation dramatique de la crise. Nous en faisons l’expérience ici, dans les villes. À Diyarbakir, la destruction sociale, culturelle et identitaire s’ajoute aux problèmes économiques causés par les administrateurs d’État. Nous commencerons dès que possible à réparer les dégâts sociaux et identitaires causés par la gestion désastreuse des administrateurs. Nous travaillerons main dans la main avec les élus de district. Il faut s’attaquer avant tout aux problèmes d’infrastructure de la province, dont certains villages ne disposent pas d’eau courante. 

Les administrateurs d’État ont également causé de dégâts massifs dans les domaines de l’identité, de la langue et de la culture. Dès leur nomination, ils ont fermé des institutions linguistiques et culturelles. Nous allons redonner vie à ces institutions. Au sein de la municipalité, nous allons mettre en place des cours de langue pour le développement des dialectes kurdes dans tous les quartiers de la ville. 

Il faut également réparer les dommages subies par les structures féminines. Pour cela, nous allons rétablir le département de la politique des femmes au sein de la mairie. Nous lutterons contre la violence envers les femmes et, comme le demandent les femmes, nous ouvrirons des centres d’aide aux femmes. Les femmes auront à nouveau une voix à Diyarbakir. Nous referons de Diyarbakir une ville où les femmes sont aux commandes et participent activement à l’économie et à la politique. »

« De grandes réalisations et un grand combat »

Mme Bucak a donné un aperçu des projets à réaliser dans la ville: « Nous allons nous pencher de manière intensive sur les dégâts, les dettes et le déficit budgétaire provoqués par les huit années de tutelle étatique. Nous allons immédiatement nous mettre au travail et commencer un nouveau processus de construction. Nous nous engagerons pour des villes démocratiques et libres, pour une administration municipale sociale et orientée vers la population, et nous créerons une structure qui englobera toute la société et sera basée sur le pluralisme. 

Les jeunes ont un besoin urgent d’emplois. Les gens ici sont pauvres. La pauvreté s’aggrave de jour en jour. Nous développerons des projets visant à créer des opportunités d’emploi pour les jeunes. Les jeunes auront leur mot à dire dans cette ville. Nous encouragerons l’économie locale et créerons des emplois pour les jeunes dans nos propres institutions. Nous ouvrirons des cours de formation professionnelle pour les jeunes. Les jeunes sont malheureusement touchés par le fléau de la drogue. Nous travaillerons à surmonter ce problème. 

Nous allons mener différentes activités pour développer la politique des femmes. Les femmes ont des revendications très importantes concernant leur participation à la vie active. Nous allons créer des coopératives féminines afin de développer les domaines d’activité et les possibilités d’emploi pour les femmes. Nous améliorerons la politique agricole de la province et créerons des possibilités d’emploi dans l’agriculture ».

« Étendre le système de coprésidence à tous les domaines »

Bucak décrit le système de coprésidence comme un acquis important de la lutte des femmes. Ainsi, tous les postes, y compris celui de maire, sont occupés à parité par un homme et une femme. Serra Bucak a déclaré : « Grâce à la participation et à la représentation des femmes en politique, nous sommes aujourd’hui sur un pied d’égalité tant au sein du parti que dans les administrations locales. C’est un succès important pour la lutte des femmes. Tous les aspects de l’administration locale sont considérés dans une perspective féminine. Nous voulons créer des villes démocratiques et libres. Cela n’est possible qu’avec une perspective féminine et une représentation égale des femmes et des hommes. Nous devons étendre le système de coprésidence à tous les domaines ».