DİYARBAKIR - En Turquie, des femmes, constatant que des politiques d'assimilation sont menées contre l'usage des langues maternelles, soulignent que le droit à des services publics en langue maternelle fait partie des droits vitaux.

En Turquie, des femmes, constatant que des politiques d’assimilation sont menées contre l’usage des langues maternelles, soulignent que le droit à des services publics en langue maternelle fait partie des droits vitaux.

La politique de turquification mise en œuvre par l’Etat turc met une pression sur tous les peuples, en particulier les Kurdes, et vise à les assimiler. En tête de ces pratiques, l’interdiction de fait de la pratique du Kurde a lieu dans de nombreuses institutions publiques, des écoles aux prisons. L’imposition d’une langue unique amène divers problèmes dans la vie.

Les enfants sont témoins de cette injustice à l’école

L’un des problèmes découlant du fait que les enfants ne puissent recevoir un enseignement en langue maternelle est le manque de confiance en soi, explique Zuhal Sezar, co-présidente de la 2e section de Diyarbakir de Egitim Sen, syndicat de l’enseignement. Elle attire l’attention sur les difficultés des enfants : « Les enfants ne pouvant recevoir une éducation en langue maternelle prennent une position d’objet au lieu d’être sujets de leur éducation. Ils se sentent marginalisés, exclus. Leur développement social et émotionnel est affecté négativement. Cette situation nuit à la paix sociale pour les temps à venir. Ces enfants vivent l’injustice parce qu’ils sont exclus quand ils utilisent leur langue maternelle. Ils développent des difficultés d’expression. On leur pose un diagnostic de retard mental. Ces situations s’observent chez des enfants qui ne suivent pas une éducation en langue maternelle. »

17% du pays est ignoré.

Malgré une riche culture linguistique en Turquie, en ce qui concerne la langue des apprentissages, seul le turc est employé, signale Zuhal. « 17% du pays ne peut pas recevoir un enseignement en langue maternelle. Cela signifie qu’on méprise 17% de la population. En 2000, pour attirer l’attention sur les langues maternelles, l’UNESCO a institué le 21 février la journée mondiale des langues maternelles. Mais la Turquie, qui a une culture multilingue, l’ignore. Le droit d’utiliser sa langue maternelle est également inclus dans l’article 30 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Mais malgré cela les enfants ne peuvent recevoir une éducation dans leur propre langue. Pourtant, ceux qui reçoivent une éducation en langue maternelle réussissent mieux à la fois dans les études académiques et dans l’apprentissage d’une langue étrangère » affirme-t-elle. 

L’Etat interdit la langue du peuple qu’il veut détruire.

Pour Zuhal, il est erroné de considérer la langue uniquement en tant que moyen de communication. La langue est l’histoire d’un peuple, sa mémoire, et par conséquent, elle souligne la nécessité d’une éducation en langue maternelle. « L’État ne prend aucune mesure pour résoudre le problème de l’éducation. Il est sourd aux institutions qui produisent des solutions. Les personnes qui ne peuvent pas recevoir d’éducation dans leur langue maternelle sont traitées comme les parents pauvres de l’État. L’État sait très bien qu’une culture multilingue ne divisera jamais le pays. Au contraire, la paix sociale serait assurée parce que les gens pourrait s’exprimer. L’État interdit la langue du peuple qu’il veut détruire. »

L’impossibilité de l’enseignement en langue maternelle a des effets négatifs.

Pour Saliha Ayata, qui travaille au centre des femmes pour la culture, les arts et la littérature (KASED) à Diyarbakir, l’éducation en langue maternelle est importante pour tous les peuples, et pas seulement pour les Kurdes. Affirmant que les enfants vivent et font vivre leur culture et leurs traditions plus facilement lorsqu’ils sont éduqués dans leur propre langue, Saliha déclare que « comme il n’y avait pas d’alternative à l’enseignement dans une autre langue dans le pays, tout le monde est allé dans des écoles où la langue d’enseignement était le turc. Les enfants peuvent vivre avec leur langue et leur culture jusqu’à l’âge de 6-7 ans. Beaucoup de jeunes veulent garder leur propre culture vivante. Ils veulent faire vivre le théâtres, le cinéma, et les chansons dans leur propre langue. Cependant, il y a des lacunes. Parce qu’il est différent pour eux d’être éduqués dans leur propre langue et d’apprendre leur langue auprès de leurs mères. Bien sûr, les mères sont nos meilleurs professeurs, mais ce n’est pas la même chose que d’être éduquées dans sa langue maternelle. Cette situation crée inévitablement un effet négatif sur les personnes qui s’intéressent à l’art. »

L’enseignement en langue maternelle est une condition pour faire vivre les arts.

Saliha souligne qu’après avoir oublié la langue, il ne restera plus rien de la famille, de la culture, de l’art, du passé. Faisant le constat qu’une personne qui s’éloigne de sa langue et de sa propre existence devient une coquille vide, Saliha poursuit ainsi : « Une personne qui s’éloigne de sa langue se transforme en un autre être. Pendant des années, nous avons parlé de l’importance de l’éducation en langue maternelle dans la rue, dans les médias, partout. Pour faire vivre la culture, l’art et la littérature, l’éducation doit être dispensée dans la langue maternelle. Il est aussi naturel que de boire de l’eau de vouloir une éducation dans la langue maternelle. Ils mènent depuis des années des politiques de déni de celle-ci. Ils veulent créer un Kurde à leur manière. Mais le peuple protège sa langue et ne recule pas. Que ce soit interdit ou non ; Il y a des Kurdes et des langues kurdes. Lorsque les administrateurs ont été nommés dans les mairies, ils ont attaqué en premier les lieux où les  femmes avaient des pratiques artistiques, et les panneaux en langue kurde. Pour détruire un peuple, ils attaquent d’abord sa langue. Ils attaquent les femmes, la langue et la culture. Ils savent aussi que lorsque ces trois-là disparaissent, ni le peuple ni la culture ne restent. »

Il faut utiliser la langue maternelle pour parler de soi correctement

Elif Turan, présidente de la chambre des médecins de Diyarbakir, attire l’attention sur l’importance de l’usage de la langue maternelle lors des soins médicaux et souligne l’importance pour les professionnels de santé de pouvoir parler la même langue. « Il est nécessaire de parler le même langage avec le patient afin d’obtenir une anamnèse correcte, c’est à dire l’histoire de la maladie du patient. Généralement, la langue dans laquelle une personne s’exprime le mieux est sa langue maternelle. Une anamnèse erronée peut conduire à un mauvais traitement. En même temps, le fait que les patients décrivent leur maladie à travers la traduction de quelqu’un d’autre conduit également à des malentendus. Cette situation fait que la vie privée du patient est divulguée à d’autres. »

 On doit dispenser une éducation en langue maternelle dans les universités

La demande de services de santé en langue maternelle fait partie des droits vitaux, ajoute Elif, et pour accroître la qualité des soins médicaux, une organisation prenant en compte les langues parlées dans une région doit être créée. « Lors du tremblement de terre qui a eu lieu à Elazig, les personnels de santé ont communiqué avec des personnes sous les décombres dans leur langue maternelle. Ils ont pu être sauvés grâce à une communication correcte. A partir de cet exemple, nous comprenons à quel point offrir des services de santé ea langue maternelle est important. Afin de résoudre ce problème, les facultés de médecine devraient proposer des formations en fonction des langues maternelles utilisées dans les différentes régions. Les rendez-vous des agents de santé doivent être pris en tenant compte des langues locales parlées. Le système doit être organisé de manière à ce que les personnes reçoivent des soins de santé dans leur langue maternelle. »