Le conflit actuel est une question de vie ou de mort pour le peuple kurde, a déclaré Murat Karayilan, appelant les Kurdes à se mobiliser
Murat Karayilan, commandant du Centre de défense du peuple [HSM : Structure faitière des organisations militaires du PKK]

Le conflit actuel est une question de vie ou de mort pour le peuple kurde, a déclaré Murat Karayilan; « C’est une phase singulière dans laquelle chaque Kurde doit prendre des risques et faire tout ce qui est en son pouvoir. Nous paierons le prix fort pour vaincre ce mal. »

Karayilan, membre du comité exécutif du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), a répondu aux questions de l’agence de presse Firat News concernant l’offensive lancée par la Turquie le 17 avril sur les zones de défense dites « Medya » (zones contrôlées par la guérilla du PKK au Sud-Kurdistan) et la coopération du clan Barzani avec Ankara. 

L’État turc a lancé une offensive de grande envergure sur les zones de défense de Medya dans la nuit du 17 avril. Quel est l’objectif de cette attaque ?

Tout d’abord, il faut noter que cette attaque n’est pas une offensive ordinaire. Depuis 2016, l’État turc agit selon un nouveau concept, basé sur une stratégie qui préconise l’expansion de la Turquie, ceci afin de stopper la lutte de libération du Kurdistan. Dans ce contexte, l’État turc poursuit l’objectif d’asseoir un contrôle militaire, politique et économique sur les régions situées à l’intérieur des frontières du Misak-i Milli [manifeste politique turc établi après la Première Guerre mondiale, visant à annexer le nord de la Syrie et le nord de l’Irak au territoire de l’État-nation turc émergeant afin de reconstituer les frontières de l’empire ottoman en déliquescence]. Il ne s’agit pas d’occuper ces régions au sens strict du terme, mais de les placer sous une sorte de patronage. C’est un programme néo-ottoman qui vise à faire de la Turquie le plus puissant État de la région. C’est là le cœur du concept. La Turquie nous attaque depuis longtemps sur la base de ce concept. Elle attaque le peuple kurde, non seulement sur le plan militaire, mais aussi sur les plans politique, social et culturel. Ainsi, Rêber Apo [Abdullah Öcalan] est soumis à un régime de torture qui n’existe sous cette forme nulle part dans le monde. 

Vers la fin de l’hiver 2021, la Turquie a attaqué la région de Garê avec des moyens inouïs. Comme on le sait, l’armée turque y a subi une défaite. Puis il y a eu des attaques importantes sur Zap, Avashîn et Metîna. L’objectif était d’occuper ces zones afin de pouvoir avancer de là vers Garê et Qandil. Cela devait se faire en trois mois, mais ce plan n’a pas fonctionné. Ce fut une défaite pour l’armée turque. Quelques collines ont été prises dans certaines régions, mais les guérilleros ont opposé une grande résistance et l’armée turque a été vaincue une nouvelle fois.

Nous savions que l’État turc ne digérerait pas sa défaite si facilement. Le régime fasciste AKP/MHP [coalition islamo-nationaliste au pouvoir en Turquie] doit mettre en œuvre sa stratégie. Il en a fait son principal objectif. Mais ses échecs successifs le mènent vers l’effondrement. Il s’affaiblit de jour en jour. Le gouvernement n’a plus qu’un an devant lui; son existence est liée au succès de sa stratégie. D’où l’attaque globale lancée récemment. 

Bien sûr, nous y étions préparés. Nous avons reçu des informations selon lesquelles la Turquie formait de nouvelles forces militaires et préparait le terrain d’une nouvelle offensive en multipliant secrètement les contacts diplomatiques avec les puissances de la région. Elle a par ailleurs cherché et obtenu un soutien international, de sorte qu’aucun État ne s’oppose à son opération. Voilà l’arrière-plan de l’attaque lancée le 17 avril.

« Pas une opération, mais une guerre majeure »

Il serait plus juste de dire que l’attaque a commencé le 14 avril. En effet, des raids aériens ont eu lieu pendant trois jours avant le 17 avril. Puis, dans la nuit du 17 au 18 avril, ils ont attaqué au sol par le sud et le nord. Des opérations de bombardement aérien ont été menées pour lancer une attaque d’invasion à grande échelle. Il ne s’agit pas d’une opération, mais d’une guerre majeure. L’État turc a déjà utilisé sa technologie et ses armes chimiques auparavant, mais nous constatons aujourd’hui qu’il met encore plus l’accent sur la technologie. Vous pouvez voir des hélicoptères, des avions de chasse, des avions de reconnaissance voler en même temps, simultanément à des attaques au sol et des tirs d’obus depuis les avant-postes frontaliers.

« La guerre va s’intensifier »

Les zones ciblées sont hautement stratégiques. Zap et Avashîn sont des sites de résistance historique. Notre peuple doit savoir que la guerre va s’intensifier. L’armée a un recours pratiquement illimité à la technologie; c’est de cette manière qu’elle entend obtenir des résultats. Mais nos amis ont suffisamment d’expérience. Une expérience importante acquise surtout au cours de l’année dernière pour attaquer l’ennemi à partir de positions souterraines et sur le terrain et pour se protéger. Cette guerre sera d’une ampleur historique.

Nous n’en sommes qu’au début. Nous avons écrit aux camarades et les avons félicités. Les premiers jours sont très importants dans de tels processus. Les amis ont déjà remporté des succès dans ces premiers jours, et nous les en félicitons. Bien sûr, l’ennemi mène une guerre spéciale. Ainsi, il prétend avoir pris je ne sais combien de places et assure que seul un capitaine a été tué dans les affrontements. Mais cela ne correspond pas à la réalité. L’ennemi met évidemment l’accent sur la technologie et la propagande dans cette guerre. Il veut tromper le public en cachant la vérité et en manipulant la perception dans la société turque. Pour le régime fasciste, c’est une guerre importante. C’est une question de survie. Si Erdoğan et Bahçeli perdent cette guerre, ils ne feront pas que perdre, ils finiront aussi en prison. Ils sont impliqués dans la corruption et dans tellement de crimes qu’ils ne seront pas épargnés par les poursuites judiciaires. C’est pourquoi, ils ont mobilisé toutes les ressources de la Turquie. Ils ont pris des risques et tout fait au niveau national et international pour réussir. 

« Une guerre d’importance stratégique pour le peuple kurde »

Cette guerre n’est pas seulement une guerre entre le PKK et l’Etat turc. Il serait très erroné d’affirmer une telle chose. Cette guerre est menée sur la base d’une stratégie. Il est vrai que la première cible de cette stratégie est le PKK, mais le PKK n’est pas la seule cible. L’objectif est de détruire toutes les réalisations du peuple kurde. Après cela, le régime AKP/MHP sera en mesure d’exercer une plus grande influence sur le peuple arabe et de le contrôler. En conséquence, la région sera dominée par la Turquie. L’État turc prendra sous son contrôle non seulement les montagnes du Kurdistan, mais aussi Hewlêr (Erbil) et Bagdad. Oui, le PKK est certainement la première cible, mais ce sont aussi tous les acquis du peuple kurde qui sont visés. La guerre a donc une signification stratégique pour le peuple kurde. C’est une question d’être ou de ne pas être pour le peuple kurde.

La richesse de la Turquie a été consommée par la guerre. La plupart des revenus sont consacrés à cette guerre. Pourquoi le peuple turc meurt-il de faim aujourd’hui ? La Turquie est un pays riche, mais tous les revenus ont été secrètement ou ouvertement détournés vers la guerre. Maintenant, les dirigeants vont être confrontés à cette critique : « Vous avez dépensé tant d’argent pour la guerre et vous n’avez toujours pas pu la gagner. » Une procédure d’enquête sera lancée. Par conséquent, afin de poursuivre leur règne et de renforcer l’hégémonie du fascisme au Kurdistan, les fascistes Erdoğan et Bahçeli doivent nous vaincre. C’est très important pour eux. C’est encore plus important pour nous. C’est une question de vie ou de mort. C’est important pour notre peuple, pour le peuple arabe, pour les peuples de la région. La Turquie poursuit ses rêves néo-ottomans et n’écoute personne. Ce n’est pas un plan secret. Chaque jour, ils disent ouvertement à propos de Kirkouk : « C’était en fait à nous, mais on nous l’a pris. » Telles sont les desseins de l’État turc. Sinon, comment expliquer la présence des soldats turcs à Bashiqa [ville située au nord-est de Mossoul] ? Pourquoi tant de préparatifs concernant Kirkouk ? Il est clair que si cette stratégie tient, le statut kurde sera anéanti. Pour plaire aux dirigeants du PDK [Parti démocratique du Kurdistan dominé par le clan Barzani], ils [les Turcs] leur disent: « vous êtes leadership kurde ». Où le PDK détient-il le pouvoir ? Ils utilisent les expressions « gouvernement kurde du nord de l’Irak » ou « premier ministre des Kurdes du nord de l’Irak ». L’État turc ne reconnaît les Kurdes ni à l’intérieur de ses frontières ni à l’étranger. Il ne reconnaît absolument pas le Kurdistan. C’est la vérité. L’État turc s’est organisé sur la base de ce concept et mène une guerre sur cette base.

« C’est l’heure de la mobilisation »

Notre peuple doit savoir que nous considérons cette phase comme une situation exceptionnelle. C’est l’heure de la mobilisation. En conséquence, chacun doit faire tout ce qui est en son pouvoir. Nous sommes dans une phase très importante et critique; une phase extrêmement délicate. Nous devons briser cette vague d’attaque de l’ennemi. Si nous réussissons, une nouvelle ère commencera au Kurdistan, en Turquie et dans la région. Alors, nous pourrons avancer vers une solution, vers la liberté et la démocratie. En ce sens, c’est une résistance pour la démocratie et la liberté, c’est la résistance du peuple kurde pour son existence, c’est la résistance du peuple kurde pour la liberté, c’est la résistance des peuples de la région pour la démocratie.

Quel est le rôle du PDK dans ces attaques ? Quelle est l’importance de l’implication du PDK dans la guerre ?

C’est un point important. L’année dernière déjà, le PDK a soutenu la stratégie de la Turquie. Les deux parties ont coopéré ensemble. Sous quelle forme cette coopération a-t-elle eu lieu ? Le PDK a encerclé les zones de guérilla et imposé un embargo. D’autre part, il fournissait des renseignements à la Turquie. Le PDK a coopéré avec les services de renseignement turcs ; en outre, il a tendu des embuscades aux guérilleros. A Khalîfan, il a attaqué la guérilla à deux reprises. Des combattants ont été tués au cours de ces opérations. Telle était la nature de la collaboration l’année dernière. Apparemment, la Turquie n’en était pas satisfaite, si bien que des discussions ont eu lieu avec les représentants du PDK au plus haut niveau. Il semble que le PDK soit allé un peu plus loin dans les dernières attaques.

Nous ne disons pas cela pour calomnier le PDK. Les dirigeants du PDK ne le disent pas ouvertement, mais c’est la réalité. L’État turc le confirme après chaque réunion avec eux. Par exemple, il y a eu une réunion avec Hulusi Akar [le ministre turc de la défense] à Munich. Après, Akar a dit qu’ils étaient d’accord sur toutes les questions et sur le PKK, qu’il y avait un partenariat. Erdoğan a également dit la même chose à plusieurs reprises. Peu avant la dernière réunion à Istanbul, les frappes aériennes ont commencé, suivies de l’attaque terrestre. Tout cela n’est pas un secret. Nous ne voulons pas que le PDK entre dans une relation d’hostilité avec nous et avec les Kurdes. Je ne sais pas comment cela va se terminer. Jusqu’à présent, [les forces du PDK] ne sont pas allées au combat contre la guérilla, mais depuis hier, il y a des déploiements de troupes dans des zones comme Dêrelûk et Sheladizê. Nous ne savons pas si cela va déclencher une nouvelle étape. Nous n’avons aucune information à ce sujet. La situation est dangereuse, bien sûr. Nous avons vraiment pris beaucoup d’initiatives pour qu’il n’y ait pas d’escarmouche directe et qu’il n’y ait pas de guerre « Kurdes contre Kurdes ». Je me suis personnellement beaucoup engagé dans ce sens, de même que toute notre direction. Nous avons toujours voulu empêcher une pareille guerre, et nous continuons aujourd’hui à déployer des efforts dans ce sens.

Lorsque les forces du PDK ont mené une attaque à Khanasor, dans la région de Shengal en 2017, faisant des victime parmi les YBS (Unités de Résistance de Shengal), nous avons subi des pressions pour contre-attaquer. Mais notre direction a empêché la confrontation. À l’automne 2020, le PDK a déployé des troupes à Zêbarî. Il y avait des unités à nous sur les collines là-bas. Il aurait pu y avoir des des affrontements, d’autant plus que [les forces du PKK] ont ouvert le feu ici et là. mais nous avons retiré nos forces de la zone. Il est également de notoriété publique que des troupes ont été envoyées dans les monts Metîna le 5 juin de l’année dernière avec l’intention de faire la guerre. Il y a eu un bref affrontement. Ils n’ont pas stationné leurs troupes sur ces collines. Quant à nous, nous avons retiré nos forces. Pourquoi ? Pour qu’il n’y ait pas de guerre opposant deux parties Kurdes. Personne n’en tirerait profit, personne n’y gagnerait. C’est un projet de l’État turc.

L’objectif de l’État turc est de transformer cette guerre en une guerre intra-kurde et de réaliser ainsi son projet. Nous ne voulons pas de cela. Cependant, il y a des limites à tout. C’est pourquoi notre peuple, ses politiciens, ses intellectuels et ses artistes, doivent faire face à leurs responsabilités. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous sommes prêts à nous sacrifier et nous ne craignons personne. Nous ne voulons pas qu’une guerre se développe entre Kurdes. Telle est la situation.

Avez-vous des relations avec le PDK ? Si oui, à quel niveau ?

L’automne dernier, l’État turc a subi une défaite à Avashîn grâce à notre grande résistance. La Turquie n’est pas un petit État. Elle dispose de technologies d’armement et utilise des armes chimiques, mais elle n’a toujours pas réussi. J’espérais franchement que Kek Mesûd [Massoud Barzanî, ancien président du Gouvernement régional du Kurdistan] changerait d’avis. C’est pourquoi je lui ai écrit une lettre. Il a répondu, et je l’en remercie. Cependant, sa réponse ne contenait pas de solution. Pour nous, c’est la solution qui importe, et elle n’y figurait pas.

D’un point de vue actuel, ils [le PDK] ont fait un nouveau pas en avant dans leur coopération avec l’État turc. Par exemple, ils ont permis aux troupes turques stationnées sur le sol kurde du Sud de quitter leurs emplacements et d’attaquer nos forces. Comme l’État turc n’a pas pu larguer de troupes par avion le premier jour, des unités de sa base de Sirê, près de Sheladizê, ont été mises en mouvement. De même, il y a eu des transports de troupes par hélicoptère depuis Bamernê. Cela montre que la coopération a progressé. Elle a lieu avec l’autorisation du PDK. Dans le passé, les forces stationnées dans le sud du Kurdistan recueillaient des renseignements pour leur État, mais il ne s’agissait pas de forces opérationnelles intervenant activement. Je crois qu’il y avait un accord selon lequel ces forces ne se déplaceraient pas sans autorisation. Maintenant qu’elles ont commencé à bouger, il semble qu’il y ait une telle autorisation. Cette question est importante pour nous. Si les guérilléros sont assiégées à la fois dans le sud et dans le nord, cela crée une opportunité pour l’État turc. En déplaçant les troupes hors de la base de Sirê dans le sud, il est plus probable qu’il obtienne des résultats dans son attaque. De cette façon, il cherche à encercler la guérilla de tous les côtés. Nous ne pensions pas que nous en arriverions là [concernant la coopération du PDK]. Pourtant, c’est la réponse que nous avons eu dans la pratique.  

« Quand la Turquie entre quelque part, elle n’en sort pas »

Nous disons que l’État turc poursuit une stratégie anti-kurde. Le PDK ne doit pas soutenir cela et ne doit pas coopérer avec cette stratégie. Quels intérêts poursuit-il? Nous ne le savons pas. Cela augmente le danger pour l’avenir des Kurdes. L’État turc veut s’établir dans des zones stratégiques du Kurdistan. Quant il entre quelque part, il n’en sort pas ; c’est ce qu’il déclare ouvertement dans ses médias. Il dépense des millions pour la construction de routes, afin de garantir sa présence dans la régions. Pourquoi est-il [l’État turc] là. Certain diront que c’est à cause du PKK.  Je réponds à ceux-là : « Ne le soutenez pas. Alors, nous verrons s’il peut venir. »

Il y a eu ce débat également l’année dernière. Nous avons dit que l’ennemi ne réussirait pas à occuper la ligne Zap, Metîna et Avashîn. Dans la pratique, nous avons tenu notre promesse. Ce n’est pas de la propagande bon marché, c’est une réalité. Nous pouvons vaincre cet ennemi. En bref, le PDK doit cesser de soutenir la stratégie raciste de la Turquie. C’est une stratégie dirigée contre tous les Kurdes.

« Le PDK est en train de scier la branche sur laquelle il est assis »

Le PKK est une garantie pour la Fédération du Sud-Kurdistan. Si le PKK n’existait pas, jamais la République de Turquie n’engagerait des discussions avec des représentants kurdes. Elle ne l’a jamais fait. Mais le PKK existe et il représente un danger pour eux [la Turquie]. Par peur du PKK, ils discutent avec tout le monde. On doit garder cela à l’esprit. Si le PDK continue à apporter son soutien et que le PKK s’en trouve affaibli, nous verrons s’il aura une quelconque considération de la part de la Turquie. Nous savons très bien que ce ne sera pas le cas. Nous sommes tous dans le collimateur [de la Turquie], et parce que le PKK est considéré comme dangereux par l’État turc, il est au premier plan. Ils veulent exterminer le PKK. Et ensuite, tout le monde y passera. L’État turc est contre un statut kurde. Il y a deux mois, Hulusi Akar a déclaré ouvertement au parlement qu’il n’y a pas d’endroit appelé Kurdistan en Turquie ou en dehors.

Il existe une anecdote en Turquie sur Hodja Nasreddin: il scie la branche sur laquelle il est assis et tombe au sol. Le PDK se trouve dans la même situation. Il veut couper l’arbre de vie et il va bien sûr en pâtir. C’est une réalité. Nous voulons que le PDK sorte de cette situation. Je ne sais pas quelles initiatives sont nécessaires pour cela. Le Bashûr (Sud-Kurdistan) et le Rojava doivent prendre la mesure des dangers qui les attendent. Les politiciens kurdes doivent également voir le danger et agir en conséquence.

Que dites-vous de l’attitude de la population du Sud-Kurdistan ?

Les gens du sud ont payé un prix élevé ; ils ont vécu l’Anfal [Nom donné à la campagne génocidaire menée au Sud-Kurdistan par le régime Baath irakien, qui a fait 182 000 morts entre 1986 et 1989]. D’innombrables massacres et génocides ont été commis contre ce peuple. Il s’agit d’un peuple patriote qui a fait beaucoup de sacrifices. À cet égard, nous avons un grand respect pour le peuple du Sud-Kurdistan. En 2008, l’Etat turc a tenté d’avancer depuis Bamernê et Amêdî dans le cadre de l’opération de Zap. Mais la population s’est opposée aux chars; elle n’a pas permis l’encerclement de la guérilla. Les gens du sud ont donc participé à cette victoire dans le Zap. Que s’est-il passé ensuite ? L’État turc a été vaincu. C’était l’époque où la Turquie s’interdisait toute relation avec le Sud-Kurdistan. Il [l’État turc] a été obligé de revenir sur cette ligne rouge. Un an après, des relations étaient établies. Sans la victoire de Zap en 2008, ces relations n’auraient peut-être jamais été établies. Plus récemment, c’est la population de Shêladizê qui a protesté héroïquement contre la Turquie en prenant d’assaut et en brûlant une de ses bases. Elle l’a fait avec courage et avec l’esprit du Serhildan [en kurde, soulèvement]. Il est essentiel, en particulier dans la phase actuelle, que le peuple du Sud-Kurdistan fasse preuve de détermination contre l’occupation turque; Il est temps qu’il se soulève contre la Turquie.

En bref, l’attitude de la population est positive. Pour autant que l’on puisse voir, tout le monde s’oppose à l’agression turque – sauf le PDK. Mais l’architecture politique du Sud-Kurdistan n’est pas seulement faite du PDK. Pour autant que l’on puisse dire, toutes les autres forces sont contre l’attaque d’invasion de la Turquie. Parce qu’il est évident que le peuple kurde n’y a aucun intérêt. L’État turc marche sur la voie du touranisme. L’aile chauvine et nationaliste est particulièrement forte. Qui est Bahçeli [Devlet Bahçeli, figure n°1 du Parti d’action nationaliste, MHP, dont les membres se font appeler Loups gris] ? C’est l’ennemi du peuple kurde. Hulusi [Akar], qui est chargé de mener cette guerre, se distingue par une seule caractéristique : l’hostilité envers le peuple kurde ! Comment est-il possible d’entrer en relation avec de telles personnes? Personnellement, j’ai du mal à le comprendre. Comment se fait-il que les Kurdes deviennent des collaborateurs ? L’histoire nous montre que l’État turc a détruit tous ceux qui ont conclu des pactes avec lui. Prenons l’exemple de Dersim. Toutes les tribus n’ont pas pris les armes [durant le génocide de 1937-1938]. Seules cinq confédérations tribales ont combattu. Toutes les autres avaient pris leurs aises en collaborant avec l’État. Mais lorsque la résistance a été brisée, tout Dersim a subi le génocide. Il en va de même pour la région de Serhad. Telle est la méthode de cet État ; son passé témoigne d’une histoire génocidaire. Il ne faut pas prendre le mauvais chemin. Autrement dit, il ne faut pas s’associer avec eux [l’État turc]. Nous ne sommes pas opposés à ce que le gouvernement du Sud-Kurdistan ou le PDK entretienne des relations avec la Turquie; nous ne nous y sommes jamais opposés. À quoi nous opposons-nous ? Aux relations d’intérêt qui visent à nuire aux Kurdes. Une opération est menée ici contre les Kurdes. Ils [le PDK] appellent cela une opération. En réalité, c’est une guerre à laquelle [le PDK] participe.

Je pense que les habitants du Sud-Kurdistan en sont conscients. Je leur dis encore une fois : soyez à nos côtés! Montrez votre solidarité à chaque occasion et de toutes les manières possibles. Chez les habitants de Behdînan comme de Soran [les deux principales régions du Sud-Kurdistan], les valeurs patriotiques sont très développées. Je suis à Behdînan depuis des années et j’étais à Qandil auparavant. Je connais très bien les gens d’ici. Ils sont sincères et droits. Nous sommes convaincus qu’ils sont tous opposés à l’état actuel des choses.

« Nous voulons deux choses »

Les médias proches du PDK ne cessent d’en parler : « les habitants fuient leurs villages », « les villageois souffrent ». C’est vrai, nous en sommes conscients. Jusqu’à présent, il y a eu plus de trente morts. Ce sont nos martyrs. Dans la région de Zap, les villages de Rêkan et de Nêrwe ont été évacués. D’un autre côté, force est de constater que les villages de Sinunê [district de Shengal] n’ont pas été reconstruits, ni ceux des environs de Duhok. Dans chaque village, il n’y a qu’une seule maison, voire aucune. La réponse à la question du pourquoi nécessite de s’interroger sur sa propre politique. La guerre n’est pas la seule raison pour laquelle les habitants ne reconstruisent pas leurs villages. La guerre est une cause, c’est vrai. Mais il y a un problème général. Un autre est que l’État turc ne cesse d’attaquer. Nous devons adopter une attitude commune face à cet ennemi commun. Alors il sera possible de résister. Alors les puissances extérieures et internationales montreront une réaction. Tant qu’un pouvoir kurde souverain cautionnera ces attaques, ces actes barbares seront banalisés. Face à cela, nous avons confiance dans l’attitude de notre peuple. Nous avons de l’espoir. Comme je l’ai déjà dit, notre peuple doit se responsabiliser. Cette phase ne doit pas se transformer en une guerre inter-kurde. Tout le monde doit s’y opposer. Les peshmergas, qui ont lutté dur dans ce domaine, et les partisans du PDK en particulier doivent reconnaître cet état de fait. Je leur lance un appel, et j’ai de l’espoir. Chacun doit prendre la mesure des choses et se positionner. Parce que les choses prennent une très mauvais direction. Que voulons-nous ? Premièrement, que la guerre ne se transforme en un conflit Kurdes contre Kurdes. Deuxièmement, que le PDK mette fin à sa coopération anti-kurde avec l’État turc. Il devrait renoncer à cette politique.

Tels sont nos demandes. Et ce devrait également être les demandes de tous les Kurdes patriotes. C’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet.

Vous avez parlé de vos attentes vis-à-vis de la population du Sud-Kurdistan. Qu’attendez-vous de la population du Kurdistan en général et des amis du peuple kurde ?

Nous menons une lutte légitime. Depuis des années, nous sommes dans le Zap. Maintenant, l’envahisseur turc veut occuper cette zone. De cette façon, il essaie de s’établir comme la force dominante. C’est contre cela que nous résistons. Ce n’est pas une lutte ordinaire. Nous donnons nos vies. Des bombes explosent chaque minute. Il y a des attaques aériennes et terrestres. Nous sommes en guerre contre cet ennemi. Toute personne ayant un peu de conscience devrait nous apporter son soutien. L’ennemi a des chars et des canons, des hélicoptères, des avions de reconnaissance, toutes sortes de technologies et d’armes avec lesquelles il nous attaque. Il est venu avec des dizaines de milliers de soldats. Il y a une grande inégalité entre les parties en conflit. Il [l’État turc] nous attaque et nous voulons nous défendre. Mais il ne s’agit pas seulement d’autodéfense, nous voulons protéger les valeurs de ce peuple.

« Nous nous battons pour ce peuple et son avenir »

Les attaques contre nous ne se limitent pas au Zap. Actuellement, la plus grande attaque est celle visant notre président à Imrali. Depuis 23 ans, il est soumis à la torture. Dix mille amis sont dans les cachots, certains y ont perdu la vie. Nous subissons une grande oppression, notre peuple subit une grande oppression. C’est contre cet ennemi que nous nous battons. Nous disons à juste titre que la solidarité doit être avec nous, pas avec l’ennemi. Nous ne cherchons pas un gain personnel dans cette lutte. Nous ne nous battons pas pour l’argent ou d’autres biens matériels. J’ai vécu toute une vie, mais à part mon arme, je n’ai aucune possession. Rêber Apo [Abdullah Öcalan] a 73 ans, il ne possède rien. Regardez les jeunes kurdes, hommes et femmes, qui quittent leurs études pour rejoindre la résistance en Zap. N’est-ce pas une source de fierté pour l’humanité ? Parce qu’ils sont porteurs de morale et de valeurs. Nous attendons de tous un soutien. Et, si on ne peut pas nous soutenir, au moins, qu’on ne soutienne pas l’ennemi. Voilà nos attentes légitimes. 

Pour qui et pour quoi nous battons-nous ? Nous nous battons pour ce peuple et son avenir. Pour cela, nous donnons des martyrs chaque jour. Si ce n’était pas pour la grande cause, la lutte pour l’existence et la libération de notre peuple, la lutte pour la liberté et la démocratie de la région, alors nous ferions nos bagages et nous partirions. Mais la cause que nous défendons nécessite de se dresser contre l’ennemi et de le combattre. Même si nous devons le payer de notre vie, nous ne nous inclinerons pas. Nous ne devons pas céder le terrain pour empêcher l’ennemi d’occuper notre terre sacrée. Nous donnons nos vies pour le Kurdistan du Sud. Tout le monde doit savoir que si l’ennemi réussi son offensive, c’est le le Sud-Kurdistan qui en pâtira le plus.

Si ce n’est du soutien, au moins de la neutralité

Une fois encore, j’invite tout le monde à réfléchir à la question de savoir pourquoi les jeunes Kurdes, les jeunes femmes et les jeunes hommes, résistent dans ces montagnes. Dans l’intérêt de qui résistent-ils ? Pour qui se battent-ils ? Ils se battent pour le peuple, la démocratie et la liberté. Quelle autre réponse pourrait-on donner ? Si une personne n’a pas la foi à cent pour cent, passons 24 heures, elle ne pourrait même pas résister 24 minutes. Le Kurojahro se trouve juste en face de l’espace urbain. Les gens peuvent monter voir comment on y vit. Il en est de même pour Şikefta Birîndara. C’est avant tout une question de conscience : une guerre inégale est en cours. Alors qu’une partie ne combat qu’avec des kalachnikovs et des bombes, l’autre camp a recours à un très large éventail de technologies et d’avions. L’on devrait soutenir ceux qui se battent avec des kalaches et des bombes. S’il n’y a pas de soutien, il devrait au moins y avoir de la neutralité. Nous voulons que les forces du PDK soient au moins neutres; qu’elles ne prennent pas partie et se contentent de nous observer. Il est inadmissible qu’elles nous bloquent le chemin ici et là. Après tout, nous ne sommes pas tombés du ciel, nous sommes ici depuis des années. Nous avons conclu des accords [avec le PDK] en 1982 et 1995. Nous avons partagé notre pain avec eux, nous nous sommes rencontrés, tant de choses se sont passées.

« Nous vaincrons cet ennemi »

Nous avons confiance en nous. Nous vaincrons cet ennemi. À notre manière, avec notre intellect et notre foi en l’idéologie de Rêber Apo, nous résisterons et nous gagnerons ! Les résultats que nous avons obtenus l’année dernière grâce à nos tactiques et à notre approfondissement sont l’insigne de notre victoire. Nous pouvons gagner. L’ennemi peut avoir autant de soldats qu’il veut, toutes sortes d’armes et de technologies. Nous avons confiance en nous. Et nous voulons nous battre. Nous ne voulons pas quitter le Zap. Nous voulons vaincre l’ennemi. C’est une affirmation ! Nous ne sommes pas des enfants. Cette chose, la politique, est dans nos esprits depuis des années. Nous ne sommes pas ignorants, nous avons lu des tonnes de livres. Personne n’a perdu la tête. Nous savons que le chemin de l’existence de notre peuple, le chemin de son avenir, le chemin de la liberté de notre peuple passe par ici. Peu importe le prix à payer, nous sommes prêts à le payer. Si nécessaire, nous donnerons nos vies. C’est avec cet amour et cette foi que nous menons cette guerre. Parce que nous avons raison.

Non à la guerre inter-kurde

Nous lançons un appel à celles et ceux qui représentent la conscience de ce peuple, aux artistes, aux intellectuels et aux vrais politiciens, à tous le peuple du Kurdistan : soutenez-nous. Ne laissez pas la guerre devenir un conflit interne au Kurdistan, arrêtez-la. Nous sommes dans une phase historique. Nous croyons en nous-mêmes et nous disons que nous allons gagner cette lutte.

Nous, femmes et hommes kurdes, combattons dans ces montagnes contre l’ennemi barbare avec une volonté de fer et un grand courage. En deux jours, les amis ont déjà écrit un épopée héroïque. Ce n’est pas une chose facile, c’est quelque chose de nouveau au Kurdistan. Tant les méthodes que la détermination sont nouveaux dans cette guerre. Il y a eu des sacrifices. Ce pays a des martyrs, donc il gagnera. Aucune puissance, aucun char ou canon ne peut briser cette volonté. C’est pourquoi nous disons : les intellectuels de ce pays, les artistes, les politiciens et tous les patriotes de ce pays ! Nous savons qu’ils sont dans les rues tous les jours en Europe. Je les salue. Notre peuple est en action dans toutes les régions du Kurdistan, il est en quête. Je les salue tous. Mais nous devons savoir que c’est un moment crucial et que chacun doit faire ce qui est en son pouvoir. Je ne dis pas qu’il faut se rebeller contre un camp spécifique. Je dis qu’il faut se lever et se mobiliser pour que les Kurdes ne tirent pas sur les Kurdes. Renforcez-vous les uns les autres. Maintenant, en ce moment, notre peuple doit adopter la bonne attitude. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra éviter une issue fatale. Les intellectuels et les artistes kurdes doivent se mettre au travail, être présents et prendre l’initiative. Ils doivent empêcher que des situations nocives ne se produisent. C’est l’appel que nous lançons à tous. Personne ne doit rester silencieux dans cette phase historique ; chacun doit prendre ses responsabilités, en fonction de ses conditions locales, et croire en nous. Car nous tenons nos promesses. Nous ne pourrons peut-être pas tout faire, mais il y a des choses que nous pouvons faire. Et nous sommes absolument déterminés sur cette question. Nous donnerons la réponse nécessaire à l’ennemi.

Selon les dernières nouvelles, il y a actuellement des attaques de l’armée irakienne contre les forces de sécurité à Shengal – il y aurait de lourds affrontements. Pour quelle raison l’Irak attaque-t-il dans la situation actuelle à Shengal ?

Nous suivons également les événements à travers les médias. À Shengal, les forces irakiennes se comportent comme les fantassins de la Turquie. Le peuple yézidi a enduré jusqu’à présent 74 vagues de persécutions génocidaires. Il a été abandonné à son sort. Les troupes irakiennes étaient sur place [lors du génocide perpétré par l’EI le 3 août 2014], mais elles aussi ont abandonné les Yézidis. Maintenant que la foi de ces gens dans les forces irakiennes s’est affaiblie et qu’ils veulent construire leurs propres structures de sécurité, ils sont pris pour cible. Cela dépasse l’entendement. Il est évident qu’il y a là la main de l’État turc.

Prenons la construction du mur [entre le Shengal et le Rojava]. Contre qui est-il construit ? Où passe-t-il ? Il est difficile d’ignorer le comportement fautif de l’État irakien dans ce contexte. En particulier depuis que Mustafa al-Kazimi est devenu Premier ministre, le gouvernement irakien s’est montré incompétent pour représenter la nation irakienne, le peuple arabe. Avant al-Kazimi, le gouvernement irakien avait officiellement demandé à l’État turc d’évacuer Bashiqa, pour ne donner que cet exemple. La Turquie a ignoré cette demande. Au lieu d’évacuer la base, elle a renforcé ses forces militaires. Comme vous le savez, l’État turc a tué deux commandants irakiens [en 2020]. Le véhicule de nos forces était devant, mais ils ne l’ont pas visé; il ont délibérément ciblé le véhicule de l’armée irakienne. Et qu’a fait al-Kazimi contre la Turquie ? Il est allé voir Erdoğan et s’est mis au garde-à-vous comme un soldat face à lui. Il est évident qu’il ne représente pas la volonté du peuple irakien. À l’inverse, le président irakien et Moqtada al-Sadr ont réagi. Ce sont des détails importants concernant la représentation du peuple, indéniablement positifs. Mais pourquoi le premier ministre ne fait-il pas de déclaration ? N’est-il pas tenu de le faire dans le cadre de sa fonction ? Cela laisse toujours perplexe.

« Il faut du bon sens »

Nous sommes, aujourd’hui comme hier, toujours aux côtés du peuple yézidi. Le PKK n’est peut-être pas sur le terrain, mais nous soutenons les Yézidis, et il en sera toujours ainsi. Ils ont le droit de construire leurs propres structures de sécurité et de se défendre. L’État doit y consentir. Après tout, l’autodétermination est un droit légitime. J’en appelle à la raison irakienne : résolvez les problèmes existants par le dialogue. Il ne faut pas que l’armée, qui s’est volatilisée lorsque l’EI a surgi, lance aujourd’hui une opération contre ce peuple, après qu’il se soit libéré des griffes de l’EI. Je ne peux qu’espérer que le bon sens prévaudra et que les problèmes existants seront éliminés par le dialogue afin que la paix puisse revenir au Shengal. C’est ce dont on a le plus besoin dans des moments comme celui-ci. C’est mon espoir et mon attente. Les unités de résistance YBŞ et les forces Asayîşa Êzîdxanê [forces de sécurité interne] sont légitimes et nous les soutenons. Mais prétendre qu’elles sont toutes dirigées par le PKK est un mensonge de l’État turc. Personne ne doit tomber dans ce leurre. Une approche réaliste est plus que nécessaire. Nous espérons que ce problème sera résolu par le dialogue.

Voudriez-vous ajouter quelque chose ?

Les jours que nous vivons sont les plus difficiles de l’histoire de notre lutte. C’est une phase importante. Dans quel sens ? La guerre entre nous et l’occupation turque a atteint son apogée. Bien sûr, ils veulent nous battre et nous voulons les battre.

« Les jeunes doivent jouer leur rôle »

Tous les patriotes, tous les Kurdes doivent jouer un rôle dans cette période. Ils doivent remplir leurs devoirs patriotiques. En particulier, les jeunes et les femmes libres du Sud-Kurdistan ne doivent pas garder le silence dans cette période. Notre peuple doit élever sa voix contre les politiques fascistes et meurtrières de l’État turc. Pour la jeunesse kurde en Turquie, dans les métropoles turques, le moment est venu d’agir. Ils ont leur propre initiative. Ils ne doivent pas dire : il n’y a pas d’armes. Il y en a. Il suffit de les trouver. Un briquet, par exemple, peut aussi être une arme. Les possibilités sont infinies. Par conséquent, tout le monde doit absolument agir. Nos gens sont massacrés dans les geôles, torturés quotidiennement par les gardiens. Les jeunes sont torturés. Je profite de cette occasion pour rendre hommage à tous les martyrs de la résistance des prisons. Je m’incline face à leur mémoire. Nous devons nous dresser contre l’oppression. Nous ne devons pas rester silencieux face à cette injustice. Parce que se taire, c’est participer à l’oppression. C’est pourquoi, nous devons nous dresser. Il est nécessaire de s’opposer à l’injustice. C’est pourquoi je lance un appel particulier à la jeunesse kurde: agissez là où vous vous trouvez ou rejoignez les rangs de la guérilla. C’est notre appel. Une période historique s’est ouverte dans laquelle la jeunesse kurde doit jouer son rôle et rejoindre les rangs de la guérilla.

C’est le moment de prendre des risques

Aujourd’hui, la guérilla joue un rôle historique et stratégique. En dehors de la guérilla, il n’y a pas de force capable de s’opposer à cet ennemi. [L’ennemi] veut soumettre ce peuple à un génocide. Par conséquent, tout le monde doit se mobiliser et s’organiser, sans attendre d’instructions. Dans chaque quartier, les gens peuvent s’organiser et devenir une force, un comité, une volonté, un pouvoir d’action. Le pouvoir participatif et les forces participatives sont importants.

Encore une fois, je salue de tout mon cœur mes amis qui se déplacent comme des lions dans cette guerre, dans ce feu. Certes, je fais aussi partie de cette cause, je suis l’un des responsables. Mais ce sont ces compagnons, femmes et hommes kurdes, qui, avec l’esprit de sacrifice, prennent la forme d’Egîd [Mahsum Korkmaz, commandant de la guérilla qui a tiré le premier coup de feu du PKK en 1984]. Leur dévouement peut difficilement être exprimé en mots. C’est comme un trésor. Sur cette base, nous remporterons assurément la victoire. Nous devons assumer nos responsabilités. Ce sont des risques que nous prenons. Mais c’est le moment où chacun doit trouver le courage d’aller jusqu’au bout. Cela s’applique à moi ainsi qu’à tous les cadres, tous les combattants, tous les commandants et tous les patriotes. Mais cela s’applique aussi à chaque Kurde. Pour que 2022 soit une grande année, chacun doit faire les sacrifices nécessaires.

Nous avons célébré cette année le 50e Newroz [depuis la fondation du mouvement de libération kurde] avec beaucoup d’entrain et d’enthousiasme. Dans la continuité, nous voulons que 2022 soit l’année d’une grande marche éclairée par le feu du Newroz et animée par l’esprit de la résistance du Zap. Ce doit être l’année de la marche de la liberté. Voilà mon appel. Je vous salue tous du fond du cœur.