“Bougez–vous” ? C’est en termes beaucoup plus courtois, et avec toute la diplomatie qu’il convient, que Leyla Güven a adressé ce message aux ambassadeurs de 16 pays représentés à Ankara dans une lettre les appelant fermement à passer à l’action pour obtenir une solution démocratique et pacifique à la question kurde et imposer à la table des négociations le principal interlocuteur, le leader du peuple kurde, Abdullah Öcalan.
“Alors que des actions sont menées au sein des prisons, dans les rues et devant le ministère de la Justice pour réclamer une solution démocratique à la question kurde et la libération d’Abdullah Öcalan, je lance cet appel depuis la maison d’arrêt pour femmes de Sincan, où je suis incarcérée.”
Ecoutez Leyla Güven, grande figure de la résistance kurde
On ne présente plus Leyla Güven. Co-maire de Viranşehir, en 2009, et membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, elle est emprisonnée une première fois de décembre 2009 à juin 2014. Coprésidente du DTK (Congrès pour une Société démocratique), elle est élue députée une première fois en 2015. Arrêtée le 31 janvier 2018 et incarcérée dans la prison de haute sécurité de Diyarbakir, elle est néanmoins élue députée de Hakkari lors des élections législatives de juin 2018. A l’initiative d’un très grand mouvement de grève de la faim dans les prisons, commencé le 7 novembre 2018, pour protester contre l’isolement carcéral exercé sur le leader du peuple kurde, Abdullah Öcalan, elle est libérée, pour raisons médicales, au soixante-dix-neuvième jour, le 25 janvier 2019, mise en liberté provisoire, et réincarcérée en juin 2020. Le 21 décembre 2020, elle est condamnée à 22 ans et trois mois de prison, peine qu’elle purge à la prison de Sincan (Ankara) , après avoir été transférée de la prison d’Elaziğ. (peine aggravée de cinq ans pour un discours en kurde prononcé le 15 février 2020 à Hakkari).
Les Amitiés kurdes de Bretagne ont rencontré Leyla Güven à Diyarbakir, 31 mars 2019, durant sa mise en liberté provisoire, une Leyla Güven très affaiblie qui n’en continua pas moins sa grève de la faim qu’elle poursuivra jusqu’au deux-centième jour. Une correspondance épistolaire a pu s’établir avec elle, depuis la prison d’Elaziğ, puis depuis celle de Sincan. Nous pouvons témoigner de sa force de caractère et de sa détermination.
“Participer à la solution pacifique du problème kurde”
Dans sa lettre, Leyla Güven rappelle aux missions diplomatiques la responsabilité des puissances européennes dans la négation du peuple kurde, lors du traité de Lausanne de 1923, qui effaça d’un trait la reconnaissance d’un Kurdistan autonome inscrit dans les attendus du traité de Sèvres de 1920 :
“Vous devez assumer cette responsabilité et travailler à un nouveau processus de paix. Ce nouveau processus de paix est possible. Il permettra, en y associant les Kurdes, de surmonter la crise politique actuelle et de mettre fin aux violations des droits, dans les prisons turques, et à la torture, en particulier à İmrali où est incarcéré Abdullah Öcalan dans des conditions d’isolement insupportables.”
“L’interlocuteur, c’est Öcalan”, Leyla Güven insiste pour que la voix des Kurdes soit davantage entendue et qu’on reconnaisse que celui qui est maintenu à l’isolement complet dans l’ile-prison d’Imrali soit le principal interlocuteur avec lequel on doit négocier pour aboutir à une solution démocratique à la question kurde.
Cette lettre envoyée aux ambassades des États-Unis, d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, du Royaume-Uni, du Royaume du Danemark, de Finlande, des Pays-Bas, d’Espagne, de Suède, d’Italie, du Canada, du Royaume de Norvège, du Portugal, de Grèce, a été également envoyée à son excellence Monsieur l’Ambassadeur de France à Ankara. Cette lettre nous oblige, nous qui croyons que la France peut jouer un rôle important dans un processus aboutissant à une négociations “pour une paix juste et durable”, nous qui croyons que la France doit jouer ce rôle.
André Métayer