Le procès concernant la tentative d'assassinat des dirigeants politiques kurdes Remzi Kartal et Zübeyir Aydar s’est tenu à Bruxelles vendredi
Les représentants kurdes Zübeyir Aydar et Remzi Kartal lors du procès contre l'escadron de la mort, le 11 mars

Le procès concernant la tentative d’assassinat des dirigeants kurdes Remzi Kartal et Zübeyir Aydar s’est tenu à Bruxelles vendredi 11 mars. Le verdict sera rendu le 22 avril.

À la suite de l’enquête sur la tentative d’assassinat à Bruxelles contre les représentants kurdes Remzi Kartal et Zübeyir Aydar, l’affaire a été renvoyée en juin 2021 devant une juridiction pénale.

Quatre ressortissants turcs – Zekeriya Çelikbilek, Yakup Koç, Necati Demiroğulları et Hacı Akkulak – sont mis en examen dans l’affaire entendue au Palais de justice de Bruxelles le 11 mars.

Si le plaidoyer préparé par Jan Fermon, avocat de Aydar et de Kartal, indique l’existence d’un vaste réseau d’assassinat et d’espionnage turc à travers l’Europe, il fournit également des informations sur l’implication de plusieurs membres de ce réseau dans le triple assassinat de Paris, dont l’ancien ambassadeur de Turquie à Paris, Ismail Hakki Musa. Le dossier constitué par l’avocat contient des éléments importants indiquant que l’équipe responsable de la tentative d’assassinat de Bruxelles était coordonnée par l’ancien ambassadeur.

En juin 2017, des membres de l’escadron de la mort ont été repérés par la police belge en train d’espionner autour du bâtiment du Congrès national du Kurdistan (KNK) à Bruxelles. Lors de la garde à vue qui a suivi l’interpellation, la police a découvert sur l’un des hommes, Yakup Koç, une carte de police turque. L’enquête qui a suivi a révélé qu’un autre membre de l’équipe, Zekeriya Çelikbilek, avait un passé militaire. La troisième personne, Necati Demiroğulları, qui vit en Belgique, s’occupait de la logistique et du recrutement de personnel pour l’équipe.

Quant à Haci Akkulak, il était utilisé comme espion. L’homme d’origine kurde est cependant passé aux aveux après avoir, dit-il, réalisé le caractère criminel de l’opération.

Alors que Yakup Koç s’est enfui en Turquie, Zekeriya Çelikbilek est resté en France. Les deux hommes se présentaient comme des électriciens.

Selon le dossier d’enquête, il existe des liens directs entre l’équipe d’assassinat et Ankara. Le suivi technique, les appels téléphoniques, les photos et les aveux obtenus, notamment en France, démontrent qu’un vaste réseau d’assassinat, allant du massacre de Paris à la tentative d’assassinat de Bruxelles, opère dans toute l’Europe sous le commandement d’Ankara.

LES MIS EN EXAMEN ABSENTS À L’AUDIENCE

Parmi les mis en examen, seul Demiroğulları était représenté à l’audience. Quant aux parties civiles, Zübeyir Aydar et Remzi Kartal, elles étaient présentes et assistées par leur avocat Jan Fermon.

Jan Fermon a évoqué les liens de l’équipe d’assassins avec le chef de SADAT Adnan Tanrıverdi et Seyit Sertçelik, l’un des proches conseillers du président turc Recep Tayyip Erdoğan, liens révélés notamment par des photos prises à Paris et au Palais présidentiel d’Ankara.

Contrairement au précédent procureur qui contestait toutes les accusations, soutenant le non lieu, le nouveau procureur chargé du dossier a reconnu le bien fondé de la plainte. Toutefois, il a estimé que les circonstances n’étaient pas « suffisamment claires ». Selon lui, Akkulak pourrait avoir poussé les autres membres de l’équipe à la tentative d’assassinat.

S’adressant à l’agence de presse Firat News (ANF), Jan Fermon a déclaré : « Toutes les données du dossier contredisent cette thèse. Yakup Koç a contacté Akkullak par l’intermédiaire de Demiroğulları. Toutes les écoutes montrent que le plan a été réalisé par Çelikbilek et Koç. Juridiquement parlant, l’avis du procureur est incompréhensible. »

AYDAR : TOUTES LES VOIX DISSIDENTES SONT VISÉES

Aydar a déclaré que l’équipe d’assassins avait conçu un plan d’assassinat contre lui et Remzi Kartal, et que les autorités turques ne les visaient pas seulement eux mais toutes les voix dissidentes. « Nous pensons que l’issue de ce procès est cruciale pour que de telles tentatives d’assassinat ne se reproduisent pas », a ajouté l’homme politique kurde, tout en citant des exemples de tentatives d’assassinat dans d’autres pays européens.

KARTAL : ILS ONT AUSSI AVOUÉ LE MASSACRE DE PARIS

Remzi Kartal a mentionné une conversation entre Akkulak et Çelikbilek dans laquelle le second encourageait le premier en disant : « Nous l’avons fait à Paris, regardez, il ne s’est rien passé. » Pour l’ancien député kurde, il n’y a pas de doute, ce propos est un aveu de l’implication de l’équipe dans l’assassinat à Paris, le 9 janvier 2013, des militantes kurdes Sakine Cansız, Fidan Doğan et Leyla Şaylemez.

VERDICT EN AVRIL

Jan Fermon a noté que, si divers facteurs peuvent influer sur le jugement, l’issue du procès pourrait être influencée par les relations politiques entre la Belgique et la Turquie.

Alors que l’avocat de Demiroğulları a réfuté les allégations, Jan Fermon a déclaré que malgré un « rôle secondaire », Demiroğulları savait ce qu’il faisait. « Il a aidé à la logistique et au recrutement; il devrait être condamné pour participation à « une organisation terroriste », a plaidé l’avocat des parties civiles. 

Le collège des juges a fixé la date du verdict au 22 avril prochain.