La population des territoires occupés du nord de la Syrie subit la terreur semée par le régime d'Erdogan. Les turkmènes ne sont pas épargnés.
Huseyin Halil est un Turkmène originaire de Serêkaniyê. Il a dû fuir la ville avec sa famille après l'invasion de la région par l'armée turque en octobre 2019

La population des territoires du nord de la Syrie occupés par la Turquie est soumise à toutes sortes d’exactions. La population turkmène que l’État turc prétend protéger n’est pas épargnée par la terreur du régime d’Erdoğan.

À Serêkaniyê (Ras al-Aïn), les forces d’occupation turques ont fondé le « Conseil turkmène de Ras-al-ain », alors que les Turkmènes originaires de la région ont quasiment tous fui depuis l’invasion de la zone par l’armée turque en octobre 2019. La plupart des Turkmènes vivant aujourd’hui à Serêkaniyê ont été amenés dans la région après l’invasion. Huseyin Halil est un Turkmène originaire de Serêkaniyê. Les forces d’occupation ont menacé de lui couper la tête et d’envoyer une photo à sa famille. Contraint de quitter la région, il décrit dans un entretien avec l’Agence de presse kurde Firat News (ANF) la situation de la population turkmène à Serêkaniyê.

« La première attaque de l’aviation turque a visé la population civile »

L’homme de 40 ans est père de deux enfants. Originaire du district de Landura à Alep, la famille de Halil s’est réfugiée à Serêkaniyê il y a 60 ans pour fuir la tyrannie d’un chef de tribu turkmène. Halil raconte le début des attaques turques contre Serêkaniyê : « Nous avons dû quitter notre maison le troisième jour des attaques. Le gouvernement turc prétendait attaquer des terroristes. Les forces d’invasion ont amené de nombreux membres d’organisations radicales dans la ville. À leur arrivée, des pillages et des vols ont commencé. La situation était mauvaise, ils ont incendié des maisons avec des civils à l’intérieur. Ils ont tué de nombreux innocents. Ils ont tué des civils simplement parce qu’ils étaient kurdes. Les attaques n’étaient pas seulement contre les Kurdes. Ils ont également tué des Turkmènes, des Arabes et des Syriaques. La première attaque de l’aviation turque a visé la population civile. J’en ai été témoin. »

« Les Turkmènes ne doivent pas se laisser instrumentaliser par la Turquie »

Concernant la vie avant l’invasion, Halil a déclaré : « Nous vivions ensemble, dans la fraternité, avec toutes les composantes de la population. Il n’y avait aucune différence entre nous. Mais où que nous soyons, nous continuons à vivre de la même façon. Ceux qui veulent nous dresser les uns contre les autres devraient savoir que nous sommes tous des enfants de ce pays et que nous resterons unis jusqu’à la mort. »

Population locale remplacée par des troupes d’occupation

Halil a poursuivi : « Avec l’attaque, la population de Serêkaniyê a été expulsée et remplacée par des loyalistes venus d’Idlib, Bab, Hama, Alep et Dara. La plupart des habitants de Serêkaniyê sont partis. Seules 100 à 150 familles, dont la situation était extrêmement précaire, sont restées là-bas. En dehors de ces familles, toutes les personnes qui vivent à Serêkaniyê aujourd’hui sont des colons. 

Maintenant, un soi-disant Conseil turkmène a été établi à Serêkaniyê. Les Turkmènes originaires de la région sont tous partis. Dans ces conditions, un tel conseil est absurde. L’objectif, c’est de faire de la propagande en disant « Nous avons fondé un conseil pour les Turkmènes de Serêkaniyê ». Les Turkmènes locaux ont tous fui vers les zones sous le contrôle de l’administration autonome. Pourquoi l’État turc qui prétend aujourd’hui s’occuper des Turkmènes, n’a-t-il rien fait il y a 50 ans? La Turquie ne se soucie pas de nous. Elle devrait nous laisser tranquilles avec ses sales stratagèmes. Si elle avait pensé à nous, elle ne nous aurait pas bombardés. Elle n’aurait pas occupé notre ville avec des bandes de criminels qu’elle a formés. Si la Turquie est si sûre d’elle, qu’elle montre au monde la situation dans la ville. Les médias turcs déforment la réalité. »

« Depuis que j’ai quitté Serêkaniyê, je suis menacé »

Après son départ de Serêkaniyê, Huseyin Halil a été menacé au téléphone par deux membres des forces d’occupation. « Ils m’ont appelé et m’ont menacé. Depuis que j’ai quitté Serêkaniyê, je suis menacé. Ils ont également envoyé un message à mon frère à Beyrouth disant ceci : « Nous allons décapiter votre frère et vous envoyer sa photo. » Ils viennent de l’extérieur et menacent les habitants d’origine de Serêkaniyê. »

Appel aux Turkmènes : « Erdoğan vous utilise »

Halil a lancé un appel à sa communauté en ces termes : « Mes frères et sœurs turkmènes, pourquoi le gouvernement turc ne nous a-t-il pas aidés il y a 50 ans, et pourquoi prétend-il le faire aujourd’hui ? Pensez-y. Erdoğan peut vous utiliser et vous vendre à nouveau à tout moment. Ne vous laissez pas instrumentaliser. Nous voulons retourner dans notre ville. Nous voulons que ces groupes criminels déshumanisés quittent notre ville. »