Veysel Filiz, lobbyiste de la coalition AKP/MHP au pouvoir en Turquie, a été arrêté, début décembre, avec une centaine de kilos d'héroïne dans ses bagages, alors qu’il tentait d’entrer sur le territoire de l’Union européenne. Anciennement attaché de presse de l'ambassade de Turquie à Bruxelles, il avait été expulsé par la Belgique en raison de ses activités d’espionnage.
Veysel Filiz, lobbyiste d’Erdogan arrêté avec 100 kilos d’héroïne à la frontière de l’UE.

Veysel Filiz, lobbyiste de la coalition AKP/MHP au pouvoir en Turquie, a été arrêté, début décembre, avec une centaine de kilos d’héroïne dans ses bagages, alors qu’il tentait d’entrer sur le territoire de l’Union européenne. Anciennement vice-président du Cojep (organisation pro-Erdogan en Europe), puis attaché de presse de l’ambassade de Turquie à Bruxelles, il avait été expulsé par la Belgique en raison de ses activités d’espionnage.

Diplômé en turcologie à l’université de Strasbourg, Veysel Filiz faisait depuis des années du lobbying pour le régime d’Erdoğan en Europe. Il a fait ainsi plusieurs apparitions, en tant que « expert en politique étrangère », sur les plateaux des chaînes de télévision proches du Parti de la Justice et du Développement (AKP) et du Parti d’action nationaliste (MHP), connu aussi sous le nom de Loups gris. Il avait été nommé en 2004 vice-président du Cojep (Conseil pour la justice l’égalité et la paix), avant d’être désigné en 2014 comme attaché de presse de l’ambassade de Turquie à Bruxelles par le président turc Recep Tayyip Erdogan lui-même.

Espionnage pour le régime turc

Sa tâche, non officielle, consistait à recueillir des informations sur les opposants au régime d’Erdogan en Europe, en particulier sur les Kurdes, et à communiquer ces informations à Ankara. En 2017, la police belge a découvert que Filiz menaçait des militants de l’opposition vivant en Europe à partir de comptes sociaux enregistrés sous de faux noms. Une enquête a été ouverte contre lui, ce qui a conduit à une crise politique entre Ankara et Bruxelles. Déclaré « personne indésirable » en Belgique, il s’est empressé de regagner la Turquie. Cependant, il n’a pas pour autant interrompu ses contacts avec l’Europe, continuant à mobiliser les groupes islamo-nationalistes turcs dans les pays européens. Entretenant par ailleurs des liens étroits avec la mafia de la drogue, il aurait eu une activité régulière de trafic d’héroïne vers l’Europe. 

Porte-parole de l’association de lobbying islamiste EMISCO

En Europe, le lobbyiste de l’AKP a également été le porte-parole de l’Initiative musulmane européenne pour la cohésion sociale (EMISCO). Son nom est apparu pour la dernière fois sur le site web de l’association islamiste, le 29 mars 2020, lorsqu’il a soutenu Ahmet Mete, un prédicateur pomak condamné en Grèce pour incitation à l’antisémitisme. Fin octobre, la page Facebook de l’association transmettait une intervention de Filiz lors d’une conférence dans laquelle il fustigeait « l’islamophobie du gouvernement Macron ». Il est à noter que l’association en question avait relayé l’appel du régime d’Erdogan au boycott de la France.

Le 9 décembre, l’agent turc a été arrêté par hasard à la frontière bulgare, avec une centaine de kilos d’héroïne d’une valeur de cinq millions d’euros. L’affaire n’a été révélée que maintenant, car les autorités turques ont tout fait pour dissimuler l’événement. Contrairement à l’ordinaire, cette grosse saisie de drogue n’a pas été étalée dans la presse. Le fils de l’intéressé, Fatih Filiz, parle d’un « complot » contre son père, disant qu’il sera bientôt libéré. Reste à savoir s’il peut espérer une amnistie similaire à celle dont a bénéficié récemment le parrain de la mafia et du crime organisé, Alaattin Çakıcı.

Les Loups gris et la mafia de la drogue

Plusieurs recherches menées au cours des dernières années ont démontré l’implication des régimes turcs successifs dans le trafic de drogue vers l’Europe, ce depuis les années 1970. Le mouvement ultranationaliste turc des Loups gris est un pilier de ce trafic. De fait, les activités des réseaux fascistes turcs en Europe sont souvent financées par l’argent de la drogue.