Gravement torturé par les militaires turcs en septembre 2020 à Van, Osman Siban est jugé aujourd’hui pour
En septembre 2020, Osman Siban et son oncle Servet Turgut avaient été gravement torturés par des militaires turcs, avant d'être poussés d'un hélicoptère de l'armée.

Arrêté et gravement torturé par les militaires turcs en septembre 2020, dans la province de Van, Osman Siban est jugé aujourd’hui pour « appartenance à une organisation terroriste ». L’homme kurde encourt 15 ans de prison. Quant à ses tortionnaires, ils demeurent à ce jour impunis.

La deuxième audience du procès contre Osman Siban a eu lieu jeudi, devant la cour pénale de Mersin. Siban est jugé pour « appartenance à une organisation terroriste ». En septembre 2020, il avait été arrêté avec son oncle Servet Turgut par les forces de sécurité turques dans le district de Çatak, à Van. Les deux hommes avaient été gravement torturés et poussés d’un hélicoptère militaire. L’oncle est décédé à l’hôpital après 20 jours de comas. Quant à Osman Siban, il a survécu avec de lourdes séquelles.

Au cours de l’audience de jeudi, deux « témoins » ont été entendus via un système de visioconférence. Disant qu’il ne connaissait pas ces derniers, Siban a contesté les témoignages. « Après que l’État ait autorisé le retour dans notre village, qui avait été évacué dans le passé, j’y suis retourné et j’y ai construit une maison. J’habite là quelques mois par an. Je n’ai jamais reçu la visite d’un quelconque membre d’une organisation terroriste », a-t-il déclaré.

Lors de la première audience, le procureur avait requis jusqu’à dix ans de prison. Jeudi, la peine requise a été augmentée à quinze ans. La défense ayant obtenu un report de l’audience, le procès devrait reprendre le 11 avril.

Procès kafkaïens

L’acte d’accusation contre Siban est plus que douteux. Selon le parquet, l’homme de 52 ans aurait inventé les faits de torture pour détourner l’attention de son activité de « milicien du PKK ». Le procureur s’appuie, entre autres, sur la découverte de trois bidons de carburant de secours sur un terrain, près de la maison de Siban située dans un hameau de Çatak. Elle se fonde par ailleurs sur les données d’un vol de reconnaissance effectué avec un drone le 9 septembre 2020. L’analyse de ces données indiquerait une activité inhabituelle dans le hameau à ladite date. Enfin et surtout, l’accusation fait référence aux déclarations d’un témoin qui aurait indiqué que la maison d’Osman Siban avait été régulièrement fréquentée par des cadres du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), à savoir Murat Karayılan et Mahsum Korkmaz (mort dans la région de Gabar le 28 mars 1986) dans les années 1980 et 1990.

Les avocats de Siban ont dénoncé un « procès kafkaïen » qui démontre le traitement réservé aux kurdes par une justice aux ordres de l’État.  Qualifiant l’affaire d’ « acte de vengeance » purement politique, ils ont rappelé que cinq journalistes kurdes avaient été détenus pendant six mois pour avoir révélé les actes de torture infligés par l’armée turque aux deux villageois. Accusés d’avoir dénigré l’État et de faire des reportages en faveur du PKK, les journalistes ont finalement été acquittés.

« Il y avait sept côtes cassées à droite et quatre à gauche. Il y a des accumulations de sang à deux endroits du cerveau et il s’est également déchiré un poumon. De l’air et du sang s’échappent des tissus pulmonaires déchirés. Le sang entrave la respiration, c’est pourquoi il est placé sous respiration artificielle. Les os zygomatiques sont fracturés et il souffre également de fractures de l’orbite. Divers os des mains, des bras, des jambes et des pieds sont également brisés ». – Hüseyin Turgut, fils de Servet Turgut, en septembre 2020, à propos de l’état de son père Servet Turgut, alors dans le coma | Photo : Agence de presse Mezopotamya (MA)

Impunité pour les tortionnaires

En outre, les avocats de Siban ont pointé du doigt l’absence de toute avancée dans l’enquête sur la « torture par hélicoptère ». Depuis plus de deux ans, le dossier fait l’objet d’une ordonnance de confidentialité. Les avocats craignent que la justice ne le laisse au fond d’un tiroir jusqu’à ce que les faits soient prescrits, comme cela arrive souvent dans les affaires où des Kurdes ont été victimes de violences ou de massacres commis par des agents de l’État. Une culture de l’impunité dénoncée régulièrement par les défenseurs des droits humains ainsi que par l’opposition kurde. 

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