Les électeurs se sont rendus aux urnes dans un climat de tension et de menaces pour élire les maires de 30 grandes municipalités, de 51 villes, de 922 districts de grandes villes ainsi que de 386 villes moyennes et de plus de 17 000 membres pour les assemblées municipales. Ils devaient aussi élire 50 236 muhtar (chefs de village), dont 32 046 pour les quartiers de ville et 18 190 pour les villages. Le Parti démocratique des Peuples (HDP?) avait décidé de ne pas présenter de candidats dans les villes de l’ouest de la Turquie, notamment à Istanbul, Ankara et Adana, pour faire battre le candidat de l’alliance AKP? (parti d’Erdoğan) / MHP (parti d’extrême-droite). Stratégie gagnante : le candidat AKP/MHP est battu à Ankara, Istanbul, Izmir, Antalya, Adana.

Les Kurdes ont dit « dégage » aux administrateurs civils 

Après la tentative de coup d’État militaire du 15 juillet 2016, le gouvernement turc avait fait arrêter 94 maires du HDP au motif de « liens avec une organisation illégale » et les avait remplacés par des administrateurs civils (kayyum). Des milliers de dirigeants et de membres du HDP sont également détenus. Pour autant le HDP est gagnant dans ses fiefs régionaux (Diyarbakir, Van, Mardin, Batman, Iğdir, Hakkari, Siirt), et récupère Kars. Si des centres-villes lui échappent (Sırnak, Ağri, Muş) du fait de la présence massive de militaires (12 000 à Sırnak) ou d’annulations de votes HDP (Tatvan, Muş), les populations durement touchées par la répression, comme à Sur (arrondissement de Diyarbakir), Cizre, Nusaybin, Silopi ou encore Suruç, ne se sont pas détournées du HDP comme certains le prédisaient, bien au contraire. Notons encore les scores victorieux à Varto, Bulanik, Derik, Doğubayazit, Yüksekova… Tunceli (Dersim) a élu l’ancien maire d’Ovacik, le premier maire communiste (atypique) de Turquie.

Plus d’une centaine d’observateurs venus d’Europe

Des délégations sont venues d’Europe pour observer les élections, des représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile, mais aussi des parlementaires et des journalistes, soit plus de cent personnes réparties dans toute la région kurde et même au de là. L’agence ANF a noté la présence

du parti vert allemand, du groupe de gauche du parti hambourgeois, des organisations de jeunesse, du parti social-démocrate suédois, de l’association italienne AVK et du syndicat COBAS, du groupe d’amitié anglais, du parti de gauche français, du groupe d’amitié Bretagne, du groupe de solidarité norvégien et du parti rouge norvégien, du président de la gauche suédoise, des députés et membres de la délégation zurichoise.

Sabine Leidig, députée fédérale de la gauche allemande, a déclaré être là pour soutenir le HDP :

nous sommes solidaires avec HDP, qui est également un exemple pour nous. Notre solidarité continuera. Nous soutenons la lutte du HDP pour la liberté et la démocratie. Nous sommes ici pour les soutenir in situ. Je transmettrai nos observations à l’opinion publique allemande et à l’Assemblée fédérale.

Et une délégation du CPLR du Conseil de l’Europe

Par ailleurs, une délégation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, composée de 22 observateurs de 20 pays et conduite par M. Andrew Dawson (ECR, Royaume-Uni), a effectué une mission d’observation. Le jour du scrutin, dix équipes du Congrès opéraient à Ankara, Istanbul, Izmir et dans d’autres régions du pays pour observer les procédures électorales dans les bureaux de vote. Le chef de la délégation a notamment souligné, lors de sa conférence de presse :

une bonne gestion des élections et des compétences techniques en matière d’application de la loi ne constituent que des éléments de l’évaluation des élections. Pour que les élections soient considérées comme véritablement démocratiques et conformes aux principes du Conseil de l’Europe en matière de démocratie, d’état de droit et de droits de l’homme, il lui faut davantage : un environnement politique où règne une véritable liberté d’expression, une atmosphère propice à la liberté des médias. Absolument garanti l’accès égal aux médias pour tous les partis qui se présentent aux élections, un cadre juridique juste et raisonnable supervisé par un pouvoir judiciaire solide. Ce cadre juridique, qui est essentiel pour nous du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, doit permettre aux élus locaux d’exercer leur mandat politique – librement et sans crainte d’accusations ni de répression pour leurs liens supposés avec le terrorisme, la définition du terrorisme n’étant pas conforme aux normes du Conseil de l’Europe, notamment à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.