Öztürk Türkdoğan : «Vous ne pourrez résoudre la question kurde tant que vous détiendrez Öcalan dans ces conditions sévères»
Öztürk Türkdogan, Coprésident de l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD)

L’éminent défenseur des droits humains öztürk Türkdogan a critiqué les pratiques imposées à la prison d’Imrali où est détenu le leader kurde Abdullah Öcalan, et lancé un message au gouvernement turc : « Vous ne pourrez résoudre la question kurde tant que vous détiendrez Öcalan dans ces conditions sévères ».

Le 29 juillet dernier, plusieurs associations de défense des droits humains – l’Association des Droits de l’Homme (IHD), la Fondation turque des Droits de l’Homme (TIHV), les Avocats pour la Liberté (OHD) et la Fondation de Recherches sociales et juridiques (TOHAV) – ont demandé au Comité des ministres du Conseil de l’Europe de réviser la peine de « prison à vie aggravée » infligée au chef du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, et à trois autres prisonniers politiques, Hayati Kaytan, Emin Gurban et Civan Boltan.

Les ONG ont fondé leur demande sur des décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) concernant Öcalan, Kaytan, Gurban et Boltan, selon lesquelles la peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de « libération conditionnelle » est « contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ».

Öztürk Türkdoğan, éminent avocat des droits humains et co-président de l’IHD, s’est entretenu avec l’agence de presse Mezopotamya (MA) concernant la demande adressée au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 29 juillet.

Türkdoğan a rappelé que la peine de mort prononcée à l’encontre du leader kurde Abdullah Öcalan avait été abrogée en 2004 suite à une injonction de la Cour de Strasbourg et remplacée par une peine de « prison à vie aggravée » (prison à perpétuité).

Türkdoğan définit ce genre de peine comme une « condamnation à mort prolongée et une méthode de torture », contraire à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains posée à l’article 3 de la CEDH. Soulignant que cette forme de punition tuait le « droit à l’espoir », il a ajouté : « Lorsqu’une personne est condamnée à l’emprisonnement, elle devrait savoir quand elle sera libérée. »

Insistant sur la responsabilité du Conseil de l’Europe chargé de la mise en œuvre des décisions de la CEDH, le défenseur des droits humains a déclaré : « Si les organes politiques du Conseil ne sont pas en mesure d’y parvenir, cela indique que les valeurs des droits humains et l’engagement envers la Convention sont corrodés. C’est pourquoi, il est particulièrement important que les ONG déposent des demandes, car si nous laissons les États s’en charger, ils donneront la priorité à leurs propres intérêts économiques et politiques, et aucune mesure ne sera prise pour éliminer les graves violations des droits humains comme celle-ci. C’est justement à ce moment-là qu’il est nécessaire que les ONG des pays membres du Conseil de l’Europe interviennent. »

Türkdoğan a souligné par ailleurs que l’isolement carcéral d’Öcalan est une question clé dans les discussions relatives à la résolution pacifique de la question kurde en Turquie : « La Turquie pense qu’elle va résoudre la question kurde par le conflit, l’anéantissement et l’emprisonnement. Et c’est à ce moment-là que la position d’Abdullah Öcalan prend tout son sens. À ce jour, il y a eu en tout huit cessez-le-feu [décrétés unilatéralement par le PKK] en Turquie. Pendant chaque cessez-le-feu, le gouvernement et l’État turc ont entamé un dialogue avec Abdullah Öcalan. À chaque fois, les affrontements ont repris avec plus de force car les pourparlers n’ont pas donné de résultats. »

« Vous ne pourrez résoudre la question kurde tant que vous détiendrez Öcalan dans ces conditions sévères », a-t-il ajouté, appelant les autorités turques à respecter les droits fondamentaux des détenus dans le cadre de l’exécution des peines.