L’initiative « Respect et Justice pour les Morts » vise à mettre fin aux outrages envers les morts et les lieux où ils reposent, et à défendre le droit de toute personne, quelle que soit son appartenance ethnique ou confessionnelle, d’enterrer ses morts d’une manière conforme à la dignité humaine.
Ces dernières années, les autorités turques ont, à plusieurs reprises, restitué les corps de combattants kurdes dans des sacs ou des colis postaux livrés aux familles. Ainsi, c’est dans un sac que le parquet de Diyarbakir a remis à Ali Rıza Arslan la dépouille de son fils Hakan Arslan, tué en 2016 pendant le siège du district de Sur, à Diyarbakir, par l’armée turque.
L’agence de presse Firat News (ANF) s’est entretenue à Diyarbakir avec Adnan Orhan, de l’initiative « Respect et Justice pour les Morts », à propos des atteintes portées par la Turquie à la mémoire des combattants ou opposants tués par les forces de sécurité turques.
« GUERRE SPÉCIALE »
L’attitude officielle envers les Kurdes et les autres populations marginalisées en raison de leur appartenance ethnique ou confessionnelle n’a pas changé dans le pays depuis la fondation de la République en 1923, souligne Adnan Orhan. Et d’ajouter: « La mentalité dominante a persisté à travers la rhétorique et les actions racistes et fascistes. Si l’on considère les 40 dernières années, ce que l’on a vécu est tout simplement innommable ». Pour le militant associatif, le traitement réservé aux Kurdes s’inscrit dans une « guerre spéciale ».
« Durant les fameuses années 90, poursuit Orhan, ils ont brûlé des villages, procédé à des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées. Ils ont jeté des gens depuis des hélicoptères en vol, fait disparaître des corps dans des rivières ou des puits d’acide. En outre, nous avons vu les corps des personnes assassinées attachés derrière des véhicules blindés et traînés dans les rues. Durant la période des couvre-feux, les corps des personnes tuées ont été laissés dans la rue pendant des jours. Plus récemment, les dépouilles de combattants ont été restituées aux familles dans des colis postaux ou des sacs, des cimetières ont été détruits… D’autre part, les prisonniers malades sont abandonnés à la mort dans les prisons. Malheureusement, aucun gouvernement ne s’est jamais préoccupé de ces problèmes. »
CONCEPTION MONISTE
Orhan raconte avoir été bouleversé à la nouvelle du corps du jeune Hakan Arslan rendu à son père dans un sac: « Je me suis souvenu de mes proches tués dans les années 90. Mon père, mon oncle et mes cousins ont été enterrés dans une fosse commune, dans le village Bağcılar, à Kulp. Leurs ossements nous ont plus tard été livrés dans un sac. Puis, suite à une décision de justice, ils ont été enterrés dans un cimetière des anonymes dans un seul sac. J’ai été profondément attristé lorsque j’ai vu Monsieur Ali Rıza recevoir des ossements dans une boîte. Cela montre que la mentalité étatique des années 90 est malheureusement toujours présente. Rien ne peut justifier ce traitement. C’est immoral, inhumain et injuste. La situation est claire et n’a pas beaucoup changé. Cette politique est l’expression de la mentalité moniste qui veut que l’on ne reconnaisse pas aux autres le droit à la vie. »
LE DROIT D’ENTERRER SES MORTS DIGNEMENT
Soulignant que le respect des morts est une valeur universelle, Orhan demande que les proches puissent enterrer leurs morts dignement: « À travers la cérémonie funéraire, les proches accomplissent leurs derniers devoirs envers le défunt. L’enterrement est aussi un dernier adieu au défunt. La maltraitance des morts nuit à la conscience de la société. Elle renforce la haine. Chacun a le droit d’enterrer ses morts d’une manière conforme à la dignité humaine. C’est pourquoi, dans le cadre de l’initiative « Respect et Justice pour les Morts », nous poursuivons l’objectif de mettre fin aux outrages envers les morts et les lieux de sépulture. »