Après sa libération le 25 janvier, Leyla Güven poursuit sa grève de la faim chez elle.

Au 83ème jour de sa grève de la faim pour dénoncer l’isolement carcéral imposé au leader kurde Abdullah Öcalan, la Députée kurde Leyla Güven a adressé au Président du Parlement européen Antonio Tajani une lettre dans laquelle elle appelle le Parlement européen à agir d’urgence contre le système d’isolement qui fait de la Turquie « un régime intolérable ».

Roj Info partage avec ses lectrices et lecteurs la lettre de la Coprésidente du Congrès pour une Société démocratique (DTK) et Députée du Parti démocratique des Peuples (HDP) pour la province de Hakkari, libérée de la prison de Diyarbakir le 25 janvier dernier grâce à la campagne de solidarité internationale qu’elle a suscitée.

 

Monsieur Tajani,

Nous sommes actuellement confrontés à des difficultés considérables sur la voie de la démocratisation et de la normalisation en Turquie, comme cela a été évoqué au cours des sessions du Parlement européen. Le plus critique de ces obstacles est la persistance de l’isolement total imposé depuis le 5 avril 2015 à M. Abdullah Öcalan, dans la prison d’Imrali. M. Öcalan a joué un rôle essentiel dans la recherche d’une solution pacifique au conflit, en particulier pendant le processus de paix qui a eu lieu entre 2013 et 2015. Il continue d’être la personne la plus habilitée à jouer ce rôle historique. Je pense que les positions qui seront prises par les institutions européennes vont être cruciales pour la reprise du processus de résolution des conflits.

L’isolement similaire à une torture que le gouvernement turc impose à M. Öcalan en violation du droit international est actuellement imposé à l’ensemble du système politique turc. En conséquence, la base de la politique démocratique est extrêmement limitée. Dans ce contexte, en tant que Kurde, en tant que femme et députée élue du troisième parti en Turquie, qui a remporté 6 millions de voix au niveau national, j’ai été emprisonnée pendant un an par un gouvernement turc à peine différent d’une dictature, une administration arbitraire qui ne respecte rien, même pas les décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Même si j’ai été libérée le 25 janvier 2019, au 79ème jour de ma grève de la faim entamée le 8 novembre 2018 pour rompre le régime d’isolement et de torture imposé à M. Öcalan, je tiens à ce que vous sachiez que je poursuivrai ma grève de la faim jusqu’à ce que l’isolement de M. Öcalan soit levé et que son droit le plus fondamental de recevoir des visites régulières de ses avocats et des membres de sa famille soit garanti.

Comme en témoignent les décisions du CPT concernant l’isolement, ainsi que les dernières sessions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la levée de l’isolement imposé à M. Abdullah Öcalan n’est ni un privilège ni une concession. Il s’agit d’une question fondamentalement liée à la défense du principe de la suprématie des droits de l’homme et du droit international.

J’espère que vous ferez preuve de la sensibilité nécessaire en vous opposant aux politiques d’isolement imposées aux prisons ainsi qu’à la vie sociale, en Turquie, pays qui a été accepté comme candidat à l’adhésion à l’UE. Une grève de la faim à durée indéterminée n’est pas une affaire individuelle. Cette action, qui est actuellement menée par plus de 300 prisonniers politiques, ainsi qu’à Strasbourg, au Pays de Galles, au Canada et au Kurdistan irakien, et qui s’étend sans cesse, constitue un moyen juste et équitable de protester pour la défense de ce qui est légitime.

Je salue, à travers vous, avec respect et gratitude, tous les parlementaires européens qui ont envoyé des messages de solidarité en faveur de ma grève de la faim. Pour briser le système d’isolement qui transforme la Turquie en un régime intolérable, vous et votre institution devez agir de manière urgente. En tant que parlementaire, j’exhorte le Parlement européen et vous en particulier, à jouer un rôle constructif dans ce processus.