Le procès dit de « Kobanê », dans lequel 108 personnes sont mises en cause, sert de prétexte à la procédure de fermeture lancée contre le HDP
Présence massive des forces de l'ordre dans la salle, lors de la première audience du procès dit de "Kobanê" dans le complexe pénitentiaire de Sincan à Ankara

Le procès dit de « Kobanê », dans lequel 108 personnes sont mises en cause, sert de prétexte à la procédure de fermeture lancée contre le HDP, dénoncent les représentants du parti.

Les porte-paroles pour les affaires étrangères du Parti démocratique des peuples (HDP), Feleknas Uca et Hişyar Özsoy, ont publié un communiqué sur l’état actuel du procès « Kobanê ». Les politicien(ne)s du HDP font remarquer que le procès en cours sert de préparation à une interdiction de leur parti et que les accusations portées ont déjà été réfutées par la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH).

« L’affaire Kobanê commencée en 2020 concerne 108 personnes, dont les anciens coprésidents du HDP, M. Selahattin Demirtaş et Mme Figen Yüksekdağ, l’actuelle coprésidente Mme Pervin Buldan, plusieurs députés et maires actuels et anciens du HDP, ainsi que toutes les personnes qui étaient membres du Bureau exécutif central du HDP en 2014. Cette procédure a été lancée par le gouvernement turc en réponse à l’arrêt de la Grande Chambre de la CourEDH enjoignant à la Turquie de libérer Selahattin Demirtas. L’acte d’accusation établi dans l’affaire Kobanê est essentiellement fondé sur un message Twitter posté par le HDP le 6 octobre 2014. Celui-ci appelait à des manifestations démocratiques en solidarité avec les habitants de Kobanê, une ville kurde du nord de la Syrie qui luttait alors contre une invasion de l’État islamique (EI), et pour dénoncer l’embargo de la Turquie sur la ville. Le procureur requiert pour toutes les personnes poursuivies des peines de prison à vie aggravées (sans possibilité de libération conditionnelle) pour « crimes contre l’unité de l’État et l’intégrité du pays » et « meurtres avec préméditation ». Dix-sept hommes et femmes politiques sont actuellement en détention dans le cadre de cette affaire.

L’affaire Kobanê est étroitement liée à l’affaire de clôture déposée contre le HDP, à laquelle elle sert de prétexte. Dans l’affaire de clôture, l’accusation est principalement basée sur le rôle et la responsabilité présumés du HDP dans les meurtres qui ont eu lieu lors des manifestations en soutien à Kobanê en 2014. Nous devons souligner que la Grande Chambre de la CourEDH a déjà examiné ces allégations dans l’affaire Selahattin Demirtaş et conclu que ni Demirtaş ni le HDP n’avaient de responsabilité dans les meurtres.

Le premier jour de l’audience, le tribunal était rempli d’agents des forces de l’ordre, même dans les sections réservées aux avocats. Alors que le procès était en cours, le président du tribunal a été démis de ses fonctions et assigné à résidence au motif qu’il était membre d’une organisation criminelle. À ce jour, le tribunal a pris de nombreuses mesures qui violent les droits de la défense et donc le droit à un procès équitable, telles que la poursuite des audiences par périodes de deux semaines sans interruption, des déclarations de témoins anonymes et la limitation de la durée de la défense à une journée pour les accusés et leurs avocats.

La 24ème audience du procès a eu lieu devant la 22ème chambre de la Cour criminelle d’Ankara le 14 avril. Lors de cette audience, alors que les auditions des personnes poursuivies n’étaient pas terminées, la cour a demandé au procureur de présenter ses réquisitions. En réaction, les personnes jugées ont quitté la salle d’audience avec leurs avocats. Le procureur a lu à haute voix le réquisitoire de 5 000 pages contre les accusés, ce qui a pris huit heures. Il a ignoré tous les éléments à décharge et requis des peines d’emprisonnement à vie aggravé pour tous les politiciens jugés, y compris les anciens coprésidents Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, en raison de leur implication présumée dans les manifestations de 2014. Il a demandé par ailleurs que des mandats de dépôt soient délivrés contre 12 des accusés et que les politiciens emprisonnés soient maintenus en prison. La prochaine audience est prévue le 3 juillet 2023 pour les plaidoiries des avocats de la défense.