Le Parquet général du Venezuela, dirigé par la procureure dissidente Luisa Ortega, tentait jeudi de freiner la mise en place de l’Assemblée constituante portée par le président Nicolas Maduro à la veille de son installation, durant laquelle une confrontation entre le pouvoir et l’opposition est attendue.

Le ministère public a demandé à la justice d’annuler l’installation de la Constituante contestée par l’opposition qui l’accuse d’être « illégitime ».

Les deux camps se préparaient à un nouveau bras de fer vendredi avec de nouvelles manifestations lors des débuts de cette assemblée.

Les services de la Procureur générale, ancienne proche du pouvoir devenue une de ses principales adversaires, ont annoncé sur Twitter que cette demande, faite par les deux procureurs chargés de l’enquête, « se base sur la commission présumée de délits durant le processus électoral » dimanche.

L’ouverture de cette enquête, annoncée mercredi soir, intervient après les révélations de l’entreprise britannique chargée des opérations de vote qui estime que la différence entre la participation réelle et celle annoncée par les autorités est « d’au moins un million de votes ».

« Nous savons, sans le moindre doute, que les chiffres de la participation à l’élection d’une Assemblée constituante nationale ont été manipulés », a déclaré Antonio Mugicala, le PDG de SmartMatic.

Mais l’initiative du parquet a peu de chances d’aboutir, ses précédentes initiatives ayant toutes été neutralisées par la Cour suprême (TSJ), accusé par l’opposition d’être inféodé au pouvoir.

‘Plomb dans l’aile’

Cette assemblée « naît avec du plomb dans l’aile. Mais peu importe pour Maduro, il veut seulement une Constituante à sa mesure », juge l’analyste Luis Salamanca.

L’Assemblée constituante se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du chef de l’Etat, et elle est installée pour un temps indéfini. Elle aura pour mission de réécrire la Constitution du Venezuela.

Son élection dimanche, entachée par des violences qui ont fait dix morts, a suscité un tollé international. Plus de 120 personnes ont été tuées en quatre mois de manifestations contre le président.

L’opposition continue à contester le principe même de ce « super pouvoir », les leaders antichavistes (du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013) évoquant son « illégitimité ».

« Pour défendre la Constitution contre la fraude, la mobilisation d’aujourd’hui (jeudi) aura lieu demain, 4 août », a écrit sur Twitter la coalition de l’opposition Table de l’unité démocratique (MUD), qui veut faire coïncider sa marche en direction du siège du Parlement avec le début des travaux de la Constituante.

« La lutte continue. La fraude que représente cette Constituante met le pays sur la voie d’une explosion sociale. Ce processus est nul. C’est le début de la fin » a déclaré Henrique Capriles, l’un des chefs de l’opposition.

Mercredi soir, Nicolas Maduro avait annoncé le report de 24 heures de la séance inaugurale de l’Assemblée, initialement prévue jeudi.

Cette séance sera « organisée dans la paix, dans la tranquillité et avec tout le protocole nécessaire vendredi prochain à 11 heures du matin » (15h00 GMT), a déclaré le dirigeant.

‘Ennemi international’

Selon les autorités, plus de 8 millions d’électeurs, soit 41,5% du corps électoral, ont participé à l’élection des membres de la Constituante. Soit un chiffre supérieur aux 7,6 millions de voix réunies par l’opposition le 16 juillet, lors d’un référendum contre le projet de Constituante.

Chaque camp conteste les chiffres de l’autre et les accusations de « manipulation » lancées par la société chargée des opérations de vote ont fait bondir les autorités.

« C’est une affirmation irresponsable basée sur des estimations sans fondement », s’est défendue la présidente de l’autorité électorale (CNE) Tibisay Lucena. Il s’agit d’une « réaction de l’ennemi international », le scrutin a été « transparent », a abondé M. Maduro.

L’opposition entend par ailleurs continuer de siéger au Parlement où elle est majoritaire. Concrètement, les deux assemblées doivent se réunir dans deux hémicycles distincts au sein du même bâtiment, séparés par une simple cour, faisant craindre de nouvelles tensions.

La Constituante, qui doit apporter la « paix » et permettre au Venezuela de se redresser économiquement, selon le chef de l’Etat, est rejetée par 72% des Vénézuéliens, d’après l’institut de sondages Datanalisis.

Les antichavistes ont boycotté le scrutin de dimanche en dénonçant sans relâche une « fraude » visant à prolonger le pouvoir de M. Maduro, dont le mandat s’achève en 2019.

Au bord de l’effondrement économique et 80% des Vénézuéliens désapprouvent la gestion du président, selon Datanalisis.

Enfin, la Constituante doit lancer ses travaux dans un contexte de tensions avec les Etats-Unis, renforcé par les nombreuses condamnations internationales après l’arrestation dans la nuit de lundi à mardi de deux des figures de l’opposition, Leopoldo Lopez et le maire de Caracas Antonio Ledezma.

Donald Trump a tenu « personnellement responsable » son homologue vénézuélien du traitement des deux opposants, condamnant « les actions de la dictature Maduro ».

Source : ROJINFO-AFP