Dans l’enceinte de la muraille historique de Diyarbakir, un musicien kurde fait vibrer et vivre le bilûr. Pour lui, cette flûte au son captivant exprime la passion, l’amour et l’histoire.

Traditionnellement connu comme la flûte du berger, le bilûr a traversé les siècles pour devenir de nos jours un instrument contemporain. 

Dans le cœur historique de la capitale kurde, un homme aveugle du nom de Ali Ucun fait résonner, au son de son bilûr, une culture et un art aussi anciens que la muraille antique qui entoure ce quartier appelé Sûr. 

Celui qu’on appelle Eliyê Querejdaxî en kurde, dit jouer du bilûr depuis 49 ans. Habillé du costume traditionnel et coiffé du keffieh local noir et blanc, il donne vie aux émotions. Femmes, hommes, jeunes et moins jeunes se rassemblent autour de lui pour écouter l’histoire contée à travers son instrument.

Eliyê Querejdaxî

Conscient de toucher profondément le cœur des gens avec le bilûr, Qerejdaxî est heureux de perpétuer cette culture musicale millénaire qu’il souhaite transmettre aux jeunes pour qu’elle ne disparaisse pas. « Pour apprendre, il faut avant tout comprendre et aimer le langage de cette musique », dit-il.

Qerejdaxî a perdu la vue en 1970, à la suite d’une maladie contractée à l’âge de 7 ans. Ses parents l’ont emmené chez nombre de médecins, mais n’ont pu le faire opérer, faute de moyens. « C’est très douloureux de ne pas voir, soupire-t-il, mais je ne perds pas l’espoir. Je verrai un jour, j’en suis sûr. »

Après avoir perdu la vue, Qerejdaxî s’est consacré au bilûr. Ayant été berger pendant des années, il a appris le bilûr par lui-même. « Je suis né dans le village de Şahdiyê, raconte-t-il. J’ai vécu dans le village jusqu’à l’âge de 45 ans. J’ai perdu la vue à cause de la maladie. Après avoir perdu la vue, mon meilleur ami est devenu le bilûr. J’ai travaillé comme berger dans de nombreuses régions d’Amed (Diyarbakir). Je jouais de la flûte à côté des moutons. Les animaux pâturaient mieux lorsque je jouais. C’était les beaux temps. Mais j’ai dû venir en ville pour certaines raisons. Je vis à Amed maintenant. Mais ces jours-là me manquent. »

Le cinquantenaire explique que le bilûr revêt une culture très ancienne : « Le bilûr porte en lui toutes les valeurs kurdes. Il faut apprendre cet art et l’enseigner. Le bilûr est le meilleur remède aux blessures. Il guérit tous les maux. Jadis, il n’y avait que le bilûr, et c’est à travers lui que les Kurdes vivaient leur art et leur culture ».

S’adressant aux artistes kurdes, Qerejdaxî dit ceci :  » Je lance un appel à tous les artistes kurdes contre le massacre culturel. Apprenez à vous connaître et à embrasser votre culture. »