Sibel Çapraz, coprésidente de la branche de l'IHD de Hakkari, dénonce la politique d’impunité dont bénéficient les forces militaires turques
Sibel Çapraz, coprésidente de la branche de l'IHD de Hakkari

Sibel Çapraz, coprésidente de la branche de l’IHD de Hakkari, dénonce la politique d’impunité dont bénéficient les forces militaires turques dans la province kurde et les violations continues des droits humains qui en résultent.

La province kurde de Hakkari est toujours soumise aux lois sur l’état d’urgence qui favorisent les arrestations arbitraires et la torture. Toutes les manifestations de rue, quelles qu’elle soient, sont bannies depuis 7 ans. Sibel Çapraz, coprésidente de la branche de Hakkari de l’Association des droits de l’Homme (IHD), fait état des violations permanentes des droits humains dans cette province située aux confins du Kurdistan, aux frontières avec l’Irak et l’Iran. « Les zones frontalières sont particulièrement exposées aux violations. Les personnes qui vivent de part et d’autre de ces frontières ont des liens de parenté qui ne sont toujours pas rompus. Elles sont de ce fait victimes des politiques de sécurité de l’État », explique Mme Çapraz.

Violations à la frontière

La défenseure des droits humains dénonce une politique d’impunité qui favorise les violations: « Les auteurs de crimes savent que rien ne leur arrivera. En outre, le fait que les personnes vivant aux frontières ont également droit à un espace de vie est ignoré. Qui sont les gens qui vivent le long de la frontière ? Ce sont des Kurdes. Auparavant, les autorités invoquaient la contrebande aux frontières pour justifier les mauvais traitements. Aujourd’hui, les gens qui passent les frontières en toute légalité sont confrontés au même traitement. Il doivent attendre des heures aux postes-frontières par des températures avoisinant les – 40 degrés. Les entrées et les sorties sont soumises à des contrôles drastiques. Les gens sont constamment confrontés à des restrictions et des limitations. »

Les coupables sont arrêtés puis relâchés

Mme Çapraz indique avoir reçu des plaintes concernant la surveillance constante de la maison de Pınar Yilmaz, l’épouse de Seferi Yılmaz, propriétaire de la librairie Umut bombardée en 2005 à Şemdinli, et également membre du conseil d’administration de l’IHD. « Cette situation – dit-elle – a suscité beaucoup de peur dans le quartier où vit la famille Yılmaz. Après que l’opinion publique ait été sensibilisée, le suspect a été arrêté par les habitants du quartier. Cet individu, qui se disait officier de l’armée, a été remis à la police par les habitants du quartier. Il a été relâché peu de temps après. »

Quelques violations des droits survenues ces dernières années dans la province de Hakkari

– En 2020, Şerali Dereli (61 ans), père de 9 enfants, habitant du village d’Avyan dans le district de Bajêrgan (Esendere), a été tué dans un incendie criminel provoqué par des militaires turcs. Cinq soldats arrêtés dans le cadre de l’enquête sur la mort de Dereli ont été libérés après interrogatoire.

– Misleh Qasimî, a perdu la vie le 31 octobre 2020 suite aux tirs des soldats turcs alors qu’il se rendait dans le village de Koranê à Urmiyê, de l’autre côté de la frontière avec l’Iran. Son frère Mislim Qasimî a été blessé. Les soldats n’ont jamais été poursuivis.

– Le 25 juillet 2023, quatre bergers, qui emmenaient leurs animaux paître dans le village de Bêruh à Rubarok (Derecik), ont été frappés, menacés et insultés par les soldats et ont été illégalement détenus. Ce sont les victimes qui ont été punies, et non les soldats turcs qui les ont torturés.

– L’opération militaire lancée le 25 juillet 2023 contre les plateaux de Topizava, Gîlêşîna, Xidrok et Sêraz a été considérée comme une justification. Les femmes ont été empêchées de se rendre sur le plateau pour traire leurs bêtes, et un berger a été torturé. Le berger nommé Murat Çarık a été emmené de force dans la zone où s’est déroulée l’opération.

– Des dizaines de jeunes ont été arrêtés lors de perquisitions dans des maisons dans le centre-ville de Yüksekova (Gever) le 29 mai 2023. La police des opérations spéciales turques a brisé les fenêtres et les portes des maisons lors des perquisitions et a torturé les personnes présentes pendant des heures. De nombreuses personnes ont été frappées par la police turque à coups de crosse, et rouées de coups de pied et de coups de poing, avant d’être placées en garde à vue.

– 20 personnes arrêtées à Yüksekova le 26 juin 2023 ont été emmenées dans la zone où une opération militaire était menée après avoir été soumises à la torture et à d’autres mauvais traitements. Les avocats Harika Günay Karataş et Fırat Ike, qui se sont rendus au commissariat de gendarmerie du district, ont été expulsés du commissariat de police par la gendarmerie qui a utilisé la violence physique à leur encontre.

– Le 7 juin 2023, un enfant de 5 ans nommé E. A. est décédé après avoir été heurté par un véhicule conduit par un officier de l’armée turque à Yüksekova. Le coupable a été relâché sous contrôle judiciaire.