L’ancien coprésident du HDP Selahattin Demirtas, qui est emprisonné en Turquie depuis novembre 2016, a été condamné à trois ans et six mois de prison pour avoir « insulté le président ».
Les faits concernent des critiques formulées par Selahattin Demirtas, alors coprésident du Parti démocratique des Peuples (HDP), à l’encontre du gouvernement turc après qu’un avion de chasse russe ai été abattu par l’aviation turque. L’appareil avait été abattu dans la zone frontalière syrienne le 24 novembre 2015. En conséquence, Moscou avait adopté de lourdes sanctions économiques contre Ankara, notamment une interdiction d’importation de produits turcs, des interdictions de travail et le boycott du tourisme. À l’époque, le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait d’abord refusé de présenter des excuses à la Russie.
Contexte des accusations
Le 23 décembre 2015, M. Demirtas s’etait rendu à Moscou avec une délégation du HDP pour s’entretenir avec le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. La réunion avait été planifiée bien à l’avance, et les sujets abordés comprenaient la lutte des Kurdes contre les djihadistes de l’État islamique (EI) en Syrie et en Irak. Demirtas avait qualifié d’erreur l’abattage de l’avion de chasse russe par l’armée turque. « Nous avons parlé ouvertement les uns avec les autres et condamné l’abattage du jet russe », avait déclaré l’ex-député du HDP après les entretiens avec Lavrov.
Le gouvernement du Premier ministre turc de l’époque, Ahmet Davutoglu, avait vivement critiqué le voyage de la délégation du HDP à Moscou. Il avait reproché à Demirtas de coopérer avec ceux qui posaient des problèmes à la Turquie et d’utiliser la « carte russe » pour faire avancer les intérêts des Kurdes en Turquie, comme en Syrie. « C’est de la trahison », avait déclaré Davutoglu.
À son arrivée à l’aéroport d’Ankara le 24 décembre 2015, l’homme politique kurde avait déclaré à la presse que le conflit qui s’est intensifié entre la Russie et la Turquie à la suite de l’abattage du jet était dû à la faute du gouvernement de l’AKP, accusant celui-ci d’avoir mis en danger les moyens de subsistance de millions de personnes. « Personne n’avale ce vieux mensonge de ‘trahison contre le pays’ », avait déclaré Demirtas. Et d’ajouter : « Cela ne vous permet pas de cacher vos erreurs. Avec de grands mots, vous cherchez à détourner l’attention pour dissimuler votre propre trahison, vos pillages dans ce pays. »
Jusqu’à 142 ans de prison
Selahattin Demirtas, avocat de profession, a dirigé l’Association des Droits de l’Homme (IHD) à Amed (Diyarbakir) pendant de nombreuses années, avant de s’engager activement dans la vie politique. Arrêté le 4 novembre 2016, en même temps que neuf autres députés du HDP, dont l’ancienne coprésidente du HDP Figen Yüksekdağ, il est détenu depuis. Dans le procès principal à son encontre, il est accusé d’avoir fondé et dirigé une organisation terroriste, d’avoir fait de la propagande terroriste et d’avoir incité le peuple à la haine. L’acte d’accusation s’appuie sur 31 rapports d’enquête soumis au parlement turc en vue d’une levée de son immunité parlementaire alors qu’il était député. Demirtas encourt jusqu’à 142 ans de prison.