Depuis deux ans, le bureau juridique Asrin n’a aucune nouvelle de ses clients, le leader kurde Abdullah Öcalan et trois autres prisonniers politiques kurdes détenus sur l’île-prison d’Imrali. Le groupe d’avocats appelle instamment la Turquie à mettre en oeuvre les recommandations du comité des droits de l’homme des Nations Unies.
Le bureau juridique Asrin a publié une déclaration concernant l’isolement total imposé dans la prison de l’île d’Imrali au leader kurde Abdullah Öcalan et à ses codétenus, Ömer Hayri Konar, Hamili Yıldırım et Veysi Aktaş, dont on n’a plus de nouvelles depuis exactement deux ans.
Le bureau juridique Asrın précise que la dernière communication du leader kurde avec le monde extérieur remonte au 25 mars 2021. Il avait alors parlé avec son frère pendant quelques minutes, avant que l’appel ne soit interrompu. Depuis, malgré toutes les démarches administratives et juridiques des familles et des avocats, aucune information n’a pu être obtenue concernant la situation des quatre prisonniers d’Imrali.
« N’ayant pas pu rendre visite aux prisonniers ni communiquer avec eux de quelque manière que ce soit, déclarent les avocats, nous n’avons aucune information sur leur état de santé, leurs conditions de détention et leur statut juridique. Au cours des deux dernières années, nous avons envoyé 274 demandes de visites d’avocats et 118 demandes de visites familiales au bureau du procureur général de Bursa et à la direction de la prison de l’île d’Imralı. Cependant, nous n’avons reçu aucune réponse. Toutes les requêtes judiciaires et administratives déposées auprès de la Cour constitutionnelle contre la violation des droits des prisonniers se sont également heurtées à des fins de non-recevoir. En permettant aux autorités de poursuivre l’isolement carcéral au lieu de protéger les droits de nos clients et de mettre fin aux pratiques illégales, les organes judiciaires ont une fois de plus montré qu’ils constituent un autre pilier de ce traitement inhumain. »
Et le communiqué de poursuivre: « Le fait que nous n’ayons reçu aucune nouvelle de M. Öcalan et de nos autres clients n’est justifié par aucun règlement ni loi. Le fait d’être totalement coupé du monde extérieur et de la société, d’être privé de protection juridique et d’être maintenu dans des conditions incontrôlées, incertaines et imprévisibles est une pratique inhumaine qui équivaut à de la torture. C’est pourquoi nous avons saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une demande de mesures visant à mettre fin à l’état d’absence totale de communication (détention au secret) à Imrali. Le Comité a accepté la demande de mesures urgentes et, en septembre 2022, il a exigé du gouvernement turc qu’il mette fin à la détention au secret et que les requérants aient un accès immédiat et sans restriction à un avocat de leur choix. Cette décision n’ayant pas été respectée, la demande urgente a été rappelée au gouvernement en janvier 2023. Bien que la procédure concernant le bien-fondé de la requête soit toujours en cours, il ressort de la décision d’injonction que les conditions de détention à Imrali sont contraires à l’interdiction de la torture et qu’il doit y être mis fin immédiatement.
Cependant, l’État turc n’a pas reconnu la décision d’injonction du Comité des droits de l’homme des Nations unies, n’a pas pris les mesures appropriées, n’a pas levé les obstacles aux visites des avocats et des familles et a maintenu l’état d’isolement absolu. Plus les décisions internationales concernant l’isolement d’Öcalan sont importantes, plus le non-respect de ces décisions par l’État est illégal et politique. Les politiques de l’État à Imrali affectent la Turquie et la politique au Moyen-Orient. La mise en œuvre de politiques sécuritaires au lieu de politiques pacifiques et démocratiques entraîne la polarisation, la crise et le chaos dans tous les domaines. Bien entendu, cette situation est étroitement liée à la question kurde, qui a des dimensions régionales et mondiales, et au refus de la résoudre. Plus l’impasse s’aggrave, plus l’état d’isolement absolu s’accentue. Tant que le système d’isolement absolu est maintenu, il ne peut y avoir ni résolution de la question kurde, ni démocratisation du pays.
La déclaration ajoute : « En bref, l’existence de l’isolement d’Imrali signifie le déni du droit et de la démocratie en Turquie. Cela crée évidemment un effet domino qui porte atteinte aux valeurs matérielles et spirituelles de la société, ainsi qu’à l’ensemble de la vie sociale et politique.
Pour faire de ce pays et de cette région des espaces vivables, la question kurde doit être résolue et le système d’isolement doit être enterré dans l’histoire. Prendre la démocratie et le droit universel proposés par M. Öcalan comme cadre politique de base est la seule façon de sortir de cette crise.
Nous tenons à souligner une nouvelle fois que, malgré les décisions internationales, nous n’avons reçu aucune information sur l’état de santé et, en général, sur les conditions de détention de nos clients depuis deux ans, ce qui nous préoccupe beaucoup. Ces préoccupations doivent être prises en compte immédiatement. Les mesures préventives recommandées par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies doivent être mises en œuvre immédiatement. Et il est nécessaire de s’assurer que nos clients jouissent de tous les droits découlant des conventions et traités internationaux. il faut s’assurer que tous les droits de nos clients découlant des accords juridiques et internationaux, en particulier le droit aux visites des avocats. Forts de cette prise de conscience et de ces attentes, nous invitons le public démocratique à aborder cette question avec sensibilité. »