Arrêtés à Afrin et jugés en Turquie, des prisonniers kurdes racontent la torture et l’arbitraire
Photo des prisonniers kurdes d'Afrin lors de leur remise à la Turquie

Arrêtés dans la région occupée d’Afrin par des factions de l’ANS, avant d’être déportés en Turquie où ils ont été jugés et condamnés à la prison, des Kurdes syriens ont raconté à leurs avocats les mauvais traitements subis pendant la détention.

Après l’invasion d’Afrin par la Turquie en janvier 2018, onze civils kurdes ont été arrêtés par des factions de l’Armée nationale syrienne (ANS, un rassemblement de groupes djihadistes créé par Ankara pour appuyer les opérations turques dans le nord de la Syrie). Deux d’entre eux, İdris Mustafa et Mesud Mecid Kilkavi, ont par la suite été incarcérés en Turquie, dans la ville de Hatay, frontalière d’Afrin. Lors d’une récente rencontre avec leurs avocats, ils ont raconté à ceux-ci les conditions dans lesquelles ils avaient été détenus par les mercenaires de l’ANS. Sur la base des récits des deux prisonniers kurdes, les avocats ont publié un rapport dont les détails ont été partagés par l’agence de presse Mezopotamya (MA).

Selon le rapport, les deux hommes arrêtés au moment où l’armée turque et ses supplétifs djihadistes sont entrés dans Afrin, ont été maintenus en détention pendant 12 jours au cours desquels ils ont été soumis à la torture et forcés d’avouer leur appartenance aux Unités de Protection du Peuple (YPG).

Les prisonniers ont tous deux déclaré que les membres de l’ANS avaient menacé de violer les femmes de leur famille. Depuis qu’il est détenu, Idris Mustafa n’a pu voir aucun membre de sa famille, y compris son épouse, et n’a eu aucun contact avec eux, ni par téléphone, ni par courrier. Mustafa a raconté comment, pendant son séjour en détention, il a été suspendu au mur pendant des heures. Après 12 jours de torture et de menaces incessantes, Mustafa et les autres personnes arrêtées ont été remis aux soldats turcs, qui leur ont fait signer des documents en turc sans que les intéressés en comprennent un mot.

Après un procès qui a duré un an et trois mois, Mustafa a été condamné à trois peines de prison à vie. Il a confié à ses avocats que si ces condamnations étaient confirmées par la cour de cassation, il mettrait fin à ses jours.

Comme Mustafa, Mesud Mecid Kılkavi, également marié et père de deux enfants, n’a pas eu de contact avec le monde extérieur depuis qu’il est détenu en Turquie.

Kılkavi raconte qu’après avoir signé les documents en turc, le groupe de prisonniers kurdes a comparu devant un procureur turc. « Quoi que le procureur vous dise, dites oui, sinon vous serez remis aux membres de l’ANS ». Tels étaient les mots du traducteur qui leur avait été fourni par l’État turc.

Cependant, Kılkavi a rejeté toutes les accusations énumérées par le procureur. Au bout d’un an et trois mois, il a été condamné à une triple peine de prison à vie.

Les grands médias turcs contrôlés par le gouvernement ont parlé d’une « opération spéciale » lorsque onze civils ont été enlevés à Afrin par les mercenaires de l’ANS le 3 septembre 2018.

Ces onze personnes ont été ensuite remises aux services de renseignement turcs (MIT) et déportées en Turquie où elles ont été jugées et condamnées par la cour criminelle de Hatay pour « atteinte à l’unité et l’intégrité territoriale de la Turquie », « homicide » et « appartenance à une organisation terroriste ». Sept ont été condamnées à trois peines de prison à vie aggravées pour tous les chefs d’accusation, tandis que les quatre autres ont écopé de 12 ans de prison pour « appartenance à une organisation terroriste ».