Miraç Miroğlu, 7 ans, est mort le 3 septembre dernier, percuté par un véhicule blindé, dans la province kurde de Sirnak

Selon la députée HDP de Sirnak, Nuran İmir, le décès du petit Miraç Miroğlu, mort après avoir été heurté par un véhicule blindé, reflète l’hostilité de l’État envers les Kurdes.

Miraç Miroğlu, 7 ans, a été tué le 3 septembre dernier, percuté par un véhicule blindé des forces de sécurité turques, alors qu’il faisait du vélo devant sa maison, à İdil, dans la province kurde de Sirnak. Cet incident qui n’est pas isolé illustre le concept sécuritaire meurtrier mis en œuvre par le régime turc dans les régions kurdes.

Depuis 2008, plus de 40 personnes, dont 20 enfants, ont été tuées par des véhicules blindés dans le Nord-Kurdistan, sans qu’aucun responsable n’ait été puni, la justice turque ayant estimé qu’il s’agissait d’ « accidents ». Le policier responsable de la mort du petit Miraç devrait également bénéficier de cette impunité systématique : entendu par le parquet d’Idil, il a été libéré trois jours après l’incident.

Dans un entretien accordé à l’agence de presse kurde Firat News (ANF), Nuran Imir, députée HDP (Parti démocratique des Peuples) de Sirnak, a souligné que ces incidents mortels étaient le reflet de la stratégie sécuritaire mise en œuvre dans la région par le gouvernement islamo-nationaliste turc. « Dans les provinces du Kurdistan, les rues sont devenues des pistes militaires ; les panzers et les véhicules militaires y apportent la mort toutes les trois minutes », a-t-elle déclaré, dénonçant un « concept sécuritaire » étendu à tous les espaces de vie à Sirnak. « Tous les quartiers de la ville, a-t-elle ajouté, sont maintenant équipés de postes de police, de fortifications et de caméras de surveillance ».

Selon la députée kurde, cette situation n’est pas propre à Sirnak, mais une politique de pression particulière est appliquée à cette province : « Nous ne pouvons pas parcourir une route de 100 kilomètres en moins de trois heures. Alors qu’il n’y a toujours pas d’obstétricien à l’hôpital d’İdil, l’État investit l’argent des contribuables dans la guerre. »

« Au moins trois agents de sécurité pour deux habitants »

Rappelant que les véhicules blindés avaient causé la mort de nombreux enfants à Sirnak, İmir a cité de nombreux cas, notamment Diren Basan (10 ans), Sinan Saltalp (17 ans), Bünyamin Bayram (6 ans), les frères Muhammed et Furkan Yıldırım, Hakan Sarak (5 ans), Okan İnce, Bahadır Beyazlıoğlu et Ali Ölmez (15 ans). Bien que la conduite des véhicules blindés nécessite une formation particulière, ils sont utilisés par des agents qui n’ont pas passé les examens requis, a-t-elle indiqué. Et de poursuivre : « On ne tient pas compte de la vie des gens. Le crime est considéré comme légitime. Il y a ici un comportement dicté par une mentalité coloniale. Si ce n’était pas le cas, les policiers ne seraient pas constamment en train de patrouiller à chaque coin de rue avec des véhicules blindés. Les forces de sécurité sont omniprésentes ; il y a au moins trois agents de sécurité pour deux habitants. Ils sont postés dans toute la ville. »

Des réactions limitées à quelques tweets

« On ne peut attendre d’un gouvernement qui ne tolère ni l’identité, ni les choix politiques de la population kurde, et qui prend ses représentants politiques en otage, une approche différente envers les enfants », a déclaré Mme Imir. Notant que le policier responsable de la mort du jeune Miraç avait été libéré par le parquet, la députée s’est indignée du peu de réactions suscité par cet événement.

« Si des faits similaires s’étaient produits dans une métropole turque, ils auraient provoqué un tollé. Alors pourquoi ce silence quand il s’agit d’une ville kurde, d’enfants kurdes ? », a interrogé Mme Imir. « Où est le respect du droit à la vie alors ? Où est le respect pour les morts ? Il faut examiner cette question. Oui, le gouvernement est le principal responsable. Du système judiciaire aux forces de l’ordre, il existe au Kurdistan une attitude qui autorise l’hostilité et la haine envers tous les êtres vivants. Cette approche est inacceptable pour nous. Le premier devoir de l’État et du gouvernement est de protéger le droit à la vie, d’en créer les bases. C’est l’absence de réaction sociale qui permet à l’État et au gouvernement d’agir contrairement à ce principe. Les réactions ne sont pas allées au-delà de quelques tweets. Nos enfants sont tués en pleine rue, écrasés sous des véhicules blindés tous les jours, voire écrasé par des panzers la nuit, dans leur maison. Nous parlons d’une population de 83 millions de personnes. Parmi elles, certaines respectent le droit à la vie, certaines paient un lourd tribut à cette cause. Alors pourquoi sont-elles si peu réceptives à ce qui se passe au Kurdistan ? On ne peut se contenter de critiquer cet événement avec un simple tweet ; c’est une situation qui devrait susciter l’indignation. C’est la vie d’un enfant qui est en cause. »

L’impunité encourage les crimes

Notant que la politique d’impunité encourage les attaques tous azimuts contre les Kurdes, Mme Imir a rappelé que des harcèlements et des viols avaient été commis par des agents de sécurité dans de nombreuses villes, mais que les coupables avaient toujours été récompensés par l’impunité. « Au lieu de punir, ils tentent de dissimuler les faits », a-t-elle dit, ajoutant : « Le gouverneur de Şırnak a dit à la famille de Miraç que le véhicule qui avait percuté leur enfant roulait lentement. Alors, comment le gamin a-t-il pu fait un bond de 11 mètres avant de s’effondrer au sol ? Comment expliquer que son vélo ait été scindé en plusieurs morceaux ? Faire croire à un accident est aussi terrifiant qu’un meurtre. Si la justice avait fait son devoir, Eyüp ne serait pas mort à Bitlis, et Miraç ne serait pas mort à Sirnak »

La députée a souligné que ces actes étaient une manifestation de l’inimitié des autorités envers les kurdes : « Alors qu’il était premier ministre, Erdogan a déclaré : ‘Tout ce qui est nécessaire sera fait, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un enfant’. C’est une expression claire de la pratique qui a cours jusqu’à présent. Nous ne l’accepterons jamais. Les Kurdes n’ont plus de tribut à payer. Les Kurdes n’ont ni enfant ni personne à sacrifier pour la guerre. Les autorités ne parviendront à rien par les politiques d’hostilité et d’inimitié. L’officier qui a tué Miraç doit être licencié et arrêté immédiatement. Il faut mettre fin à la politique d’impunité. Nos villes ne sont pas des pistes militaires. Ces véhicules blindés qui propagent la mort doivent être retirés de nos rues ! »