Mardi, les locaux de la maison d’édition Mésopotamia et de la société de production musicale Mîr Multimedia situés en Rhénanie du Nord-Westphalie et Basse-Saxe, ont été perquisitionnés et fermés par la police, en application d’une interdiction décrétée à l’encontre de ces deux établissements par le ministre de l’intérieur allemand.

La décision d’interdiction édictée mardi matin est justifiée par les liens que ces deux sociétés auraient avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Aussitôt la décision publiée, la police allemande a perquisitionné les locaux des deux établissements dans la matinée de mardi.

Mesopotamia et Mir Multimedia avaient déjà fait l’objet le 8 mars 2018 de perquisitions qui avaient duré trois jours. Des milliers de livres, de CD et d’archives de chansons avaient été saisis, dont de nombreux matériels linguistiques et pédagogiques en kurde et allemand.

En interdisant ces deux structures qui jouent un rôle important dans la promotion de la langue et de la culture kurde en Europe, le ministre de l’intérieur Horst Seehofer fait encore une faveur au Président turc Recep Tayyip Erdogan, ce dernier accusant régulièrement Berlin de ne pas agir pour réprimer ses opposants, en particulier le PKK.

A cet égard, le ministère de l’intérieur se targue d’ailleurs d’avoir engagé des milliers de procédures contre le PKK et des poursuites contre plus de 90 personnes depuis 1992 et d’avoir interdit « plus de 50 groupes liés au PKK ».

Motif de l’interdiction : « Le PKK est toujours actif »

Sur le site officiel du ministère de l’Intérieur, Seehofer indique que Mesopotamia Publishing et Mir Music sont des « institutions annexes » du PKK, interdit en Allemagne depuis 1993. « Malgré l’interdiction prononcée en 1993, le PKK est toujours actif en Allemagne, ce qui explique pourquoi les institutions annexes doivent être interdites », dit le Ministre qui accuse par ailleurs les sociétés visées d’envoyer les recettes des livres et des CD au PKK. L’interdiction contre ces deux structures qui éditent chaque année des dizaines de livres et d’œuvres musicales en kurde est édictée juste avant le début de la Conférence de Munich sur la sécurité, à laquelle participeront des responsables turcs.

« Seehofer marche sur les traces du despote turc Erdogan »

La plus grande organisation kurde en Allemagne NAV-DEM a fermement condamné les mesures d’interdiction prises à l’encontre des ces deux établissements. Son Coprésident Tahir Koçer a accusé l’Allemagne de tenter d’annihiler la culture kurde. « L’Etat turc essaye depuis des décennies d’annihiler l’identité et la culture kurdes, a déclaré M. Kocer. Avec son interdiction, le gouvernement allemand reproduit ces politiques inhumaines sur le sol allemand. »

Par ailleurs, le Parti allemand de gauche Die Linke a immédiatement réagi en qualifiant ces mesures d’interdiction de censure. “Seehofer marche sur les traces du despote turc Erdogan. L’interdiction de la maison d’édition kurde mezopotamia à Neuss ressemble aux actions des autorités turques qui, avec des motifs similaires, ont réduit au silence les journaux, les éditeurs et les écoles en langue kurde“, a déclaré la porte-parole nationale du groupe parlementaire Die Linke, Ulla Jelpke. Et d’ajouter : “L’interdiction est un acte de censure de l’Etat. Tandis que le gouvernement allemand alimente la guerre contre les Kurdes en fournissant des armes à la Turquie, il tente également de supprimer des informations justes sur la lutte de libération kurde. Des tonnes de livres de langue, de livres pour enfants en langue kurde et de livres sur l’histoire du Kurdistan ont été saisis. Cela porte atteinte au droit d’un million de citoyens kurdes nés en Allemagne de cultiver leur langue, leur culture et leur histoire, ce qui est totalement inadmissible ». En conclusion, la porte-parole de Die Linke a appelé les autorités allemandes à lever « l’interdiction anachronique » du PKK.