Une manifestation organisée à La Haye pour dénoncer les crimes de guerre commis par la Turquie a été violemment attaquée par la police
Dans la manifestation organisée à la Haye mardi 1er novembre, les participants portent des photos des combattants kurdes tués par les armes chimiques utilisées par la Turquie

Une manifestation organisée à La Haye pour dénoncer le silence des organisations internationales concernant les crimes de guerre commis par la Turquie au Kurdistan a été violemment attaquée par la police néerlandaise. Les associations kurdes exigent des excuses.

Dans le cadre de la semaine d’action #WeSeeYourCrimes, plus d’un millier de personnes ont manifesté hier, mardi 1er novembre, à La Haye, aux Pays-Bas, où se trouve le siège de l’Organisation pour l’Interdiction des Armes chimiques (OIAC), pour dénoncer l’utilisation d’armes chimiques par l’armée turque contre la guérilla au Sud-Kurdistan (nord de l’Irak) et protester contre le silence des organisations internationales face à ces crimes de guerre. Plusieurs organisations et associations de la diaspora kurde avaient appelé à cette manifestation.

Depuis le 17 avril 2022, début d’une nouvelle opération lancée par Ankara contre la guérilla du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), l’aviation turque bombarde sans cesse les zones rurales du Sud-Kurdistan. Des milliers d’obus d’artillerie se sont abattus sur la région, accompagnés d’opérations terrestres et d’incendies de forêts. Les produits chimiques constituent toutefois la principale arme de la Turquie. Selon les Forces de Défense du Peuple (HPG, branche armée du PKK), la Turquie a utilisé à 2.470 reprises des agents chimiques interdits au cours des six derniers mois, contre 367 fois en 2021. Depuis avril dernier, au moins 89 guérilleros ont été tués dans ces attaques chimiques.

Appel à l’envoi d’une délégation internationale pour enquêter sur l’usage d’armes chimiques par la Turquie

Les manifestants réunis à La Haye mardi demandaient la fin de la guerre d’agression ainsi que la mise en place d’une délégation internationale indépendante chargée d’enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques par la Turquie. Ils réclamaient par ailleurs des sanctions contre la Turquie pour crimes de guerre.

Portant des banderoles et des photos des guérilléros tués par des armes chimiques, les manifestants ont rendu hommage aux 17 combattants de la guérilla tués récemment lors d’une attaque au gaz toxique par l’armée turque.

30 blessés et 12 arrestations

Peu avant d’atteindre le lieu du rassemblement, les manifestants ont été brutalement attaqués par  des policiers à cheval accompagnés de chiens, au prétexte qu’il y aurait eu une attaque contre le consulat turc à proximité duquel passait le parcours de la manifestation. Au total, 30 militants ont été blessés, dont deux grièvement. Selon le dernier bilan, douze personnes ont été placées en garde à vue.

Une manifestante a raconté le déroulement des événement à l’agence de presse Firat News (ANF): « Notre manifestation était vraiment bien, bruyante et puissante, mais pacifique. Juste avant que nous nous engagions dans la prairie où devait avoir lieu le rassemblement final, la police a soudainement chargé sur nous. Ils nous ont attaqués avec des chevaux et des chiens. Les chevaux étaient énormes. Ils vous piétinaient si vous ne pouviez pas vous écarter du chemin. Les gens tombaient sans cesse devant les chevaux, mais les policiers n’arrêtaient pas les chevaux pour autant, ils passaient simplement par-dessus les gens. Ce faisant, ils ont frappé les gens avec des matraques du haut de leur monture. Certains ont paniqué, moi aussi, car nous étions de plus en plus serrés. J’ai vu un homme qui saignait abondamment à la tête. Un autre est tombé dans la rivière. Par chance, il a été sauvé par nos amis. Plusieurs ambulances sont arrivées. La police a menacé à plusieurs reprises de lâcher les chiens sur nous. Puis ils ont commencé à extraire des personnes de la foule. Cela a continué jusqu’à ce que nous finissions par nous disperser. Après la fin de la manifestation, les policiers sont venus jusque dans les bus pour arrêter des personnes.

« Nous attendons des excuses »

Dans une déclaration commune, le Mouvement des Femmes kurdes en Europe (TJK-E) et la Confédération européenne des Associations kurdes (KCDK-E) ont condamné les violences policières contre la manifestation et exigé des excuses du gouvernement néerlandais.

Dans la déclaration publiée hier soir, on peut lire : « La manifestation, qui a suscité un grand intérêt de la part des médias, a été attaquée sans ménagement. Lors de cette attaque violente, d’un niveau qui n’a rien à envier à la police d’Erdogan, une trentaine de manifestants ont été blessés, dont dix sérieusement et deux grièvement. Douze manifestants ont été arrêtés par ailleurs.

La manifestation était dirigée contre l’inaction et le silence de l’OIAC qui, malgré de nombreuses preuves, joue les trois singes et assiste à l’assassinat de combattants de la liberté par des armes chimiques. Les manifestants, qui exerçaient leur droit démocratique en protestant contre l’attitude de l’OIAC, de l’UE et de l’ONU, ont été brutalement attaqués par la police néerlandaise, d’une manière qui n’est pas sans rappeler celle de la police turque.

Nous condamnons fermement cette attaque. Nous condamnons le gouvernement et la police néerlandaise pour leur réaction violente à une manifestation organisée sur une base totalement pacifique. Nous attendons du gouvernement néerlandais et de la police qu’ils présentent leurs excuses à la population kurde et aux manifestants pour cette attaque.

La manifestation a été couverte par presque tous les médias néerlandais et la violence policière a été perçue et critiquée avec étonnement. En tant que KCDK-E et TJK-E, nous remercions toutes les personnes qui ont participé à la manifestation pour protester contre le silence de l’OIAC et de ses États membres. Nous poursuivrons notre lutte contre cette injustice, contre les attaques et le silence sur le génocide du peuple kurde et nous continuerons à utiliser avec détermination notre droit de manifester dans la rue. »