Jeudi 13 juin, le Ministre français des affaires étrangères Jean-Yves le Drian a fait un déplacement en Turquie afin d’y rencontrer son homologue turc Mevlüt Çavuşoğlu. La veille de ce déplacement, des arrêtés de gel de fonds étaient édictés contre des militants kurdes. Dans un communiqué, le Conseil démocratique kurde en France reproche au gouvernement français d’adopter une position qui encourage les assassinats politiques de militants kurdes sur son sol.
Un communiqué publié peu avant le déplacement, sur le site internet du Quai d’Orsay indiquait que les deux ministres allaient s’entretenir « des crises internationales et régionales », ainsi que des relations entre la Turquie et l’Union européenne et des « différents volets de la coopération bilatérale : politiques, économiques, culturels et éducatifs avec un accent spécifique sur les questions de sécurité et de défense, en particulier dans le domaine de la lutte anti-terroriste ».
Ce dernier point n’a pas manqué de susciter une certaine inquiétude au sein de la diaspora kurde en France qui sait, d’expérience, que les militants kurdes habitant sur le sol français font systématiquement les frais des rapprochements entre Paris et Ankara, d’autant plus quand il est question de coopération sécuritaire.
Il n’a pas fallu longtemps pour constater que ces craintes étaient fondées. Les jour-même de la visite du chef de la diplomatie française en Turquie, plusieurs personnes ont eu la désagréable surprise d’apprendre que leur compte bancaire était bloqué en application de mesures administratives fraîchement prises la veille. En effet, des arrêtés ministériels datés du 12 juin 2019 édictaient des mesures de gel de fond concernant plusieurs activistes associatifs kurdes, dans le cadre de la réglementation relative à la lutte contre le financement du terrorisme.
Au cours de la conférence de presse donnée le 13 janvier à Ankara avec son homologue français, le chef de la diplomatie turque s’est d’ailleurs félicité de ces mesures prises par la France : « Nous encourageons les démarches entreprises par la France concernant le gel des avoirs de certains membres du PKK et individus soutenant le PKK », a-t-il déclaré, avant d’ajouter qu’il déplorait toutefois « la coopération étroite de la France avec les YPG ».
« M. Jean-Yves Le Drian veut-il donc d’autres assassinats politiques de militants kurdes sur le sol français ? », s’interroge le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) dans un communiqué publié aujourd’hui, 17 juin, sur son site internet, s’indignant de ces sanctions administratives qui toucheraient plusieurs de ses membres et dirigeants. « Il n’y a pas de doute qu’une fois de plus, Paris a négocié avec Ankara de gros contrats sur le dos des militants kurdes réfugiés en France », déclare la principale organisation représentant la diaspora kurde en France, reprochant au gouvernement français d’être sous l’emprise du « lobby fasciste turc » et de poursuivre à l’encontre des Kurdes la « politique désastreuse » menée entre 2006 et 2013, qui a conduit, selon elle, à « l’assassinat, le 9 janvier 2013, de trois militantes kurdes exécutées par le MIT [services de renseignement turcs], en plein cœur de Paris ».
Craignant que les mesures en question n’encouragent les activités des « escadrons de la mort du MIT implantés en France », le CDK-F appelle le gouvernement français à revoir sa politique vis-à-vis des Kurdes et à abroger les arrêtés pris le 12 juin contre ses membres.