Après s’être retirée de la Convention d'Istanbul sur la protection des femmes contre la violence, par décret présidentiel entré en vigueur le 1er juillet, la Turquie porte un nouveau coup aux droits des femmes et des enfants avec le vote du 4e paquet législatif. Selon le paragraphe 13 de la nouvelle loi votée par les députés de la majorité gouvernementale islamo-nationaliste, une "forte suspicion" ne suffit plus pour placer en détention provisoire l'auteur présumé de violences sexuelles. Il faut en plus des "preuves concrètes".
Parlement de Turquie

Le très controversé 4e paquet de lois a été ratifié par le Parlement de Turquie. Le paquet comprend notamment un paragraphe selon lequel une « forte suspicion » n’est plus suffisante pour l’incarcération des délinquants sexuels présumés. 

Après s’être retirée de la Convention d’Istanbul sur la protection des femmes contre la violence, par décret présidentiel entré en vigueur le 1er juillet, la Turquie porte un nouveau coup aux droits des femmes et des enfants avec le vote du 4e paquet législatif. Selon le paragraphe 13 de la nouvelle loi votée par les députés de la majorité gouvernementale islamo-nationaliste, une « forte suspicion » ne suffit plus pour placer en détention provisoire l’auteur présumé de violences sexuelles. Il faut en plus des « preuves concrètes ». 

Ce point du paquet législatif en particulier a suscité de vives critiques. La députée HDP (Parti démocratique des Peuples) Dilşat Canbaz Kaya a mis en garde : « L’affaire dite d’Elmali où deux enfants ont été victimes de violences sexuelles et l’affaire de maltraitance d’un bébé de deux ans à Uşak montrent une fois de plus l’ampleur de la maltraitance des enfants en Turquie et son caractère incendiaire. Comme le montrent les exemples de Pozantı [nom d’une prison d’Adana où des mineurs emprisonnés ont été victimes en 2012 d’une série d’abus sexuels commis par les gardiens] et de la Fondation Ensar, la maltraitance des enfants se produit dans les institutions publiques et dans certaines associations et fondations soutenues par le gouvernement. Une grande majorité des auteurs restent impunis. » Le HDP et le Parti républicain du Peuple (CHP) ont voté contre le projet de loi.

La loi revient à protéger les auteurs de violences

Dans les cas d’abus sexuels sur des enfants, il est souvent très difficile d’apporter des « preuves concrètes » au-delà des témoignages. Les experts craignent que le seuil d’inhibition concernant ces infractions ne continue de baisser à cause de la loi. Comme les auteurs de violences sexuelles sont généralement issus de la famille immédiate ou de l’environnement institutionnel des victimes, cette loi leur permettrait par ailleurs de renforcer la pression et de dissimuler leurs actes.

La violence sexuelle est systématiquement légitimée par le régime

Les violences sexuelles se sont multipliées sous le régime du président turc Recep Tayyip Erdogan. La cause de ce phénomène réside, entre autres, dans les discours de légitimation du côté des autorités. Pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement a réintroduit le débat sur un projet de loi qui prévoit l’impunité pour les auteurs de violences sexuelles dans le cas où les victimes mineures acceptent de se marier avec eux. Cette loi, connue sous le nom d' »amnistie des abus », tient à cœur au gouvernement, qui avait déjà essayé de la faire passer à deux reprises, en 2016 et en 2020.