Le 28 novembre 2015, Tahir Elçi, avocat et président du barreau de Diyarbakır, qui a consacré sa vie à défendre des victimes contre la violence et les abus de la répression de l’État turc, a été assassiné à Diyarbakir.
Originaire de la ville kurde de Cizre et diplomé de la faculté de droit de l’université de Dicle, à Diyarbakir, Tahir Elçi a exercé sa fonction d’avocat indépendant à Diyarbakir à partir de 1992
Entre 1998 et 2006, il a été directeur au sein du Barreau de Diyarbakir. Pendant cette période, il a étudié le droit pénal international et les procédures pénales à l’Académie de droit européen en Allemagne et a participé à de nombreuses conférences nationales et internationales en tant qu’orateur.
Il a représenté des personnes dans de nombreux procès nationaux et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il a été membre de l’Union des Barreaux de Turquie (TBB), du conseil consultatif du Centre des droits de l’Homme pour la science, du comité fondateur de la Fondation des droits de l’Homme de Turquie (TIHV) et a participé à la création et au fonctionnement de plusieurs organisations de la société civile. Élu président du Barreau de Diyarbakir en 2012, il a continué à exercer ses fonctions jusqu’au 28 novembre 2015, jour où il a été assassiné.
28 novembre 2015 : Un meurtre planifié
L’éminent avocat kurde des droits de l’Homme, a été tué par balle lors d’une conférence de presse dans la ville de Diyarbakır. Il était 10h53 quand Elçi a été abattu d’une balle dans la nuque devant le monument historique de la ville, le Minaret à quatre pieds.
Lors de la conférence de presse, M. Elçi avait lancé un appel au calme dans la ville, au milieu d’une récente vague de violence. Les semaines et les mois qui ont suivi sa mort ont cependant vu une escalade du conflit qui a entraîné la destruction quasi-totale du centre historique de Sur à Diyarbakir, une résistance historique, la mort de centaines de civils et le déplacement de milliers d’autres.
A la suite d’une enquête superficielle menée par le procureur de Diyarbakir, les policiers ayant dégainé leurs armes n’ont pas été poursuivis en tant que suspects, mais seulement en tant que témoins.
Ahmet Şık, un journaliste d’investigation précédemment emprisonné par le gouvernement turc et actuellement député au sein de l’Assemblée nationale de Turquie pour Istanbul, avait écrit sur Twitter : « Ils ont choisi d’assassiner Tahir Elçi, au lieu de l’arrêter ».
Rapport de l’université de Londres : La police a tiré sur Elçi
Plus tard en 2016, le Barreau de Diyarbakır a chargé le groupe Forensic Architecture, une agence de recherche sur les violations des droits humains basée à l’université Goldsmiths de Londres, d’examiner les preuves en sa possession. Il s’agissait de témoignages, d’enregistrements vidéo, de photographies et de matériel provenant de l’enquête sur la scène du crime, ainsi que de rapports officiels et indépendants.
L’une des premières accusations portées par le gouvernement était que Tahir Elçi avait été tué par des militants du PKK armés et présents sur les lieux.
Cependant, Forensic Architecture a rejeté cette accusation en reconstituant rigoureusement ce qui s’est passé le jour de l’assassinat. Les chercheurs ont analysé en détail la position des personnes présentes sur les lieux et leur réaction durant les faits. « Les résultats de notre analyse confirment avec une quasi-certitude qu’aucun des militants du PKK n’aurait pu tirer le coup de feu qui a tué Elçi. Durant le moment où Elçi a été touché, Gürkan [Militant kurde présent sur les lieux] tenait clairement son arme par le canon, et était donc incapable de tirer. Yakışır [Militant kurde présent sur les lieux] ne semble pas avoir visé Elçi à un moment quelconque de la période, et finit par jeter son arme sur la police ».
Forensic Architecture a ensuite conclu : « Sur la base de notre analyse, nous avons conclu que les policiers A et D avaient des lignes de tir directes mais partiellement obstruées vers Elçi pendant la période où ils tirent visiblement avec leurs armes. L’un ou l’autre aurait donc pu tirer le coup de feu fatal. Les policiers sont les seuls à avoir eu une ligne de vue dégagée et non obstruée vers Tahir Elçi ».
Tahir Elçi a-t-il reçu des soins médicaux ?
Selon Forensic Architecture, « après les tirs, une des quatre caméras a continué à enregistrer pendant environ 13 minutes. Pendant tout ce temps, alors que les coups de feu retentissaient par intermittence dans les rues avoisinantes, le corps d’Elçi est resté au sol sans surveillance; personne dans les environs n’a tenté de vérifier son état, ni de lui prodiguer des soins médicaux. […] 12 minutes et 30 secondes après la fin des tirs- un véhicule blindé arrive, se gare à quelques mètres du corps d’Elçi. Peu de temps après, la caméra cesse d’enregistrer ».