Alors que le gouvernement turc s’apprête à soumettre au Parlement son 10e paquet de réforme judiciaire, la députée du DEM Parti et membre de la Commission de la Justice, Dilan Kunt Ayan, tire la sonnette d’alarme.
Selon elle, le projet de loi, composé de 55 articles, ne répond à aucune des attentes démocratiques exprimées par la société et accentue au contraire les inégalités, la répression politique et les atteintes aux droits fondamentaux.
Un texte au service du pouvoir, pas de la justice
Pour Dilan Kunt Ayan, ce paquet législatif, bien qu’annoncé comme une « réforme », n’a rien de réformateur. Elle critique notamment l’introduction de notions floues et conservatrices telles que « la moralité publique » ou « le sexe biologique » dans les textes juridiques. « Ce sont des reculs importants en matière d’égalité de genre, et cela ouvre la voie à une justice discriminatoire, notamment à l’encontre des femmes », affirme-t-elle.
L’élue d’Urfa dénonce également l’inefficacité des mesures prétendument destinées à corriger les injustices liées à la réduction de peine pour « provocation injuste », souvent invoquée dans les affaires de féminicide. « Tant que l’approche patriarcale de la justice ne change pas, l’augmentation des peines ne résoudra rien. »
Violation persistante des décisions de la Cour constitutionnelle
Autre point de friction : le refus systématique du gouvernement de se conformer aux arrêts de la Cour constitutionnelle, notamment sur les articles 220 et 314 du Code pénal, régulièrement utilisés pour criminaliser les opposants politiques et les militants. « Ces articles ont été annulés à plusieurs reprises, et pourtant, on continue de condamner des personnes pour avoir assisté à des conférences de presse ou dansé lors de fêtes traditionnelles », souligne la députée.
Un arsenal pénal renforcé pour plus de répression
Selon Ayan, la réforme introduit ou aggrave près de 20 infractions, renforçant l’arsenal pénal au détriment des droits. L’élargissement de la définition du « comportement obscène » est perçu comme une tentative de contrôler encore davantage les corps et comportements des femmes.
« Ce projet ne répond ni aux attentes sociales, ni aux besoins réels du pays. Il ne dit rien sur la pauvreté, la violence faite aux femmes, la liberté d’expression ou l’indépendance de la justice. Au contraire, il institutionnalise la répression. »
Un appel à revoir entièrement le projet
La députée appelle à un retrait pur et simple du projet avant sa soumission au Parlement. Elle plaide pour une refonte complète, fondée sur des principes de justice équitable, de pluralisme et de participation citoyenne. « Si cette réforme passe en l’état, elle ne fera qu’aggraver la crise de l’État de droit en Turquie », conclut-elle.