Les avocats du leader kurde Ocalan dévoilent les détails de leur dernière rencontre
Abdullah Ocalan, leader kurde emprisonné sur l'ile prison d'Imrali depuis le 15 février 1999.

Le cabinet juridique Asrin a publié un communiqué au sujet de la réunion avec le leader kurde Abdullah Öcalan, dans la prison d’Imrali, le 18 juin.

Voici la traduction intégrale de ce communiqué :

« Le 18.06.2019, nous avons rencontré notre client, M. Abdullah Öcalan, sur l’île-prison d’Imrali.

M. Öcalan a fait des évaluations et a partagé ses opinions sur divers sujets, comme ce fut le cas lors des autres réunions. Ces sujets sont principalement les grèves de la faim, les relations turco-kurdes, l’histoire, le caractère et la culture kurdes, la situation en Syrie, plus particulièrement au nord de la Syrie, et les évolutions possibles, le potentiel et les méthodes de politique et d’alliance démocratique, la politique actuelle en Turquie et les développements potentiels.

M. Öcalan a également écrit un texte sur la politique actuelle et les évolutions possibles. Il a souhaité que ce texte, ainsi que le contenu de l’entretien soit partagé et discuté avec son destinataire principal, le HDP est (Parti démocratique des Peuples). À sa demande, nous avons communiqué le texte aux responsables du HDP après la réunion et avons planifié une information publique le vendredi 21 juin 2019. Nous tenons à préciser que nous n’avons partagé ces informations avec personne, en dehors des destinataires mentionnés.

Alors que nous nous organisions conformément à nos plans, nous avons eu connaissance de déclarations faites à la presse par un dénommé Ali Kemal Özcan. Özcan a contacté les avocats de notre cabinet jeudi soir et indiqué avoir effectué une rencontre à Imrali. À notre connaissance, personne, en dehors des avocats, n’a été autorisé à se rendre sur l’île. Comme cela a été le cas après chaque réunion que nous avons eue avec notre client depuis le 2 mai, nous partageons les messages de notre client d’abord avec les destinataires, puis avec le public. Conscients de l’importance que revêt la position et les paroles de notre client dans le contexte politique et social, nous nous efforçons de manifester cette responsabilité et cette attention dans nos déclarations. Les points évoqués par Özcan concernant la rencontre qu’il prétend avoir effectuée, sa manière de les partager avec la presse et les propos qu’il utilise n’engagent que sa responsabilité propre. Nous n’avons pas à  confirmer ces dires ou à répondre aux questions à ce sujet, en tous cas pas avant d’avoir rencontré notre client.

Nous partageons avec le public la déclaration écrite par M. Öcalan lors de notre réunion du 18.06.2019.

M. Öcalan a déclaré que chaque phrase de ce texte avait la valeur d’un livre et exprimé des opinions et des propositions à évaluer avec le contenu du texte.

Il a indiqué qu’il transmettrait à l’avenir des messages plus larges axés sur les solutions, ce qu’il a qualifié d’ « espoir». Comme lors des précédentes rencontres, il a de nouveau attiré l’attention sur le langage de de la polarisation et précisé qu’il fallait privilégier la troisième voie.

Il a indiqué que l’alliance démocratique ne devait pas être transformée en un élément de dilemme dans le contexte des débats actuels et que le HDP devait privilégier la troisième voie et la protéger. Il a déclaré que ce bipolarisme existait depuis la fondation de la république et que dans ces conditions, créer et gérer un parti comme le HDP représentant une alliance démocratique et une troisième voie était un travail dangereux qui demandait beaucoup de courage. Il a expliqué que le HDP, en tant qu’alliance démocratique, devait, à la manière d’un catalyseur, développer avec courage et raison, une négociation démocratique et une politique de solution invitant toutes les structures politiques à se démocratiser.

En déclarant que l’esprit d’alliance démocratique incarné par le HDP ne devait pas être engagé dans les discussions actuelles sur les élections, M. Öcalan a fait remarquer qu’il faisait référence à la réconciliation sociale et qu’il voulait dire qu’il ne fallait pas attiser la polarisation. Il est d’avis que la politique de polarisation est une politique de conflit et de guerre avec ses discours offensants et sa démagogie, et que le HDP devrait protéger sa propre voie. Il a déclaré que ces questions devaient être discutées avec le HDP et précisé que celui-ci était un parti politique qui menait ses travaux par lui même et devait prendre ses décisions lui-même.

M. Öcalan pense que le HDP est un parti d’alliance démocratique et de négociation démocratique et que, pour se réaliser, le HDP devait également consolider sa politique avec les alliances nouées en son sein. Il a souligné qu’il existait de nombreux problèmes, de la plus petite structure de la société au sommet, que la politique était au cœur de ces questions et que la solution devait être développée par la politique démocratique.

Il a souligné la nécessité de développer une politique démocratique fondée sur le triptyque réconciliation démocratique, politique libre et le droit universel, et a proposé le concept d’Alliance constitutionnelle démocratique dans le cadre du droit universel. Il a déclaré qu’une solution constitutionnelle démocratique serait recherchée dans le droit universel. Il a rappelé que sa déclaration en sept points mettait l’accent sur la ligne de l’Alliance démocratique.

Comme lors des réunions précédentes, il a poursuivi ses évaluations des relations turco-kurdes. Comme il l’avait déjà répété à maintes reprises, il a souligné que les relations turco-kurdes étaient réciproques, que les Turcs n’existeraient pas sans les Kurdes, que les Kurdes avaient ouvert les portes de l’Anatolie aux Turcs, à Malazgirt et que, par la suite, les Ottomans avaient pu avancer jusqu’à Çaldıran et Mercidabık (Marj Dabiq) en concluant un accord avec les Kurdes.

Il a déclaré que ces considérations était valables également pour les Kurdes. Selon M. Öcalan, il faut savoir par qui, quand et comment cette relation entre Turcs et Kurdes a été rompue, et interroger les forces qui en sont responsables.

Après avoir précisé que la rupture de cette relation avait entraîné de nombreuses rébellions et des massacres, il a noté que sa manière de procéder était différente, que malgré les événements des 40 dernières années, il avait prévenu des massacres encore plus importants et que tout le monde le savait.

Lors de la réunion, M. Öcalan a déclaré qu’il avait jusqu’ici cherché une solution aux problèmes existants en proposant une politique créative fondée sur la réflexion et la production. Alors que des milliers de personnes lui témoignent leur attachement, comme on a pu le voir lors des grèves de la faim, il a dit ne pas admettre qu’il resté autant de travail à faire et de problèmes sociaux à résoudre. Il a estimé que tout le fardeau était chargé sur ses épaules, que le sacrifice de soi ne suffisait pas et que tout le monde pouvait se concentrer sur certaines choses au moyen d’une politique sage, créative et axée sur les solutions. Il s’est demandé par exemple dans quelle mesure le municipalisme démocratique serait développé dans la période à venir.

En ce qui concerne la Syrie, M. Öcalan attache de l’importance à la politique de la coexistence des Kurdes avec les Arabes et d’autres peuples et à la discussion avec l’État syrien pour parvenir à une solution constitutionnelle. Il a déclaré qu’il s’agissait là du meilleur moyen d’empêcher une éventuelle destruction des acquis.

MESSAGE D’ABDULLAH ÖCALAN

« À l’opinion publique,

J’ai ressenti le besoin de faire cette déclaration concernant l’initiative personnelle que j’ai dû prendre pour mettre un terme aux grèves de la faim et aux jeûnes de la mort, tout en tenant compte des évolutions probables.

J’ai parlé d’une position plus profonde et nette concernant le processus de résolution. J’ai considéré les développements actuels sous cet angle. La politique de conflits et de polarisation qui a prévalu après le processus de résolution n’a pas dépassé le dilemme traditionnel de la Turquie et a aggravé tous les problèmes sociaux, la question kurde au premier plan. Contre cette réalité des alliances Cumhur (CHP-Iyi Parti, ntd) et Millet (AKP-MHP, ndt), l’alliance démocratique et l’option de négociation démocratique exprimée dans le HDP ont été concentrées sur la résolution.

Étant donné que les problèmes sociaux, régionaux et mondiaux vont s’aggraver encore au cours de la période à venir, il est très important de préserver la position de la troisième voie. Dans cette perspective, l’esprit de l’alliance démocratique incarné par le HDP ne doit pas être transformé en partie et servir d’appui dans le cadre des discussions actuelles sur les élections. L’importance et la signification historique de l’alliance démocratique résident dans son abstention à s’engager dans les dilemmes existants et sa persistance dans la ligne de neutralité lors des élections, comme cela a été le cas jusqu’à aujourd’hui.

La voie fondée sur le triptyque négociation démocratique, politique libre et droit universel est la plate-forme politique la plus juste et la plus productrice de solutions. J’appelle tous les milieux concernés à être sensibles à cet égard. 

18.06.2019 Prison fermée d’Imralı

Abdullah Öcalan »

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