Dans une lettre adressée au Comité pour la Prévention de la Torture (CPT), Adolfo Pérez Esquivel demande à l’organe européen d’agir auprès de la Turquie, conformément à ses missions, afin que soit mis un terme à la violation des droits humains résultant de l’isolement carcéral d’Öcalan. L’universitaire et artiste argentin dont le travail pour la défense des droits humains a été récompensé en 1980 par le prix Nobel de la paix avait déjà manifesté à plusieurs reprises sa solidarité avec le peuple kurde et s’était prononcé en faveur de la libération du leader kurde Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 sur l’île-prison d’Imrali, au large d’Istanbul.

Voici ce qu’écrit M. Esquivel dans cette lettre adressée au Secrétaire exécutif du CPT, Régis Brillat.

Cher Monsieur Brillat,

Recevez nos salutations fraternelles. Nous avons partagé avec les autres lauréats de la paix votre réponse au message par lequel nous vous avons transmis nos préoccupations en janvier.

Entre-temps, nous avons suivi de près l’évolution des événements au Kurdistan, notamment grâce à la visite de la délégation internationale pour la paix, début de février, et à la visite à Leyla Guven, début mars, de Mme Nora Cortiñas des Mères de la Place de Mai, accompagnée de la coordinatrice du Dialogue 2000, Mme Beverly Keene.

Nous recommandons à votre attention le rapport ci-joint préparé par la Délégation internationale pour la paix qui résume très clairement les éléments les plus significatifs de la situation et les exigences actuelles. Nous joignons également une copie de la lettre que j’ai adressée à M. Öcalan en tant qu’ancien prisonnier politique, cherchant toujours à renforcer l’esprit de ceux qui souffrent d’injustice, non seulement du fait de la détention arbitraire prolongée, mais aussi de la répression absolue des libertés et de cette politique d’isolement totalement abusive.

Nous sommes confiants dans le fait que nos lauréats du prix Nobel partageront à nouveau l’accent que nous souhaitons mettre sur l’urgence d’une action plus décisive et publique du CPT, notamment une visite urgente de la prison d’Imralí, tel que le permet le mandat du CPT. Le CPT doit saisir l’occasion d’agir pour remédier à la situation d’illégalité grave, et permettre, avec l’action sociale et politique déployée ces derniers mois, la neutralisation de tout un système de suppression des droits fondamentaux de la population, quelles que soient les personnes visées, Kurdes ou non kurdes, détenues ou en liberté.

Le fait que les autorités turques aient, après sept ans, autorisé vendredi dernier M. Abdullah Öcalan à recevoir la visite de ses avocats, nous semble une confirmation de l’impact de l’action massive de solidarité suscitée par la grève de la faim initiée par la députée Leyla Güven il y a 180 jours et à laquelle participent des milliers de personnes qui risquent leur vie pour obtenir une réponse humanitaire du gouvernement turc, une réponse qui a échappé aux efforts de la diplomatie silencieuse.

Si les institutions créées en Europe, en Amérique et dans le monde pour contribuer à la défense et à la protection des droits de l’homme ne prennent pas de mesures décisives en faveur de ceux qui subissent les violations des États et sont bloquées par les intérêts de ceux-ci, elles perdent leur raison d’être.

Nous réitérons notre volonté d’accompagner les initiatives prises concernant ces revendications, convaincus que la fin de la politique d’isolement est un premier pas vers un plus grand respect des droits humains en Turquie et vers une paix fondée sur le respect des droits des individus et des peuples.

Avec les salutations fraternelles de paix et de bonne volonté.

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