Dans une lettre ouverte, le KNK exhorte les autorités régionales et internationales à mettre fin aux opérations militaires de la Turquie
Les bombardements de l'armée turque provoquent des incendies dans la région du Sud-Kurdistan

Dans une lettre ouverte, le Congrès national du Kurdistan exhorte les autorités régionales et internationales à mettre fin aux opérations militaires de la Turquie dans la région du Kurdistan irakien. L’instance kurde met en garde contre une aggravation de l’instabilité régionale.

Le Congrès national du Kurdistan (KNK) a publié mardi une lettre ouverte appelant à une action internationale urgente pour mettre fin à la stratégie militaire agressive de la Turquie au Sud-Kurdistan (nord de l’Irak). Le KNK souligne l’intensification des actions militaires et l’augmentation des violations des droits humains commises par la Turquie dans la région du Kurdistan irakien (KRI) depuis le 15 juin, avec le déploiement de centaines de véhicules blindés, de chars et de troupes. Les forces turques ont établi des points de contrôle, procédé à des vérifications d’identité des habitants et tenté d’évacuer des villages, note l’organisation qui réunit de nombreuses formations politiques kurdes des quatre parties du Kurdistan. Elle relève en outre que les  bombardements incessants de l’armée turque ont provoqué des incendies généralisés dans la région.

« Il est inquiétant que les médias et les institutions mondiales ne réagissent pas aux actions militaires et aux violations des droits humains commises par la Turquie », déclare le KNK. « Une intervention immédiate du gouvernement irakien, des États-Unis, de l’UE, de l’ONU et du Conseil de l’Europe est indispensable pour mettre fin à l’escalade de la violence. »

Le KNK souligne que cette invasion fait suite à la visite du président turc Recep Tayyip Erdoğan en avril 2024 à Bagdad et Erbil (Hewlêr), où il a obtenu un soutien pour la campagne militaire en échange de concessions dans le domaine du pétrole, des infrastructures et de l’eau au gouvernement fédéral irakien et au gouvernement régional du Kurdistan (KRG).

Ces derniers jours, la présence militaire accrue à Duhok et Erbil, soutenue par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), a suscité la crainte d’une occupation rampante, « qui pourrait déboucher sur un conflit régional à long terme avec des répercussions mondiales », déclare l’instance kurde qui siège à Bruxelles.

l’ONG Community Peacemaker Teams (CPT), un groupe de surveillance basé aux États-Unis, a signalé d’importants déplacements de populations civiles et la destruction de terres agricoles en raison des opérations militaires. CPT a également constaté des dommages aux infrastructures, notamment à une école et à un monastère chrétien. Selon l’organisation de défense des droits humains, la Turquie a mené 1076 attaques au Kurdistan irakien entre janvier et juillet 2024, dont 238 bombardements depuis le début de la nouvelle campagne.

« Des affrontements intenses entre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les forces armées turques ont éclaté dans le district d’Amedi (Amediyê) de Duhok vendredi », a déclaré la KNK. Les frappes aériennes dans le village de Guherzê ont causé d’importants dégâts aux maisons et aux véhicules.

Vedant Patel, porte-parole du département d’État américain, a implicitement approuvé l’occupation par la Turquie de certaines parties du Kurdistan irakien, a souligné la KNK. L’observateur politique Mucaşeh Tamimi a souligné à cet égard la vulnérabilité de l’Irak, sa dépendance vis-à-vis de la Turquie dans le domaine de l’eau et l’impact économique des produits turcs qui sapent le contrôle des frontières.

Faisant référence aux déclarations de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK) et de l’Union patriotique du Kurdistan (PUK), le KNK note également que la Turquie a enrôlé des combattants d’Al Nusra et d’autres groupes djihadistes pour soutenir ses opérations.

La lettre ouverte du KNK, adressée à des personnalités telles que le secrétaire général de l’ONU António Guterres et le président américain Joe Biden, souligne les efforts de la Turquie pour étendre ses frontières aux territoires kurdes, citant les revendications historiques décrites dans le Misak-ı Milli*.

« En 2011, les manifestations et les soulèvements du Printemps arabe se sont étendus à l’Irak et à la Syrie », déclare la KNK, ajoutant que « l’État turc, qui voulait profiter de cette situation, a pris des mesures pour tenter d’étendre les frontières de la Turquie à celles de Misak-ı Milli, revendiquant tout le Kurdistan, y compris le nord de l’Irak et le nord de la Syrie, comme étant à l’intérieur des frontières d’un État turc. »

La KNK accuse également les dirigeants turcs de poursuivre des objectifs expansionnistes par le biais de campagnes militaires et d’alliances avec des groupes djihadistes: « Le président turc et leader de l’AKP, Recep Tayyip Erdoğan, a souvent déclaré qu’il avait l’intention d’occuper toutes ces régions, à savoir la zone allant d’Alep à Mossoul, ainsi que les zones de Sulaymaniyah, Kirkuk, Shengal (Sinjar) et Behdinan, »

En ce qui concerne les activités militaires de la Turquie au Kurdistan irakien, la KNK exprime ses préoccupations quant aux violations du droit international: « Dans le sud du Kurdistan, les troupes turques ont pénétré sur 30 kilomètres de profondeur dans la région avec des milliers de soldats et 300 chars, effectuant des contrôles d’identité sur les citoyens irakiens à Duhok et dans les environs. »

L’appel à l’action du KNK est soutenu par une coalition de partis politiques kurdes et d’organisations de la société civile, qui ont souligné l’urgence d’une intervention internationale pour empêcher une plus grande déstabilisation de la région. Le KNK exhorte des organismes tels que la Ligue arabe, l’Union européenne, l’OTAN et l’ONU à intervenir de manière décisive pour protéger les communautés kurdes et faire respecter les normes juridiques internationales.

* Misak-ı Milli » se traduit par « Pacte national » ou « Serment national ». Il s’agit d’un ensemble de résolutions adoptées par le Parlement ottoman en 1920, décrivant les revendications territoriales de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale. Les revendications incluaient des régions considérées comme historiquement significatives ou stratégiquement importantes pour l’Empire ottoman, y compris les territoires kurdes situés en Turquie, Irak et Syrie.

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