L'avocat d'Öcalan exprime sa profonde préoccupation quant à la situation du leader kurde emprisonné dont on est sans nouvelle depuis 20 mois
Ibrahim Bilmez, avocat du leader kurde emprisonné Abdullah Öcalan

İbrahim Bilmez, l’un des avocats du leader kurde emprisonné Abdullah Öcalan, a fait part de sa profonde préoccupation après les informations selon lesquelles son client n’aurait pas rencontré la délégation du CPT lors de la dernière visite de celle-ci à la prison d’Imrali.

L’isolement aggravé imposé au leader kurde Abdullah Öcalan dans la prison d’Imrali a été largement médiatisé après que le cabinet juridique Asrin ait révélé qu’Öcalan n’aurait vraisemblablement pas rencontré la délégation du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) lors de la visite de l’organe du Conseil de l’Europe dans la prison d’Imrali en septembre dernier.

Interrogé par l’agence de presse Firat News (ANF), Ibrahim Bilmez, l’un des avocats du cabinet Asrın chargé de la défense du leader kurde, a souligné la nécessite d’une rencontre urgente avec celui-ci afin de mettre un terme aux rumeurs et spéculations qui se multiplient concernant sa situation.

DEMANDES DE VISITE RESTÉES SANS RÉPONSE DEPUIS 20 MOIS

L’avocat a rappelé que personne n’avait eu de nouvelles des prisonniers d’Imrali depuis 20 mois, dénonçant un mépris total de l’État de droit par la Turquie. Il a indiqué que ses collègues et lui avaient adressé maintes demandes de visite aux autorités concernées durant les 20 derniers mois: « Nous avons fait appel au Bureau du médiateur, à la Commission d’enquête sur les droits de l’homme de la Grande Assemblée nationale de Turquie, à l’Institution des droits de l’homme et de l’égalité de Turquie, au ministère de la Justice et aux départements concernés, ainsi qu’à la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et au Comité des Droits de l’Homme des Nations unies. Cependant, nos demandes sont restées en grande partie sans réponse.

LA TURQUIE MÉPRISE LES CONVENTIONS INTERNATIONALES AUXQUELLES ELLE EST PARTIE

Bilmez a déclaré que des centaines d’avocats de Turquie, d’Europe et du Moyen-Orient avaient également demandé aux autorités turques l’autorisation de rencontrer Öcalan afin de faire pression sur la Turquie pour qu’elle lève l’isolement imposé au leader kurde et à ses codétenus. Après l’arrêt sur le « droit à l’espoir » rendu par la CEDH en 2014, plusieurs ONG, telles que l’Association des Avocats libres (ÖHD), l’Association des Droits de l’Homme (İHD) et la Fondation des Droits de l’Homme de Turquie (TİHV) ont soumis des demandes au Comité des ministres du Conseil de l’Europe tendant à ce que la Turquie applique la décision de la Cour de Strasbourg. Cependant, la Turquie a toujours refusé de se conformer aux exigences de la CEDH concernant les conditions de détention d’Öcalan, manifestant ainsi son mépris profond des conventions auxquelles elle est partie. 

Et M. Bilmez de poursuivre: « Avec sa dernière réponse sur le droit à l’espoir, la Turquie se moque littéralement du Comité des Ministres, au mépris des valeurs universelles du droit. Il n’y a pas d’autre explication. La Turquie agit de la sorte depuis 2014. Elle poursuit sa tactique consistant à retarder et à étendre les procédures dans le temps. Mais le Comité des ministres encourage cette attitude en fermant les yeux sur les violations commises par la Turquie depuis 8 ans. Tant la Turquie que le Conseil de l’Europe font preuve de discrimination à l’égard de M. Öcalan et de tous les autres prisonniers condamnés une peine de prison à vie aggravée. »

AUCUNE RÉPONSE DU CPT

« Nous sommes heureux d’apprendre que le CPT a effectué une visite ad hoc dans la prison d’Imrali en septembre 2022 », a ajouté M. Bilmez, exprimant cependant son inquiétude quant à une « éventuelle évolution négative ». Il a indiqué à ce propos que les avocats d’Öcalan s’étaient entretenus avec les représentants du CPT à Strasbourg pour exprimer leurs préoccupations. « Cependant, a-t-il déploré, nous n’avons pu obtenir aucune réponse à nos questions. » Et d’ajouter que les préoccupations des avocats d’Öcalan s’étaient encore accrues suite aux informations selon lesquelles le leader kurde n’aurait pas rencontré la délégation du CPT.

DEMANDE DE RENCONTRE IMMÉDIATE AVEC ÖCALAN

Soulignant que l’isolement imposé dans la prison d’Imrali conduisait à toutes sortes de rumeurs et de spéculations, l’avocat a insisté sur la nécessité d’une rencontre urgente pour détendre l’atmosphère d’incertitudes et de tensions. « Lors de sa dernière conversation téléphonique avec son frère, M. Öcalan a lui-même dit qu’il voulait nous parler, à nous, ses avocats. Le droit de rencontrer ses défenseurs est un droit fondamental », a martelé l’avocat.

Et d’ajouter: « Tous les 3 mois, l’administration de la prison d’Imrali édicte une interdiction des visites familiales, prétextant des sanctions disciplinaires. Et tous les 6 mois, le tribunal de Bursa rend une décision d’interdiction de visite pour les avocats. Ces pratiques arbitraires sont intolérables. La Turquie doit mettre fin à l’isolement carcéral et sortir la question kurde de l’impasse dans laquelle elle se trouve. On sait le rôle que M. Öcalan peut jouer pour trouver une solution à la question kurde. Ses bonnes intentions et ses capacités politiques sont également connues de l’État. Le gouvernement aurait tort d’aborder la question kurde uniquement dans l’optique de gagner les élections, car la question kurde est un problème structurel qui ne peut être résolu que par la levée de l’isolement et la promotion d’une solution pacifique à la question kurde. »