S'exprimant lors des sessions du Comité contre la torture, la rapporteure spéciale Naoko Maeda a attiré l'attention sur l'isolement d’Imrali
La 80e session du Comité contre la Torture des Nations Unies se déroule à Genève du 8 au 26 juillet

S’exprimant lors des sessions du Comité des Nations Unies contre la torture, la rapporteure spéciale Naoko Maeda a attiré l’attention sur l’isolement d’Imrali, demandant à la Turquie d’apporter des explications à ce sujet.

Cela fait 40 mois que l’on est sans nouvelles du leader kurde Abdullah Öcalan, qui est détenu dans des conditions d’isolement sévères sur l’île-prison d’Imrali depuis plus de 25 ans. Privés du droit de visite de leurs avocats et de leurs familles, Abdullah Öcalan et ses trois codétenus sont totalement coupés du monde extérieur depuis mars 2021. Sollicité à maintes reprises par les avocats des prisonniers d’Imrali, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) se contente de déclarer qu’il suit la question de près.

Près de 30 organisations ont soumis des rapports

Dans le cadre de sa 80e session, qui se déroule du 8 au 26 juillet à Genève, le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) a passé en revue les violations des droits humains en Turquie. Le 16 juillet, les représentants des organisations non gouvernementales ont soumis au CAT des rapports sur la Turquie lors d’une audience à huis clos.

Près de 30 ONG nationales et internationales, dont l’Association des avocats pour la liberté (ÖHD), la Fondation pour la société et la recherche juridique (TOHAV), le cabinet d’avocats Asrin, l’Association des droits de l’homme (İHD), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Human Rights Watch (HRW), ont soumis des rapports, particulièrement sur les violations des droits dans les prisons turques et les crimes de guerre commis dans les régions du nord de la Syrie sous occupation turque.

La session d’aujourd’hui a commencé par la présentation du rapport de l’État turc. Après la délégation turque, les rapporteurs spéciaux du CAT, Bakhtiyar Tuzmukhamedov et Naoko Maeda, ont présenté leurs rapports concernant la Turquie. 

Bakhtiyar Tuzmukhamedov a attiré l’attention sur les violations des droits dans les prisons en Turquie. Indiquant qu’il existait de nombreuses restrictions au droit des prisonniers à rencontrer leurs avocats et les membres de leur famille, il a déploré que les nombreuses recommandations faites à la Turquie lors des précédentes sessions du CAT n’aient pas été respectées.

La rapporteure spéciale Naoko Maeda a fait une présentation sur les violations des droits et posé des questions à la délégation turque. Elle a attiré l’attention sur l’abus des lois anti-terroristes, utilisées contre les défenseurs des droits humains, les journalistes et les groupes d’opposition.

Mme Maeda a déclaré avoir reçu de nombreux rapports sur les violations des droits dans les prisons turques, particulièrement dans la prison d’Imrali où le leader kurde Abdullah Öcalan est détenu  en isolement depuis plus de 25 ans. « Selon ces rapports, les prisonniers de l’île d’Imrali n’ont eu aucune communication avec le monde extérieur depuis le 25 mars 2021. Les visites des avocats et des familles ne sont pas autorisées. Malgré tous les efforts diplomatiques, aucune information n’a été reçue sur la situation des quatre prisonniers. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait déjà statué dans le cas d’Abdullah Öcalan que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme avait été violé. Le Comité demande une explication concernant cette situation à Imrali ».

Réponse de la délégation turque : « Il n’y a pas de régime d’isolement dans les prisons turques »

S’exprimant au nom de la délégation turque lors de la session de l’après-midi, Fatih Güngör, directeur général adjoint des prisons et des maisons d’arrêt au ministère de la justice, a répondu aux questions des rapporteurs spéciaux sur les violations des droits dans les prisons.

Güngör a affirmé que les normes dans les prisons turques sont conformes aux conventions internationales et a soutenu que, contrairement aux rapports de nombreuses organisations non gouvernementales, il n’y avait pas de régime d’isolement dans les prisons.

Répondant évasivement à la question concernant l’isolement des prisonniers d’Imrali, le représentant turc a défendu la légalité des sanctions disciplinaires et des interdictions de visites prononcées continuellement depuis plus de trois ans à l’encontre d’Öcalan et de ses codétenus, sans que leurs avocats en soient avisés : « Abdullah Öcalan purge actuellement sa peine dans la prison de haute sécurité d’Imralı avec trois autres prisonniers. Les personnes qui n’agissent pas conformément à la loi peuvent être soumises à une série de sanctions par la Commission d’observation de l’administration pénitentiaire. Certains délits commis en prison peuvent entraîner une interdiction de visite. Les sanctions disciplinaires relèvent de la compétence du Conseil de discipline de l’administration pénitentiaire. Une fois la décision prise, le détenu est informé et peut faire appel auprès du juge de l’exécution des peines. Il peut même porter l’affaire devant un tribunal habilité. En conséquence, les visites familiales pour les prisonniers d’İmralı ont été suspendues pendant 3 mois. Les visites des proches sont donc interdites pendant cette période. Aucune objection ou plainte n’a été déposée contre cette décision, qui est devenue définitive et exécutoire en avril 2024. Les visites d’avocats ont été suspendues pendant 6 mois par décision de justice en mai 2024. Cette décision a fait l’objet d’un appel, mais celui-ci a été rejeté en juin 2024 et la décision est devenue définitive. »

Pour justifier l’isolement total des prisonniers d’Imrali, les autorités pénitentiaires turques mettent en avant depuis plus de trois ans des sanctions disciplinaires répétées qui conduisent à des interdictions de visites pour une durée de trois ans pour les familles et de six mois pour les avocats. Cependant, ces sanctions ne sont jamais notifiées aux avocats qui ne sont donc pas en mesure de les contester.