Le procès dit de Kobanê contre l’opposition kurde en Turquie se poursuit aujourd’hui avec la défense de l’ex-maire de Diyarbakir Gültan Kışanak.
Détenue depuis 2016, l’ancienne maire de Diyarbakir fait partie des 108 personnes inculpées en lien avec les manifestations survenues en Turquie lors de la bataille de Kobanê, en octobre 2014. Parmi les personnes accusées, 18 sont toujours en prison.
Gültan Kışanak a participé au procès par liaison vidéo depuis la prison de haute sécurité de Kandıra lundi et mardi. Beaucoup de personnes, particulièrement des femmes, se sont rendues à Ankara pour la soutenir. Les coprésidents du parti DEM, Tülay Hatimoğulları et Tuncer Bakırhan, ont également fait le déplacement.
Au début de sa défense, Gültan Kışanak a expliqué qu’il y avait trois questions principales dans le procès de Kobanê : “La première est la question kurde, la deuxième est la liberté des femmes, parce que la lutte des femmes pour la liberté est jugée dans cette affaire. La troisième est celle de la démocratie que ce procès vise à éliminer.”
Qui êtes-vous pour me juger ?
En ce qui concerne les accusations portées contre elle, la femme politique kurde a déclaré : “Il s’agit d’un procès politique. Ce qui nous est reproché, ce sont nos actions et nos pensées politiques. Je suis une femme qui n’a jamais frappé personne ni incité personne à commettre un crime. Qui êtes-vous pour me juger ? Nous sommes détenus dans des geôles depuis plus de sept ans en raison d’une conspiration politique, mais que s’est-il passé à l’extérieur ? L’économie s’est effondrée, il y a des guerres et des conflits, le pays n’a pas de relations avec ses voisins, la constitution s’est effondrée. Le différend qui oppose actuellement la Cour de cassation et la Cour constitutionnelle au sujet de Can Atalay [député du TIP emprisonné] montre les tentatives de mettre fin au système juridique constitutionnel du pays. Des décisions nous concernant sont en attente à la Cour constitutionnelle, mais en raison de pressions politiques, les verdicts ne sont pas rendus. L’ordre constitutionnel s’est effondré. Avons-nous encore besoin de la Cour constitutionnelle ou non ? Cela nous amène au dernier point de la discussion, à savoir si nous avons besoin d’une constitution ou non. Il n’y a plus d’ordre social démocratique en Turquie.”
Nous, les femmes, ne resterons pas silencieuses
La Turquie est dirigée par les hommes, et le capital est également sous le contrôle des hommes, a déclaré Gültan Kışanak, ajoutant : “Que font les femmes lorsqu’elles sont exposées à l’anarchie ? Elles s’organisent, elles forment des organisations, elles élèvent la voix, elles descendent dans la rue et disent : Arrêtez la violence. Si ce droit ne leur est pas accordé, cela signifie qu’il n’y a pas de démocratie. On peut nous mettre en prison, mais nous continuerons à parler dans la rue. Je salue toutes les femmes qui refusent d’être réduites au silence par ce régime. La prison ne nous réduira pas au silence. Nous ne nous soumettrons pas à l’empire de la peur, nous vaincrons cette peur, nous la détruirons. Vous ne pouvez pas nous priver de notre liberté de pensée et d’expression. Vous ne pouvez pas nous criminaliser. Vous ne pouvez pas nous juger parce que nous ne pensons pas comme le gouvernement. La seule façon de vaincre l’empire de la peur est d’être courageux et de résister au despotisme.”
La question kurde doit être résolue
Gültan Kışanak a souligné qu’elle avait déjà subi des persécutions après le coup d’État de 1980 et résisté à la torture: “Quiconque veut m’intimider avec une cellule de prison aujourd’hui doit savoir qu’Esat Oktay [Officier turc connu pour les tortures qu’il a infligées aux prisonniers politiques dans les années 80] ne m’a pas fait peur”, a déclaré la femme politique. Comme ses coaccusés, Gültan Kışanak a appelé à une solution politique à la question kurde : “Il n’y a rien que nous ne puissions résoudre tant que nous sommes sincères”.
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