Des milliers de civils ont été kidnappés à Afrin depuis l’occupation de la ville par l’armée turque et ses mercenaires alliés en mars 2018.
Meryem Evdik et Murad Abdurrahman ont été enlevés à Afrin au cours des derniers jours

Des milliers de civils ont été kidnappés à Afrin depuis l’occupation de la ville par l’armée turque et ses mercenaires alliés en mars 2018.

L’agence de presse Hawar (ANHA) a rapporté que le groupe Ahrar al-Sharqiya, une faction de mercenaires contrôlée par la Turquie, a enlevé une jeune femme dans la région d’Afrin. Meryem Evdik Şêxo, a été enlevée vendredi, dans un village du district de Rajo.

Quelques jours plus tôt, le 16 septembre, un jeune homme de 25 ans, du nom de Murad Abdurrahman Reşîd, a été enlevé par des mercenaires d’une autre faction alliée de la Turquie, la brigade Sultan Murad. À ce jour, le sort des deux civils kidnappés est toujours inconnu.

Afrin est occupée par la Turquie depuis mars 2018. Les enlèvements sont une source de revenus courante pour les mercenaires djihadistes de l’État turc. Depuis le début de l’occupation d’Afrin, les violations des droits humains et les crimes de guerre sont systématiques dans ce qui était autrefois la région la plus sûre de toute la Syrie. Au-delà d’une politique coloniale classique, la Turquie mène une campagne de nettoyage ethnique à l’encontre de la population kurde contrainte de quitter ses terres pour fuir les exactions de l’armée turque et de ses forces supplétives.

Selon le dernier rapport de l’organisation des droits humains d’Afrin, 139 civils, dont 13 femmes, ont été enlevés au cours des trois derniers mois. Au moins 22 d’entre eux, dont six femmes, ont été assassinés sous la torture. Agissant souvent en coordination avec les services secrets turcs (MIT), les milices de l’Armée nationale syrienne (ANS, formation composée de plusieurs factions djihadistes, créée par Ankara comme force supplétive dans ses opérations d’invasion au nord de la Syrie) extorquent des rançons et mettent la population civile sous pression. L’objectif est de modifier en profondeur la composition démographique de la région et d’anéantir toute forme de résistance.

Au début de la semaine, la Commission indépendante internationale des Nations unies sur la Syrie a publié un rapport de 25 pages sur la situation des droits humains dans le pays, à l’issue d’une enquête réalisée entre janvier et juillet 2020.

Le rapport, qui documente les violations et les abus commis par presque tous les acteurs du conflit syrien et toutes les autorités qui contrôlent le territoire, met en évidence une augmentation des violations ciblées, tels que les assassinats, les violences sexuelles et sexistes et les pillages et confiscations de la propriété privé.

Concernant Afrin et les autres régions occupées par la Turquie, le rapport documente de nombreux crimes de guerre et violations graves et systématiques des droits humains. « Depuis 2019, indique notamment le rapport, les femmes kurdes des régions d’Afrin et de Ras el-Aïn (Serêkaniyê) subissent des actes d’intimidation de la part de membres de brigades de l’Armée nationale syrienne, ce qui engendre un climat généralisé de peur qui a pour effet de les confiner dans leur domicile. Des femmes et des jeunes filles ont également été détenues par des combattants de l’Armée nationale syrienne et ont subi des viols et des violences sexuelles, ce qui a causé de graves traumatismes physiques et psychologiques aux personnes concernées comme à la communauté en raison de la stigmatisation subséquente et des normes culturelles liées à la notion d’‘honneur féminin’. »

Plus particulièrement concernant Afrin, la commission pointe des cas de violences sexuelles insoutenables contre des femmes et des hommes dans un centre de détention : « Au cours de la période considérée, des cas de violences sexuelles contre des femmes et des hommes commises dans un centre de détention à Afrin ont été recensés. À deux reprises, des officiers de la police militaire de l’Armée nationale syrienne, cherchant apparemment à humilier les détenus de sexe masculin et à leur arracher des aveux et leur inspirer de la peur, ont forcé des détenus masculins à assister au viol d’un mineur. Le premier jour, le mineur a été menacé d’être violé devant les hommes, mais le viol n’a pas été commis. Le jour suivant, le même mineur a été victime d’un viol collectif, pendant que les hommes détenus étaient battus et forcés d’être témoins d’un acte constitutif de torture. »

La Commission déclare par ailleurs avoir été informée de cas de mariages forcés et d’enlèvements de femmes kurdes d’Afrin et de Serêkaniyê, qui impliquent principalement des membres de la brigade Sultan Murad.

« La situation des droits humains est sombre dans certaines parties du nord, du nord-ouest et du nord-est de la Syrie qui sont sous le contrôle des forces turques et des groupes armés affiliés à la Turquie, avec une violence et une criminalité généralisée », a averti vendredi la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet. Et d’ajouter : « J’appelle les autorités turques à respecter le droit international et à faire en sorte que cessent les violations commises par les groupes armés sous le contrôle effectif de la Turquie ».