Selon une récente décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, anciens co-présidents du Parti démocratique des peuples (HDP), ont été privés de l'assistance efficace de leurs avocats, enfreignant ainsi l'Article 5 § 4 de la Convention.
Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, anciens co-présidents du Parti démocratique des peuples (HDP).

Selon une récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, anciens co-présidents du Parti démocratique des peuples (HDP), ont été privés de l’assistance efficace de leurs avocats, enfreignant ainsi l’Article 5 § 4 de la Convention.

Ces deux anciens dirigeants du HDP, emprisonnés depuis novembre 2016, ont fait valoir auprès de la CEDH que la surveillance par les autorités pénitentiaires de leurs rencontres avec leurs avocats et la saisie des documents échangés constituaient une entrave à leur droit à une assistance juridique efficace pour contester leur détention préventive. Ces mesures ont été ordonnées par les tribunaux turcs pour une durée de trois mois en vertu du décret législatif d’urgence n° 676, mis en place suite à la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016.

La CEDH a conclu que les tribunaux nationaux n’avaient pas prouvé l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation au principe fondamental de la confidentialité des entretiens entre les requérants et leurs avocats. La Cour a également constaté que ces restrictions n’avaient pas été accompagnées de garanties adéquates et efficaces contre les abus. Par ailleurs, elle a noté que les autorités nationales n’avaient pas apporté de preuves détaillées pour justifier l’imposition de ces mesures en vertu du décret législatif d’urgence n° 676.

Des jugements antérieurs de la CEDH, datant du 22 décembre 2020 et du 8 novembre 2022, ont par ailleurs confirmé que la détention préventive des requérants était contraire aux articles 5 (droit à la liberté et à la sécurité), 10 (liberté d’expression) et 18 (limitation de l’utilisation des restrictions aux droits) de la Convention, ainsi qu’à l’article 3 du Protocole n° 1 (droit à des élections libres).

Le 15 novembre 2016, à la demande du procureur public de Diyarbakır, le 4e tribunal de magistrats de Diyarbakır a ordonné l’enregistrement audio et vidéo des entretiens des requérants avec leurs avocats, la présence d’un fonctionnaire lors de ces entretiens, et la saisie de tous les documents échangés, en vertu du décret législatif d’urgence n° 676.

Les requérants ont tenté sans succès de faire appel de ces ordonnances, soutenant que le juge avait imposé ces restrictions de manière illégale et arbitraire. En janvier 2017, ils ont saisi la Cour constitutionnelle pour violation de leur droit à la liberté et à la sécurité et de leur droit à un procès équitable. La Cour constitutionnelle a toutefois conclu à l’absence de violation, estimant que ces mesures étaient proportionnées dans le contexte de l’état d’urgence.

La CEDH a cependant noté que le 4e tribunal de magistrats de Diyarbakır n’avait pas respecté les exigences légales. De plus, la Cour constitutionnelle n’a pas mené une évaluation adéquate de la situation individuelle des requérants. Elle a aussi constaté que les requérants avaient été reconnus coupables d’un délit lié au terrorisme, alors qu’ils n’avaient été reconnus coupables d’aucun délit à la date du 15 novembre 2016.

La CEDH a finalement conclu que les requérants avaient été privés d’une assistance juridique efficace, en violation de l’article 5 § 4 de la Convention. Elle a ordonné à la Turquie de verser à chaque requérant une indemnité de 5 500 euros pour préjudice moral, et une somme conjointe de 2 500 euros pour frais et dépens.

Laisser un commentaire