Le CDK-F a tenu jeudi une conférence de presse dans ses locaux concernant l’enquête sur le meurtre de trois militants kurdes à Paris le 23 décembre 2022.
L’attentat survenu le 23 décembre, au siège du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), 16 rue d’Enghien, a coûté la vie à une membre éminente du mouvement des femmes kurdes, Emine Kara, à l’artiste kurde Mir Perwer et à Abdurrahman Kızıl. Le tueur, William Malet, a été arrêté et écroué. Cependant, le CDK-F conteste la qualification raciste retenue par les autorités judiciaires françaises et demande que la justice anti-terroriste soit saisie de l’affaire.
Pour le CDK-F, il s’agit à l’évidence d’un crime politique et terroriste qui devrait être investigué en tant que tel. Plus de deux mois après l’attentat, une conférence de presse a eu lieu dans les locaux de l’association, avec la participation des portes-paroles de la structure, Berivan Fırat et Agit Polat, ainsi que des avocats des parties civiles, Christian Charrière-Bournazel, David Andic et Jean-Louis Malterre.
« Nous avons le sentiment qu’une seule piste est actuellement étudiée, celle d’un loup solitaire qui commet une attaque isolée », a déploré Agit Polat, soulignant que le CDK-F était déterminé à faire reconnaître ce crime comme un attentat terroriste et politique. Le représentant kurde a fait état des éléments actuels de l’enquête, notamment du rapport d’expertise médicale qui révèle les motivations du tueur: « Quand il échange avec les psychiatres, … il fait clairement le lien avec les Kurdes, avec le PKK [Parti des Travailleurs du Kurdistan], sans qu’on lui demande quoi que ce soit. Il dit qu’il préfère les Turcs aux Kurdes, qu’il n’aime pas le PKK parce que celui-ci commettrait des actions en Turquie. Nous avons ici la preuve d’une motivation politique. » Pour M. Polat, le fait que le meurtrier cible directement l’association kurde n’est pas une coïncidence, étant donné que le CDK-F est perçu par la Turquie comme « la vitrine légale du PKK. » Et de conclure par cette question: « Par qui a été mandaté William Malet? »
Une interrogation que partage également Mme Berivan Firat qui cite les conclusions du rapport d’expertise: « Il est responsable de ses actes. Il n’y a pas d’abolition du discernement. » La porte-parole du CDK-F a évoqué également deux rapports d’expertise psychiatrique établis en 2016 et 2022, alors que Malet était en détention dans le cadre des deux affaires précédentes. Les psychiatres avaient alors conclu que l’intéressé ne présentait ni abolition, ni altération de son discernement et qu’il était « parfaitement adaptable ». « Comment se fait-il qu’un individu aussi dangereux ait été laissé libre de ses actes? », s’est indignée Mme Firat.
L’avocat Christian Charrière-Bournazel a insisté sur la nécessité d’investiguer le passé et les relations personnelles de Malet, « pour savoir de quelle manière il aurait pu être mandaté ou influencé de manière décisive par des agents du gouvernement actuel turc ». Pour conclure, l’ancien Président du Conseil national des Barreaux a demandé « qu’on cesse d’être complaisant, du moins aveugles, à des réalités terribles ».
Pour sa part, David Andic a exprimé son « sentiment de fierté quant à l’accueil réservé en France aux réfugiés kurdes qui fuient par centaines de milliers le régime turc », mais souligné en même temps l’incompréhension de la communauté kurde face au refus du Parquet national anti-terroriste (PNAT) de se saisir de cette affaire.
Prenant la parole à sa suite, Maître Jean-Louis Malterre a déclaré: « Nous sommes fiers des conditions dans lesquelles sont accueillis les Kurdes, mais nous constatons et nous regrettons l’attitude politique qui consiste à accepter de rendre des comptes à la Turquie ». Il a précisé à cet égard que les poursuites engagées contre les Kurdes en France sont souvent déclenchées à la demande des autorités turques. « Cette situation nous fait craindre que ce dossier ne soit bloqué par le gouvernement », a ajouté l’avocat, rappelant que le dossier des assassinats de 2013 était bloqué par le refus des autorités françaises de lever le secret-défense.