Zehra Dogan au Tate Modern de Londres

« Ê Li Dû Man » (« Ce qui en reste ») est un voyage émotionnel à travers les objets les plus personnels des habitants de Nusaybin. L’exposition de la journaliste et artiste kurde Zehra Doğan qui est présentée au Tate Modern de Londres jusqu’au 25 mai rappelle le siège par l’armée turque des villes kurdes de Nusaybin, Sur et Cizre en 2015 et 2016.

« En tant que journaliste qui a couvert les destructions et les affrontements dans les villes kurdes en Turquie entre 2015 et 2016, je montre des objets qui avaient été abandonnés sous les décombres de bâtiments démolis et que j’ai rassemblés, explique Zehra Dogan. À travers ces objets représentant une vie quotidienne blessée, je vais raconter l’histoire de ces personnes. Cette installation mettra en valeur mon travail d’artiste et de journaliste. L’un des objets les plus remarquables est un tapis multicolore brûlé. »

« Ce tapis représente tous les habitants du pays: Turcs, Kurdes, Arabes…, ajoute la journaliste. Les gens sont beaux quand ils sont ensemble, pas quand ils sont divisés. Cependant, ce tapis partiellement brûlé montre que nous étions divisés et brûlés. Il y a également des vêtements qui font partie de l’identité des gens – comment ils se valorisent et se définissent. Ces objets sont ce qui en reste, brûlés et sortis des décombres, montrant qu’il y a eu la mort… »

Ê Li Dû Man abrite également une salle de presse participative et expérimentale où Zehra Doğan et son collaborateur, le journaliste Ege Dündar, écriront, avec d’autres, le contenu et coproduiront avec les visiteurs un journal destiné aux artistes et aux militants emprisonnés en Turquie.

L’installation invite les visiteurs à lire les histoires documentées par Zehra Doğan et d’autres journalistes, témoignant des morts et des déplacements de personnes. La traduction joue un rôle clé dans cette installation codirigée avec Tate Exchange, en collaboration avec Index on Censorship, English PEN et PEN International.

Les vidéos et photos prises par Zehra Doğan pendant le couvre-feu seront affichées à l’écran lors de l’installation. Et on racontera des histoires sur ceux qui vivaient derrière les barricades. Que s’est-il passé pendant le couvre-feu? Que s’est-il passé avant? Comment s’est-il terminé?

« Chacun des visiteurs – explique Doğan – sera informé des événements en 2015-2016 et recevra un texte écrit. Il / Elle va lire, apprendre et comprendre. Et quand ils partiront, ils emporteront avec eux un exemplaire du journal « Ê Li Dû Man », préparé avec le journaliste Ege Dündar. Dans cet article, ils découvriront les expériences kurdes, les prisonniers politiques, les grèves de la faim, les écrivains, les poètes, les artistes et les enfants. Après tout cela, chacun pourra peut-être rentrer chez soi et agir, en écrivant une lettre aux prisonniers, par exemple. »

Dans une interview récente, répondant à une question sur les raisons pour lesquelles son art et ses écrits sont si craints par le gouvernement turc, Zehra Dogan déclare: « Le gouvernement turc considère mon art comme une menace parce que je dessine ce qu’il a fait. Je peins sa disgrâce. En conséquence, il déteste mon art, mais je n’ai pas le choix, le gouvernement turc me donne tellement de matériel avec lequel travailler. Ce gouvernement n’aime pas mon art parce que je documente et apporte la preuve de ses destructions – comme je le fais dans mes écrits. « 

Zebra Doğan a été condamnée et emprisonnée pour «propagande» en raison d’un dessin numérique montrant la ville détruite de Nusaybin. Elle a été envoyée en prison en juillet 2016, libérée en décembre 2016 et renvoyée en prison en juin 2017. Elle a finalement été libérée le 24 février 2019.

Durant sa détention, l’administration pénitentiaire a refusé qu’elle reçoive du matériel de dessin. Mais elle a inventé son propre matériel, peignant sur des pages de journaux avec tout ce qu’elle pouvait transformer en couleurs.

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