Van, une ville usurpée par le régime d’Erdogan
Drapeau du Parti démocratique des peuples (HDP) brandi lors d'une manifestation à Van, dans le nord-Kurdistan (Turquie).

Bien que la population de Van ait voté pour le Parti démocratique des Peuples (HDP) aux élections locales de mars 2019, le gouvernement turc en a décidé autrement : l’un.e après l’autre, les Comaires des 10 municipalités gagnées par le HDP dans la province de Van ont été destitué.e.s et remplacé.e.s par des administrateurs d’Etat.

Deuxième plus grande ville du Nord-Kurdistan, après Diyarbakir, Van est un bastion électoral du HDP depuis plus de deux décennies, ce qui explique la répression constante exercée sur sa population par le pouvoir aux mains de l’AKP (Parti de la Justice et du Développement, islamiste). Malgré les nombreuses tentatives de fraude et de chantage du parti du Président Recep Tayyip Erdogan, les élections locales ont depuis 2009 donné la majorité au HDP et aux partis qui l’ont précédé, dans la plupart des provinces kurdes, notamment à Van. Le régime, cependant, n’a pas accepté le choix du peuple. Les municipalités gagnées par le Parti démocratique des régions (DBP, affilié au HDP) en 2014 avaient déjà été saisies et mises sous tutelle par l’État. Les 10 Comaires HDP élu.e.s au printemps dernier dans la région de Van ont connu, à partir du mois d’août, le même sort que leurs prédécesseur.e.s.

Les municipalités ainsi saisies sont celles de Van, Özalp, Ipekyolu, Erçiş, Muradiye, Çaldıran, Tuşba, Edremit, Saray et Başkale, dans lesquelles le HDP avait obtenu 42 à 75% des voix.

Van, une épine dans le pied d’Erdogan

Le président turc Tayyip Erdoğan a tout fait pour remporter les élections dans la province de Van. Il a utilisé tous les moyens à sa disposition, de la fraude électorale aux pots-de-vin, en passant par les menaces. Mais, bien qu’il se soit lancé dans la campagne électorale avec de grandes ressources, son parti a subi à plusieurs reprises des défaites importantes dans province kurde, y compris lors des élections du 31 mars. Avant même la tenue du scrutin, Erdoğan avait annoncé que si le HDP remportait les élections, il ferait éliminer tous ses élus. Il a commencé à mettre en œuvre cette menace le 19 août, en faisant révoquer les Comaires d’Amed (Diyarbakır), Van et Mardin, remplacés par les préfets des provinces respectives. Après la mise sous tutelle de Van, des dizaines d’employés municipaux ont été licenciés et des centaines mutés dans des régions éloignées. La trésorerie de l’administration municipale a été pillée et les employés privés de leurs salaires.

Deuxième tremblement de terre à Erciş

Le 15 octobre, le gouvernement de l’AKP a nommé un administrateur à la tête de la municipalité d’Erciş et fait arrêter et emprisonner la Comaire Yıldız Çetin. Celle-ci a été transférée le 11 décembre dans la prison d’Osmaniye, à plus de 800 kilomètres de là. Terrassée par un tremblement de terre en 2011, Erciş avait commencé à panser ses blessures après l’arrivée du DBP à la tête du Conseil municipal en 2014. L’administrateur nommé par l’État en 2016 a donné un coup d’arrêt aux efforts de réhabilitation déployés par la Mairie à destination de cette population traumatisée. Aux élections du 31 mars, la population a de nouveau voté pour le HDP. L’administration du HDP avait commencé à restaurer certains quartiers de la ville et reçu un fort soutien de la population. Mais, le 15 octobre, le régime d’Erdogan a de nouveau entravé ces activités. 

Ipekyolu : Une population punie pour avoir voté HDP

Le plus grand district de Van, İpekyolu, a été privé de ses Comaires le 8 novembre. L’un d’eux, Azim Yacan, a été arrêté et emprisonné. Après sa désignation, l’administrateur d’Etat a suspendu toutes les aides à la population, notamment dans le domaine agricole. 

Saray, une ville convertie en village par l’AKP

Saray est collée à la frontière iranienne. En raison de l’embargo imposé par la Turquie, la ville ressemble aujourd’hui à un petit village. Bien que le district se trouve à la frontière du Kurdistan oriental (Iran), il ne peut pas profiter du commerce frontalier. L’Etat turc a systématiquement entravé son développement économique. Les habitants de Saray ont voté pour le DBP en 2014 et pour le HDP en 2019. Le HDP y a remporté 61 % des voix aux élections locales du 31 mars. Le 2 novembre, un administrateur a été nommé dans le district, pour remplacer la Comaire arrêtée Caziye Duman.

Des Comaires empêchés de prendre leurs fonctions

Dans les districts de Tuşba, Edremit et Çaldıran, l’AKP a également perdu les élections. 

Bien que le Comaire de Tuşba, Yılmaz Berki, ait été élu avec 53% des voix, il n’a pas pu exercer son mandat, au prétexte qu’il avait été licencié antérieurement par un décret-loi pris par le gouvernement dans le cadre du régime d’état d’urgence. 

A Edremit, la Comaire Gülçan Kaçmaz Sayyiğit avait obtenu 54% des voix. Là aussi, une révocation antérieure par un décret-loi a servi de prétexte pour empêcher l’élue d’entrer en fonction.

La Comaire de Çaldıran, Leyla Balkan, élue avec 53 % des voix, a été privée de son mandat avec le même procédé. 

Les trois Comaires ont été remplacé.e.s par les candidats perdants de l’AKP.

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