Entretien avec Thierry Lamberthod, président des Amitiés kurdes de Lyon

Tuna Altinel, maître de conférences à l’Université de Lyon-I, a été arrêté vendredi 10 mai à Balikesir (Turquie) et placé en détention provisoire pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste » au motif qu’il aurait participé à une réunion organisée tout-à-fait légalement à Lyon par les Amitiés kurdes de Lyon et Rhône-Alpes (AKL) le 21 février dernier, intitulée « Cizîr/Cizre : histoire d’un massacre » en commémoration des massacres de Cizre perpétrés en 2016 par l’armée turque contre la population civile de cette ville du Kurdistan de Turquie.

Tuna Altinel est aussi signataire de la pétition « Nous ne serons pas complices de ce crime » des Universitaires pour la Paix, lancée en janvier 2016 en réaction aux exactions commises par l’armée turque dans cette région. Poursuivi, à l’instar de 696 autres signataires, pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste » et encourant à ce titre jusqu’à sept ans et demi de prison, Tuna Altinel s’était déjà rendu en Turquie fin février pour y présenter sa défense à la cour : »j’ai voyagé dans les villes ravagées par les derniers affrontements, je l’ai dit devant les juges » et après sa déposition, il avait pu regagner la France sans problèmes.

Des liens particuliers unissent les AKL aux Amitiés kurdes de Bretagne (AKB), qui servit de Pygmalion à cette association, le temps qu’il faut pour se construire et se développer. C’est donc avec beaucoup d’empathie que nous exprimons nos sentiments de solidarité à Thierry Lamberthod, président des AKL qui connut, lui aussi, la désagréable mésaventure d’être interpellé à l’aéroport d’Istanbul et mis en zone de rétention avant d’être expulsé par le premier avion.

André Métayer

A.M. – Thierry, c’est une cruelle épreuve quand l’un de nous est mis en détention, surtout quand cet ami n’est pas protégé par un passeport français. Voici maintenant 11 jours que Tuna Altinel est incarcéré, quelles sont les dernières nouvelles ? A-t-il pu communiquer directement ou par l’intermédiaire de son avocat ?

Thierry Lamberthod – Nous sommes en lien indirect avec l’avocate de Tuna qui a transmis le message suivant dès mardi juste avant le rassemblement de soutien. Il a été lu par les Universitaires pour la Paix : « Chers amis, J’ai le moral, ma santé va très bien, les conditions de mon environnement aussi. Qu’il n’y ait pas de mauvais œil ! Mais c’est évidemment une expérience à part, un bonheur profond de mener le combat pour la démocratie dehors, à vos côtés, tous ensemble. Quoi qu’il arrive, dehors ou dedans, nous continuerons notre chemin. Jusqu’à ce que la paix soit établie et la démocratie instaurée. Tout ira bien parce que l’avenir, c’est nous. La paix, la justice, la démocratie, c’est maintenant ! »

A.M. – Je me souviens d’une certaine conférence-débat à laquelle j’avais été invité, en janvier 2017, qui nous avait valu quelques tentatives d’intimidation de la part de ressortissants turcs. Une de vos conférences-débats, celle de février dernier, semble avoir servi de prétexte pour interpeller et emprisonner Tuna Altinel. Avez-vous le sentiment d’être à Lyon particulièrement surveillés ? Le consulat de Turquie à Lyon est-il un nid d’espions particulièrement actif ?

T.L.- Lors de la soirée du 21 février 2019, « Cizre, histoire d’un massacre », nous n’avons eu aucune information concernant une surveillance du consulat turc, néanmoins nous avons pu constater avec l’arrestation de Tuna que les autorités turques étaient au courant de sa participation. Comment ? Agents dans la salle ? Visionnage des vidéos sur Facebook ? Lors du parrainage de co-maires par la municipalité de Villeurbanne, en septembre 2018, le consulat a cherché à savoir auprès de la communauté turque si certains de ses ressortissants avaient participé à cette réunion.

A.M. – La mobilisation pour la libération de Tuna Altinel s’organise. Le Comité lyonnais de soutien à Tuna Altinel est-il opérationnel ? Comment les AKB et leurs lecteurs peuvent-ils participer à ce mouvement ?

T.L.- D’ores et déjà les mathématiciens sont organisés en collectif et ont interpellé les autorités et font circuler une pétition. Un comité lyonnais pour la libération de Tuna auquel s’associent des personnalités politiques est en cours de constitution sur l’agglomération. Les AKL ont écrit au Ministre des Affaires étrangères et au Premier Ministre ainsi qu’aux députés et sénateurs du Rhône. Le Quai d’Orsay se dit préoccupé par cette affaire. Le rassemblement a eu une bonne couverture médiatique (Le Progrès, interviews sur France 3 et France 24, articles dans Lyon Capitale, 20minutes, Libération, l’Humanité…) Nous vous tiendrons informés régulièrement des suites de la mobilisation.

Source: article paru le 21 mai sur le site des Amitiés kurdes de Bretagne

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