Après avoir été torturé et laissé pour mort à la frontière irano-turque, le journaliste kurde Aziz Oruç a été arrêté en Turquie et désigné par les autorités et les médias pro-gouvernementaux comme un « terroriste ». Par la voix de son avocat, il a raconté ce qu’il avait vécu en Arménie et en Iran.
Aziz Oruç, journaliste de l’agence de presse kurde Dicle (DIHA), interdite en 2016 par décret-loi, a été arrêté mercredi 11 décembre à Dogubayazit, dans la province d’Agri, avec deux responsables locaux du Parti démocratique des Peuples (HDP), Abdullah Ekelek et Muhammet Ikram Müftüoğlu. Le ministère turc de l’intérieur s’est d’emblée félicité de l’arrestation d’un « terroriste ». Cette qualification largement relayée par les médias turcs a été dénoncée par le HDP, ainsi que par les proches du journaliste.
TORTURÉ PAR LA POLICE ARMÉNIENNE
Aziz Oruç avait quitté la Turquie en 2017 pour aller se réfugier au sud-Kurdistan (Irak). De là, il s’était dirigé vers l’Iran, via l’Arménie, afin de rejoindre l’Europe. Arrivé au poste-frontière entre l’Arménie et l’Iran le 8 décembre, il avait été placé en garde à vue par les autorités arméniennes.
Voici le récit du journaliste transmis par son avocat :
« La police arménienne m’a arrêté au poste frontière, en prétendant que mon passeport était faux. Ils m’ont mis dans une pièce pendant plusieurs heures. Ils m’ont menacé et infligé des violences physiques. J’ai dit que j’étais journaliste et que je voulais aller en Europe parce que j’étais recherché en Turquie. J’ai déposé une demande d’asile en Arménie par l’intermédiaire de ceux qui me retenaient dans cette pièce. Cependant, toutes mes demandes ont été rejetées avec des menaces. J’ai été menotté et menacé : on m’a dit que je serais livré à l’Iran et que je serais exécuté là-bas. Puis ils m’ont livré aux services de renseignements iraniens qui m’ont placé en garde à vue pendant deux jours. Poursuivi en justice par les autorités iraniennes, j’ai été condamné à une amende pécuniaire et fait l’objet d’une décision d’expulsion.
Une nuit, ils m’ont emmené à la frontière turco-iranienne et ont voulu me forcer à franchir les fils de fer et à entrer illégalement en Turquie. Malgré mes protestations, ils m’ont jeté de l’autre côté de la frontière. Je suis repassé à plusieurs reprises du côté iranien et ai demandé à entrer en Turquie par la frontière officielle, mais ils ont refusé. J’ai été blessé en franchissant les barbelés de la frontière. J’ai été abandonné là, à la mort. Puis, j’ai réussi à marcher jusqu’à Dogubayazit. L’Iran et l’Arménie ont violé le droit international en refusant ma demande d’asile. Nous déposerons plainte contre eux devant les juridictions internationales. »
Dans une conférence de presse tenue samedi 14 décembre, l’antenne locale du HDP de Dogubayazit a indiqué que son Coprésident, Abdullah Ekelek, et un autre membre du HDP, Muhammet Ikram Müftüoğlu, avaient aidé le journaliste après son abandon par l’Iran dans la zone frontalière, et que les trois hommes avaient été arrêtés dans ce contexte.
Déférés devant un juge, dimanche, les deux membres du HDP ont été inculpés pour « soutien à une organisation terroriste » et envoyés en prison.
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