Le tribunal a libéré Saleh Muslim. C’est une décision indépendante. La Turquie en colère : « vous soutenez le terrorisme ».
Le leader politique kurde Saleh Muslim, qui avait été interpellé en République tchèque à la demande de la Turquie, a été libéré. Un porte-parole du gouvernement turc l’avait décrit comme étant un soutien à une organisation terroriste. Saleh Muslim considère sa libération comme la décision d’un tribunal indépendant non soumis à des pressions politiques : il réfute toute responsabilité dans les bombardements que la Turquie lui impute. Des manifestations kurdes ont lieu ces derniers jours devant le ministère tchèque de l’Intérieur et devant les ambassades tchèques dans le monde pour protester contre la détention de Saleh Muslim considéré par la Turquie comme « terroriste » Le tribunal a précisé que Saleh Muslim, avait été arrêté samedi par la police tchèque sur la base d’un mandat d’arrêt international. La Turquie demande son extradition car elle le considère comme terroriste, alors que le Kurde est un héros dans la lutte contre l’État islamique (IS) autoproclamé. Le juge a accepté sa remise en liberté sous condition qu’il ne quitte l’Union européenne le temps de la procédure judiciaire. La décision de la Cour tchèque est considérée par les politiciens et les diplomates turcs comme un soutien à une organisation terroriste. Elle peut, selon eux, aggraver les relations entre les deux pays. La remise en liberté est sans appel du fait qu’aucune des deux parties n’ait déposé plainte. Les Turcs peuvent déposer une demande officielle auprès du ministère tchèque de la Justice dans les 40 jours, mais ils ne l’ont pas fait à ce jour. Le kurde syrien, Saleh Muslim, soixante-dix-huit ans, a quitté la salle d’audience, libre, escorté par la police. L’annonce de la libération faite par son avocat été accueillie avec enthousiasme par les Kurdes qui étaient venus soutenir Saleh Muslim, à l’intérieur du palais de justice et dans la rue adjacente, rue Spalena. Saleh Muslim considère sa libération comme une décision d’une justice indépendante non pas soumise à des pressions politiques. Il l’a dit mardi lors du point presse avec les journalistes.
Même tonalité dans les colonnes du premier grand quotidien national : Mladá Fronta Dnes (Front de la jeunesse d’aujourd’hui,) : « Le tribunal de Prague a libéré le dirigeant kurde. Les Turcs ont envoyé une note diplomatique » :
Nous ne sommes pas satisfaits, a déclaré Mevlüt Çavuşoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, Ankara continuera à poursuivre Saleh Muslim partout où il ira, jusqu’à ce qu’il soit capturé et amené en Turquie. Nous n’abandonnerons pas.
La diplomatie tchèque a rejeté les allégations de soutien au terrorisme, allégation selon laquelle la décision du tribunal indépendant serait contraire aux obligations de la République tchèque dans le domaine de la lutte contre le terrorisme international. Cernin Palace, ministre des Affaires étrangères de la République tchèque, a indiqué que les autorités tchèques traiteraient la demande d’extradition si la Turquie envoie une demande.
L’arrestation du Kurde a semé la panique, la diplomatie tchèque se trouve dans une impasse
Lidové noviny (Le Quotidien du peuple), quotidien de centre droit :
Deux cents personnes environ ont manifesté hier devant le ministère de l’intérieur en attendant de savoir si la justice allait maintenir Saleh Muslim en détention. Quelques-unes tenaient dans leurs mains la photographie de l’homme politique des Kurdes. Elles ont fait part de leur intention d’aller manifester devant les ambassades tchèques en Europe si Saleh Muslim était maintenu en détention.
Le journal pointe quelques incohérences dans la conduite de cette affaire et Respekt, un hebdomadaire tchèque en ligne, enfonce le clou en posant des questions gênantes pour les autorités thèques sur la gestion de l’interpellation du dirigeant kurde, syrien de surcroit, qui circule sans problème dans toute l’Europe, invité officiellement à donner des conférences. Qui donc a donné l’ordre de son arrestation ?
L’interpellation est sujette à caution. Saleh Muslim a été censé être arrêté sur la base du mandat international d’Interpol. Or, le bureau de presse d’Interpol a fait savoir que Saleh Muslim n’a jamais fait l’objet d’un mandat d’arrêt et qu’il n’est pas signalé parmi les personnes recherchées. On se demande donc pourquoi cette requête émanant directement de la partie turque a reçu une réponse positive de la partie tchèque d’autant plus que la demande turque concernait Saleh Muslim dont la citoyenneté syrienne était connue. La question est donc de savoir qui a pris cette décision et en échange de quoi ? Jusqu’à présent, nous ne pouvons que spéculer soupire Karel Randák, l’ancien chef du service de renseignement tchèque qui avance une autre hypothèse : l’incompétence d’une police et de procureurs manquant de professionnalisme.