Remzi Kartal : « La Suède doit présenter des excuses au peuple kurde »

L’ancien Premier ministre suédois Olof Palme a été assassiné le 28 février 1986 en plein cœur de Stockholm. L’enquête a été close mercredi 10 juin. Remzi Kartal, Coprésident du KONGRA-GEL, a évoqué la question dans une interview accordée à l’agence de presse kurde Firat News.

Remzi Kartal, Coprésident du KONGRA-GEL (Congrès du Peuple du Kurdistan), a évoqué le meurtre d’Olof Palme et la décision du ministère public suédois de clore l’enquête après 34 ans.

Tout d’abord, pourquoi Olof Palme a-t-il été visé ?

Si nous examinons les relations d’Olof Palme avec les Kurdes et les autres peuples opprimés, nous pouvons comprendre la raison pour laquelle il a été tué en février 1986. C’était un leader social-démocrate solidaire de tous les peuples opprimés. Il avait soutenu le peuple vietnamien et s’était opposé à la guerre menée au Vietnam par l’impérialisme américain. Il condamnait également les politiques du régime raciste d’Apartheid en Afrique du Sud. 

Il était par ailleurs solidaire avec les peuples kurde et palestinien. En ce sens, Palme a été tué à la fois parce qu’il se tenait aux côtés des peuples opprimés et parce qu’il s’opposait aux politiques imposées par les États-Unis sur la scène internationale.

Quelle était la relation d’Olof Palme avec les Kurdes ?

Il était solidaire du peuple kurde. Il disait que le peuple kurde méritait la liberté et que le problème kurde devait être résolu sur la scène politico-démocratique. Après le coup d’État du 12 septembre 1980 en Turquie, il a dénoncé les tortures, les arrestations ; il s’est opposé aux pratiques mises en œuvre par la junte militaire turque. Sur cette base, il a été un leader solidaire du peuple kurde.

Pensez-vous que cette relation avec le peuple kurde était considérée comme une menace ?

Le fait qu’un leader de ce type en Europe défende la cause kurde était perçu comme un danger. Le 15 août 1984, le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) a commencé une lutte armée, ce qui représentait une sérieuse menace pour la Turquie et ses alliés au sein de l’OTAN. À cet égard, ils avaient intérêt à ce que Palme soit éliminé : ils se seraient ainsi débarrassé d’un leader d’opposition en Europe et, qui plus est, solidaire des pays du tiers monde. 

Comment le PKK a-t-il été accusé du meurtre ?

Le scénario a été monté de façon à incriminer également le mouvement de libération kurde, et faire ainsi d’une pierre plusieurs coups. C’était un concept élaboré par la Police secrète suédoise, la Säpo, avec les forces profondes de l’OTAN, notamment les États-Unis, l’Allemagne et l’Angleterre.

Palme était un leader solidaire du peuple kurde, et à cet égard, il était apprécié des Kurdes. Les puissances internationales ont conçu un plan pour se débarrasser à la fois de Palme et du PKK en mettant le crime sur le dos de celui-ci.

En 1985, la Säpo a déclaré qu’Olof Palme figurait sur la liste des cibles du PKK, ce qui montre que le meurtre avait été planifié un an auparavant. Cette information fallacieuse diffusée dans la presse révélait les plans de l’époque.

Que signifiait le meurtre de Palme pour les Kurdes ?

C’était une perte énorme pour les Kurdes. L’élimination d’un leader solidaire du peuple kurde a également été une grande perte pour le mouvement de libération kurde. 

L’assassinat de Palme a été considéré comme le début d’un processus qui a mené à l’inscription du PKK sur la liste des “organisations terroristes”. Quelle approche a été développée contre les Kurdes après le meurtre ?

Après l’assassinat de Palme, de grandes opérations ont été menées contre le PKK en Suède, mais aussi en Allemagne et dans d’autres pays européens. En criminalisant le PKK, on a tenté de le restreindre et de développer parallèlement le concept mis en œuvre par la Turquie contre le PKK, avec le soutien de l’OTAN. Après l’assassinat de Palme, a commencé une campagne internationale visant à dénigrer le PKK. 

Que pensez-vous de la décision de clore l’enquête après 34 ans ?

La clôture d’un dossier aussi important, après 34 ans, relève encore une fois d’un concept élaboré par les forces profondes de l’OTAN. Une personne décédée en 2000 est aujourd’hui tenue pour responsable du meurtre. Pour les Kurdes et le PKK, cela signifie la chose suivante : l’arrestation et la mise en examen de nombreux kurdes dès le début de l’affaire, sans preuve aucune, procédaient d’un plan. 34 ans après, l’affaire est close, sans aucune explication, sans qu’aucun compte soit rendu aux personnes accusées à tort. Le blâme est jeté sur une personne décédée et c’est la fin de l’histoire. Cette attitude prouve que, derrière l’assassinat de Palme, se trouvent de grandes forces obscures.

Le gouvernement suédois est appelé à présenter des excuses aux Kurdes. Qu’en pensez-vous ?

Il faut demander au gouvernement suédois de présenter des excuses au peuple kurde et de se justifier au sujet des allégations faites contre le PKK dans l’affaire Palme. Les institutions kurdes vont l’exiger. Nous invitons également les cercles progressistes et démocratiques, les organisations de la société civile, les mouvements de femmes et les amis du peuple kurde à mener pour cela un travail international et faire pression en particulier sur la Suède. Il est inacceptable de clore cette affaire criminelle après 34 ans, sans aucune déclaration à l’adresse du PKK. Le gouvernement suédois doit fournir une explication plus acceptable, plus raisonnable et plus précise. Et nous lutterons pour cela.

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